Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont il disposait à l'expiration de l'année 2012.
Par un jugement n° 1302762 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 février et 1er août 2016, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 décembre 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et la restitution des sommes indûment perçues.
Il soutient que :
- le tribunal a relevé d'office un moyen de défense sans en avertir les parties ;
- il n'a jamais réorienté son activité vers celle de centre équestre et n'a jamais cessé son activité d'éleveur propriétaire entraîneur ;
- eu égard aux moyens mis en oeuvre, il exerce une activité économique et ne se borne pas à gérer un patrimoine privé ;
- la série d'événements qui a entraîné le retard du démarrage de son activité ne doit pas entraîner la remise en cause de sa qualité d'assujetti ;
- les chevaux de l'exploitation ont atteint leur maturité entre 2011 et 2016 ;
- l'administration fiscale, qui avait admis sa qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, ne pouvait rétroactivement revenir sur cette qualification ;
- c'est à tort que l'administration qualifie le recours à une SEL de comportement abusif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions tendant à la décharge d'impositions supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée établies au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Jean-Paul Vallechia, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. A... ;
1. Considérant que M. A... relève appel du jugement du 3 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de l'année 2012 ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, ainsi que l'indique M. A... dans son mémoire en réplique, le présent litige est circonscrit à la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2012 et ne porte pas sur les droits rappelés par le service au titre des années antérieures ; que les fins de non-recevoir opposées en défense sont, dès lors, sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que, pour rejeter la demande qui lui était soumise, le tribunal s'est fondé sur le fait que l'administration établissait que l'intention déclarée par M. A... d'exercer une activité d'élevage de chevaux était abusive ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance que, devant le tribunal, l'administration s'était bornée à remettre en cause la qualité d'assujetti du contribuable pour l'année 2012 au motif que M. A... n'exerçait pas d'activité taxable et qu'il n'existait pas d'intention démontrée de réaliser des opérations taxables ; qu'en revanche, elle ne soutenait pas se trouver en présence d'une situation abusive ; qu'en soulevant d'office le caractère abusif de la situation de M. A..., le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ; que, par suite, le jugement doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur la demande de remboursement d'un crédit de taxe :
5. Considérant que M. A..., qui exerce à titre principal l'activité de chirurgien dentiste, a déclaré créer une activité d'élevage de chevaux au lieu-dit La Piccassière à Montseveroux, à compter du 1er janvier 2007 ; qu'il a, depuis lors, régulièrement bénéficié de remboursements de crédit de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité engagée en 2012 et portant sur les années 2009 à 2011 l'administration a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de l'intéressé et rappelé la taxe dont il avait obtenu le remboursement ; que M. A... a néanmoins demandé, le 6 mars 2013, le remboursement d'un crédit de taxe évalué à 5 888 euros au titre de l'année 2012 et conteste le refus de l'administration de faire droit à sa demande au titre de cette seule période ;
6. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ; qu'aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent, de manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quel que soit le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard d'autres impôts ou la nature de leur intervention (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière de celles de l'article 4 paragraphe 2 de la sixième directive 77/388/CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, que le droit à déduction, qui prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le fournisseur, reste acquis dès lors que l'assujetti s'est acquitté du prix des biens ou services et détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, même lorsque l'activité économique envisagée ne donne pas lieu à des opérations ouvrant droit à déduction ou lorsque l'assujetti n'a pas utilisé les biens ou services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d'une opération taxable, comme il prévoyait de le faire, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et en l'absence de toute intention frauduleuse ou abusive ; que, cependant, l'intention de commencer une activité imposable doit être corroborée par des éléments objectifs ; que lorsqu'un bien peut être utilisé tant à des fins économiques que privées, il convient, pour déterminer s'il est exploité dans le cadre d'une activité économique taxable, de s'attacher, notamment, au point de savoir si son propriétaire a mobilisé à cette fin des moyens analogues à ceux déployés par un professionnel, à l'importance de la clientèle et au montant des recettes enregistrées ;
