Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme. C... B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005.
Par un jugement n° 1200089 du 30 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête sommaire et un mémoire enregistrés le 8 février 2016 et le 19 septembre 2017, M. et Mme B..., représentés, dans le dernier état de leurs écritures, par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 novembre 2015 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et la restitution des sommes versées à tort assortie d'intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce que l'administration a exprimé, le 28 octobre 2011, une position qui témoigne des insuffisances de la méthode de reconstitution ;
- le tribunal s'est mépris sur le fondement légal des rectifications ;
- M. B... n'a pas appréhendé les sommes considérées comme distribuées à son profit, l'administration n'apportant pas la preuve qu'il était le seul maître de l'affaire ;
- dès lors que l'administration n'a pas été en mesure d'établir que M. B... a participé aux dissimulations de recettes sociales, elle ne peut être regardée comme ayant établi qu'il a appréhendé les sommes en cause ;
- l'ambiguïté et l'incohérence de la position de l'interlocuteur départemental témoigne des lacunes affectant la méthode de reconstitution.
Par un mémoire en défense, et un mémoire en réplique, enregistrés le 18 avril 2016, et le 12 octobre 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B... est gérant et associé majoritaire de la SARL New China III, qui exploite un restaurant de spécialités asiatiques à Ville-la-Grand ; que cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a rectifié les résultats sociaux au titre des exercices clos en 2004 et 2005 ; que les rectifications toutes taxes comprises des bases soumises à l'impôt sur les sociétés ont été, par application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, considérées comme des revenus distribués au profit de M. B... qui a en conséquence été imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 30 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que devant les premiers juges, M. et Mme B... ont fait valoir que dès lors que l'administration avait admis, dans la décision statuant sur la réclamation préalable de la société, n'être pas en mesure de prouver l'intention de M. B... d'éluder l'impôt, elle ne pouvait être regardée comme établissant qu'il avait appréhendé les sommes en cause ; que les premiers juges n'ont pas analysé ce moyen dans les visas de leur décision et n'y ont pas répondu dans ses motifs, entachant ainsi leur jugement d'irrégularité ; que M. et Mme B... sont, par suite, fondés à demander l'annulation du jugement ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant que les appelants ne contestent pas la régularité de la procédure relative à leur imposition personnelle mais celle relative à la SARL New China III ; qu'en raison du principe d'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre de la société, d'une part, et de ses associés, d'autre part, les irrégularités de la procédure de rectification suivie à l'encontre de la SARL, à les supposer établies, sont sans incidence sur l'imposition personnelle de M. et Mme B... ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
5. Considérant, d'une part, que M. et Mme B... ont contesté, le 27 février 2007, les rectifications apportées à leur revenu global, qui leur avaient été notifiées selon la procédure contradictoire ;
6. Considérant, d'autre part, que la lettre par laquelle le conseil de la SARL New China III, mandaté par son gérant, M. B..., pour la représenter dans le cadre de la procédure d'imposition et interrogé en vertu de l'article 117 du code général des impôts, a désigné M. B... comme bénéficiaire des revenus réputés distribués en application du c de l'article 111 du code général des impôts par suite des rectifications de ses recettes ne comporte pas la signature de l'intéressé ; que dès lors que ce dernier n'était pas représenté lui-même par le signataire de la lettre et qu'il conteste être le bénéficiaire de cette distribution, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'appréhension par l'intéressé des revenus imposés à son nom ;
7. Considérant que l'administration supporte dès lors la charge de la preuve de l'existence, du montant et de l'appréhension par l'intéressé des bénéfices qui auraient été distribués par la société ;
En ce qui concerne l'existence et le montant des distributions :
S'agissant de la valeur probante de la comptabilité de la société :
8. Considérant que la SARL New China III enregistrait ses recettes quotidiennement sur un livre de caisse en les ventilant par moyens de paiement ; que pour justifier du détail de ces recettes, elle agrafait quotidiennement en un lot des doubles de notes client en mentionnant en tête de chaque lot la date, le montant total des recettes de la journée et une ventilation par type de paiement ; que les doubles de notes clients ainsi conservés n'étaient pas numérotés et ne permettaient pas de déterminer la nature de la boisson consommée à l'exception du café, du thé, du saké et du cognac ; que ces pièces, dès lors, ne permettaient ni d'effectuer un rapprochement entre les produits acquis et stockés et les ventes réalisées ni, surtout, d'effectuer un suivi chronologique des ventes et d'avoir l'assurance que l'ensemble des notes émises ont été conservées ; qu'au vu de ces lacunes, et sans qu'il soit besoin d'examiner le mérite des autres griefs faits à la comptabilité, l'administration a pu à bon droit, sur le fondement de ces seuls éléments, écarter comme non probante la comptabilité du restaurant et procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires ;
S'agissant de la méthode de reconstitution :
