Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société à responsabilité limitée (SARL) Laroche Bétons a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) d'annuler l'arrêté du 21 mai 2014 du préfet du Puy-de-Dôme lui infligeant une astreinte journalière d'un montant de 700 euros jusqu'à satisfaction de la mise en demeure signifiée par arrêté du 10 septembre 2013 ;
2°) d'ordonner, avant dire droit, le transport de la juridiction sur les lieux en application des dispositions de l'article R. 622-1 du code de justice administrative ;
3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1401172 du 16 juin 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a ramené le montant de l'astreinte journalière à 250 euros et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 octobre 2017, lequel n'a pas été communiqué, la SARL Laroche Bétons, représentée par la SELARL Tournaire Roussel, avocats, demande à la cour :
1°) à titre principal :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 juin 2015 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mai 2014 et met à sa charge le paiement d'une astreinte ;
- d'ordonner, avant dire droit, le transport sur les lieux, en application de l'article R. 622-1 du code de justice administrative ;
- d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 mai 2014 ;
- d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de suspendre l'astreinte administrative à compter du 8 septembre 2014 ;
2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réduire dans de très notables proportions le montant de l'astreinte administrative mise à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté préfectoral du 21 mai 2014 se fonde sur des textes abrogés ou dépourvus de valeur normative ;
- cet arrêté a été pris en méconnaissance des droits de la défense et des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un procès équitable, en ce qu'il ne tient pas compte des observations qu'elle a produites en réponse au rapport de l'inspecteur de l'environnement ni de sa bonne foi dans le recherche de solutions pour régulariser sa situation ;
- cet arrêté est entaché d'erreur de droit ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle a entrepris les diligences nécessaires pour régulariser sa situation ;
- le préfet du Puy-de-Dôme n'établit pas que la présence de remblais effectués le long de l'Allier et de l'Eau Mère porterait atteinte à l'environnement ;
- le montant de l'astreinte que lui a infligée le préfet du Puy-de-Dôme est disproportionné ;
- le montant de l'astreinte que lui ont infligée le préfet du Puy-de-Dôme puis le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est de nature à remettre en cause sa viabilité économique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il souscrit aux observations présentées par le préfet du Puy-de-Dôme en première instance et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de Me Tournaire, avocat, pour la SARL Laroche Bétons ;
1. Considérant que la SARL Laroche Bétons, qui a pour objet la vente de béton prêt à l'emploi, a fait l'objet, le 10 septembre 2013, d'un arrêté du préfet du Puy-de-Dôme la mettant en demeure de régulariser sa situation administrative après constat par l'inspecteur de l'environnement de la présence de remblais dans les lits majeurs de l'Allier et de l'Eau Mère et d'un prélèvement d'eau souterraine réalisés sans autorisation, soit par le dépôt, dans un délai de trois mois , d'un dossier de demande d'autorisation en application de l'article R. 214-6 du code de l'environnement, soit par le dépôt, dans un délai d'un mois, d'un projet de remise en état des secteurs remblayés ; que par arrêté du 21 mai 2014, le préfet du Puy-de-Dôme a infligé à la société, sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-7 et du II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, une astreinte administrative pour non respect de cette mise en demeure, d'un montant de 700 euros par jour jusqu'à ce qu'elle satisfasse aux obligations fixées par la mise en demeure ; que, par jugement du 16 juin 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la SARL Laroche Bétons tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mai 2014 et a ramené à 250 euros le montant de l'astreinte mise à sa charge ; que la société requérante doit être regardée comme demandant à la cour, à titre principal, d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du 21 mai 2014, et d'abroger l'astreinte mise à sa charge à compter du 8 septembre 2014, ou, à titre subsidiaire, de réformer le jugement en réduisant le montant de cette astreinte ;
Sur la légalité de l'arrêté du 21 mai 2014 :
2. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'arrêté viserait des textes abrogés ou dépourvus de valeur normative est sans incidence sur sa légalité ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, que la société requérante ne conteste pas pertinemment, d'écarter les moyens tirés de ce que cet arrêté aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un procès équitable et du principe général des droits de la défense ;
4. Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté en litige mentionne les articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-11 du code de l'environnement, dont il est fait application en l'espèce ; qu'il n'est, ainsi, pas erroné en droit ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. / (...) / (...) / S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations et ouvrages, la cessation définitive des travaux, opérations ou activités, et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. / Elle peut faire application du II de l'article L. 171-8, notamment aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision. " ; qu'aux termes de l'article L. 171-8 du même code : " II. - Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : (...) 4° Ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 15 000 € et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure. Les dispositions des deuxième et troisième alinéas du 1° s'appliquent à l'astreinte. / Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. (...) " ;
6. Considérant qu'à la date de l'arrêté en litige, la SARL Laroche Bétons n'avait pas déféré à la mise en demeure qui lui avait été adressée le 10 septembre 2013 ; qu'il résulte de l'instruction que la SARL Laroche Bétons a été condamnée par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand le 3 décembre 2008 pour n'avoir pas mis un terme au dépôt de remblais en zones inondables, puis qu'elle a été condamnée au versement d'une amende par le même tribunal par jugement du 13 octobre 2010, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Riom du 16 novembre 2011, lequel a porté le montant de l'amende à 10 000 euros ; que la présence de différents remblais réalisés par la société, sur une surface de 11 807 m², en bordure de l'Allier et de l'Eau Mère, de nature à nuire à l'écoulement des eaux, est établie par les pièces du dossier, et notamment par ces condamnations pénales ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté par la SARL Laroche Bétons que la présence de ces remblais a perturbé les caractéristiques morphologiques des rivières en diminuant leur champ d'expansion de crues et que le stockage de granulats en zones inondables peut, en cas de crue, générer le transport et le dépôt de produits susceptibles de former des embâcles ; qu'il n'est pas davantage contesté que ces agissements ont détruit la ripisylve du site, alors qu'il est situé dans la zone Natura 2000 FR8301038 "Val d'Allier-Alagnon" ; que, dans ces conditions, la SARL Laroche Bétons n'est fondée à soutenir ni que l'atteinte portée à l'environnement ne serait pas établie, ni que le montant de l'astreinte, au demeurant ramené de 700 à 250 euros par les juges de première instance, serait excessif au regard de la gravité des manquements et de l'atteinte portée à l'environnement ;
7. Considérant, enfin, que la société requérante ne justifie pas, en tout état de cause, que le montant de l'astreinte mise à sa charge mettrait en péril sa viabilité financière ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire pour la cour de se transporter sur les lieux, que la SARL Laroche Bétons n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a confirmé, dans son principe, l'astreinte mise à sa charge par le préfet du Puy-de-Dôme et rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'abrogation de l'astreinte à compter du 8 septembre 2014 :
9. Considérant que, s'il résulte de l'instruction que la SARL Laroche Bétons a, le 18 juin 2014, présenté un dossier de demande d'autorisation en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement, ce dossier était incomplet ; que, par courrier du 8 septembre 2014, le directeur départemental des territoires a relevé que le dossier restait irrégulier et ne pouvait être soumis à enquête publique ; que, par ailleurs, si la SARL Laroche Bétons soutient qu'elle recherche un autre site d'implantation, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait procédé à la remise en état des lieux conformément à la mise en demeure qui lui a été faite le 10 septembre 2013 ; qu'ainsi, la SARL Laroche Bétons ne démontre pas avoir accompli les diligences nécessaires pour se conformer à la mise en demeure du 10 septembre 2013 ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de faire droit à ses conclusions tendant à l'abrogation, à compter du 8 septembre 2014, de l'astreinte mise à sa charge ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la SARL Laroche Bétons demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Laroche Bétons est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Laroche Bétons et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2017.
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N° 15LY02597