7. Considérant que l'administration fait désormais valoir que M. A... n'était pas en droit de déduire la taxe dont il demande le remboursement au motif que l'activité économique envisagée n'a pas donné lieu à des opérations ouvrant droit à déduction, l'intention déclarée par l'intéressé de se livrer à des opérations imposables étant, au cas d'espèce, abusive ; que M. A... soutient pour sa part que son intention initiale était de créer un centre d'entraînement et de préparation à la compétition d'endurance et qu'il a toujours entendu exercer une activité économique taxable, de " propriétaire entraîneur éleveur " ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'activité principalement exercée par M. A... est celle de chirurgien dentiste ; que son cheptel est limité à huit chevaux et n'a pas évolué depuis 2008 ; qu'eu égard aux contraintes d'âge et de préparation des chevaux évoquées par M. A... dans ses propres écritures, un tel effectif apparaît insuffisant pour mener à bien une activité d'élevage ; qu'alors que l'activité a débuté en 2007, aucun cheval n'a été vendu avant 2015, aucune recette liée à l'activité d'élevage n'ayant été enregistrée durant cette période ; que la seule fonction des salariés employés successivement dans le haras en tant que cavalier soigneur ou agent d'entretien était d'assurer les soins aux chevaux et leur entraînement ; qu'aucune démarche commerciale n'a été engagée durant les cinq premières années d'exploitation, la création d'un site internet n'étant intervenue qu'en avril 2012 ; que l'activité entreprise n'a généré, jusqu'en 2015, année au cours de laquelle deux chevaux ont été vendus, aucune recette liée à l'élevage, ou à des prises en pension, au dressage ou à la location, les seules recettes enregistrées provenant des gains réalisés par M. C... A...à l'occasion de concours hippiques auxquels il a personnellement participé ; qu'il n'est pas contesté qu'en 2011, M. A... a cédé sa clientèle libérale de chirurgien dentiste à une SELARL dont il est le gérant et unique associé, qui lui verse des rémunérations inférieures au seuil visé au 1° du I de l'article 156 du code général des impôts lui permettant d'imputer sur son revenu global les déficits agricoles déclarés au titre de l'élevage de chevaux ;
9. Considérant que le cycle de production des chevaux d'endurance tel qu'il est invoqué par M. A... ne saurait expliquer l'absence de toute recette liée à l'élevage, et ce même si, comme il le soutient, les chevaux n'arriveraient à maturité qu'entre six et huit ans, dès lors que plusieurs de ses chevaux nés en 2002, avaient atteint la maturité dès l'année qui a suivi le début de l'exploitation ; que si l'intéressé fait valoir que son projet initial n'a pu aboutir en raison de circonstances indépendantes de sa volonté correspondant au désengagement de son fils intervenu en 2009 et à la démission d'une salariée en 2012, ces événements ne peuvent suffire, alors que rien ne faisait obstacle au recrutement d'autres collaborateurs en vue de l'aboutissement de son projet, à expliquer l'absence de toute recette autre que celles liées à sa participation ponctuelle et occasionnelle à des courses hippiques ; que l'intervention du contrôle fiscal, à la fin de l'année 2012, ne peut sérieusement être invoquée pour expliquer que l'activité envisagée n'ait finalement pu se développer ; qu'enfin, alors que l'administration fait état d'éléments précis tendant à démontrer que M. A... a mis en oeuvre un montage juridique lui permettant de minorer les revenus imposables qu'il tirait de son activité libérale par imputation de déficits agricoles que générait son haras, l'intéressé ne peut être regardé comme réfutant efficacement ces éléments en se bornant à faire valoir qu'il n'a jamais perçu de dividendes ;
10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les moyens mis en oeuvre par M. A..., qui n'a jamais cessé d'exercer son activité principale de chirurgien dentiste, pour développer l'activité alléguée " d'éleveur propriétaire entraîneur " ne peuvent être regardés comme analogues à ceux déployés par un professionnel ; que sa clientèle est inexistante et ses recettes, marginales, sont exclusivement liées à sa participation à des compétitions sportives ; que l'existence de ce domaine lui a, parallèlement, permis d'obtenir le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajouté puis d'imputer ses déficits agricoles pour diminuer ses revenus imposables ; que dans ce contexte, il apparaît non seulement que M. A... n'a pas utilisé les biens ou services ayant donné lieu à la déduction revendiquée dans le cadre d'opérations taxables, mais également que ce défaut d'opérations taxables n'est pas lié à des circonstances indépendantes de sa volonté et procède d'une intention abusive ; qu'il ne pouvait, dès lors, prétendre au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, et ce alors même que l'administration avait précédemment admis sa qualité d'assujetti ;
11. Considérant enfin qu'une décision de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée, non motivée, ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales sur la situation de fait du contribuable ; que M. A... n'est, dès lors, pas fondé à invoquer, sur le terrain de la garantie prévue par l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, des remboursements de crédits de taxe obtenus au titre de périodes précédentes ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à obtenir le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée sollicité ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 décembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande et le surplus de la requête de M. A... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2017.
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 16LY00421