9. Considérant qu'afin de tenir compte des conditions réelles d'exploitation de l'entreprise, qui assurait elle-même la blanchisserie, le vérificateur a écarté la méthode de reconstitution dite des serviettes et la méthode dite du riz compte tenu de la faiblesse de la consommation de riz par client communiquée par la société ; qu'il s'est employé à déterminer les achats revendus de liquide à partir d'un dépouillement exhaustif des factures d'achat de liquides et de la prise en compte des stocks à l'ouverture et à la clôture de chaque exercice ; qu'il a appliqué à ces achats revendus les dosages et les prix de vente issus de la carte des boissons, afin de déterminer le prix de vente TTC de chaque boisson ; que le chiffre d'affaires " liquides " a ensuite été calculé, après prise en compte de pertes évaluées notamment à 10 % sur le cocktail maison et à un litre par carton pour le vin, d'offerts retenus pour un pourcentage variant entre 5 % notamment pour le champagne en 2005 et 40 % pour le saké en 2004 et des consommations du personnel ; qu'il a également pris en compte, conformément aux indications de la SARL New China III, les alcools entrant dans la préparation des plats et les sirops utilisés en cuisine pour les desserts ; que le service vérificateur a enfin appliqué aux chiffres d'affaires " liquides " ainsi reconstitués un pourcentage de 19,74 % en 2004 et 20,31 % en 2005, issu du dépouillement des doubles des notes clients, afin de déterminer les chiffres d'affaires totaux ; que, conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires le prix de vente du pichet de vin à été ramené à 9,90 euros au lieu des 10,50 euros initialement retenu ; qu'enfin dans le cadre de l'interlocution interrégionale, la totalité du chiffre d'affaires relatif aux cafés a été exclue de la reconstitution ;
10. Considérant qu'en faisant valoir que la méthode utilisée aboutit à un pourcentage de rehaussement qui varie selon les exercices 2004 et 2005, la faiblesse de ce pourcentage pour ce dernier exercice, et à invoquer les abandons, même significatifs, de rectification consentis au cours la procédure contradictoire, les appelants ne démontrent ni l'incohérence de la méthode retenue, ni son imprécision, ni l'exagération des bases d'imposition auxquelles elle a, en dernier lieu, abouti ; que cette démonstration n'est pas davantage rapportée par l'invocation des abandons consentis à la suite de l'intervention de l'interlocuteur interrégional, dont elle a bénéficié ; que si la société a produit des tableaux alternatifs reposant sur des données différentes concernant les offerts, la consommation du personnel, les dosages et les pertes, M. et Mme B... ne démontrent pas que ces données, à l'appui desquelles aucune justification n'est produite, seraient plus pertinentes que celles qui ont été retenues à la suite des échanges contradictoires auxquels ont donné lieu les opérations de vérification sur place effectuées par l'administration ; que dans ces conditions, l'administration dont la méthode, pertinente et précise, n'est pas efficacement contredite, doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence et du montant des bénéfices qu'elle a regardés comme distribués ;
En ce qui concerne l'appréhension des distributions :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration est réputée apporter la preuve que des distributions occultes ont été appréhendées par la personne qui, disposant seule des pouvoirs les plus étendus au sein de la société dont des revenus ont été regardés comme distribués, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardée comme le seul maître de l'affaire ;
12. Considérant que l'administration rappelle que dans sa requête de première instance, M. B... a très clairement indiqué qu'il était le maître de l'affaire ; qu'elle fait valoir qu'il est le gérant de droit de la société et qu'il détient 66 % du capital social ; que si M. et Mme B... font valoir que M. A..., beau-frère de M.B..., était également associé à hauteur de 34 % des parts dans la société et qu'il était le directeur salarié de l'établissement amené, de fait, à gérer la caisse et à avoir accès aux fonds sociaux, il ressort des pièces produites à l'appui de leurs affirmations que M. A... se trouvait dans un lien de subordination vis-à-vis de la société, qu'il a été recruté par un contrat signé par M. B..., qui disposait de la signature sociale, et que M. A... a indiqué aux agents enquêteurs que M. B... déposait lui-même les enveloppes contenant les recettes en espèces auprès de l'établissement bancaire, son maniement des fonds se limitant à se rendre chez les époux B...à Meythet pour leur remettre, " à titre de dépannage ", les recettes ; qu'au vu de ces éléments, la maîtrise de l'affaire ne saurait être regardée comme ayant été exercée conjointement par M. A... et M. B..., l'administration apportant des éléments suffisants pour démontrer que ce dernier était le seul maître de l'affaire ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... doit, du fait de cette qualité, être réputé avoir appréhendé les revenus distribués en litige ; qu'est sans incidence sur ce point le fait que l'administration, qui n'est jamais tenue d'infliger une sanction se soit abstenue d'assortir les rectifications apportées à ses bases imposables des pénalités prévues en cas de manquement délibéré ; que les appelants ne peuvent davantage utilement invoquer, pour contester cette appréhension les mentions contenues dans la décision statuant sur la réclamation préalable présentée par la société, et relatives à leur intention d'éluder l'impôt ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme. B... ne sont pas fondés à demander la décharge des impositions contestées ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, l'ensemble de leurs conclusions accessoires ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. ou Mme C... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme Vinet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 janvier 2018.
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N° 16LY00458