Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 décembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", l'a obligée à quitter le territoire français dans délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'État au profit de son conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 1600396 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 3 juin 2016, le 11 mai 2017 et le 4 décembre 2017, Mme B... A..., représentée par Me Da Costa-Daul, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1600396 du 3 mai 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 décembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", l'a obligée à quitter le territoire français dans délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'État au profit de son conseil une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- il est entaché de vice de procédure, dès lors que le préfet ne lui a pas communiqué les deux courriers de son époux des 17 février et 30 octobre 2014 sur lesquels il s'est fondé, en méconnaissance des principes de la contradiction et des droits de la défense ;
- il est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a considéré à tort qu'il était saisi d'une demande de renouvellement de carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" alors qu'il était saisi d'une demande de première délivrance d'une telle carte ;
- il méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code, dès lors qu'est établie la réalité des violences conjugales qu'elle a subies de février à avril 2014, notamment par le jugement du 29 septembre 2016 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rouen ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 dudit code et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'est établie la réalité des violences conjugales qu'elle a subies de février à avril 2014, que sa condition de femme divorcée sera particulièrement difficile à vivre au Maroc et qu'elle travaille sous contrat à durée déterminée à raison de 115 heures par mois depuis le 3 avril 2015 ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence de son auteur ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur ;
Sur le refus de titre de séjour :
1. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation au préfet de respecter une procédure contradictoire préalable avant de statuer sur la demande de titre de séjour de Mme A... ; que l'administration n'était pas tenue, contrairement à ce que soutient la requérante, de la mettre à même de discuter le contenu des lettres adressées le 17 février 2014 et le 30 octobre 2014 par son époux avant l'édiction de la décision contestée ; que, dès lors, le moyen tiré du vice de procédure qui entacherait cette décision ne peut qu'être écarté ;
2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 212-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, par dérogation à l'article L. 311-1, le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois au conjoint d'un ressortissant français donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 pour une durée d'un an. " ; que l'article L. 313-11 dudit code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) " ; que selon le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". " ;
3. Considérant que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet au regard des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la première délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il convient, pour la cour, d'adopter ;
4. Considérant, en troisième lieu, que Mme A... a épousé un ressortissant français le 29 novembre 2012, et a, en conséquence bénéficié d'un visa de long séjour valable du 31 mai 2013 au 31 mai 2014 portant la mention "vie privée et familiale" lui conférant les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue par les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est constant qu'à la date de la décision en litige du 18 décembre 2015 refusant le renouvellement de cette carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", la communauté de vie entre les époux avait cessé à la suite de l'engagement, le 21 janvier 2014 d'une procédure de divorce à l'initiative du conjoint de Mme A... et de l'intervention d'une ordonnance de non-conciliation du 5 juin 2014 du juge aux affaires familiales constatant notamment l'absence de domicile conjugal ; que si la requérante fait valoir les comptes-rendus des consultations médicales des 20 et 27 février 2014 auprès du centre d'accueil spécialisé pour les agressions de Rouen, ses déclarations des mêmes jours aux services de police, une déclaration de main courante du 14 avril 2014 et le jugement du 29 septembre 2016 par lequel le tribunal de grande instance de Rouen a prononcé le divorce aux torts exclusifs de son époux en retenant la réalité des violences conjugales au vu des éléments précités, ces pièces ne sont pas suffisantes pour établir que la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'elle aurait subies ; que, par suite, la décision contestée ne méconnaît ni les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code ;
5. Considérant, en dernier lieu, que Mme A..., née le 27 septembre 1993, de nationalité marocaine et entrée en France le 9 juin 2013, soutient qu'elle a subi des violences conjugales de février à avril 2014, que sa condition de femme divorcée sera particulièrement difficile à vivre au Maroc et qu'elle travaille sous contrat à durée déterminée à raison de 115 heures par mois depuis le 3 avril 2015 ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la réalité des violences conjugales alléguées n'est pas établie ; que séparée de son conjoint français, en instance de divorce à la date de la décision en litige et installée à cette date depuis seulement deux ans et six mois sur le territoire national, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait tissé, en dépit d'une activité salariée à temps partiel en 2014, des liens personnels et familiaux en France caractérisés par une intensité, une ancienneté et une stabilité suffisante ; que les documents relatifs à la situation des personnes divorcées au Maroc qu'elle produit ne suffisent pas à démontrer les difficultés auxquelles elle serait personnellement exposée dans ce pays ; qu'il est constant que l'ensemble de sa famille réside au Maroc ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de renouvellement de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée, au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du même code, d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante qui n'établit pas l'existence de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 5 que Mme A... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour ;
8. Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante ;
Sur la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 8 que Mme A... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 9 que Mme A... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à mise à la charge de l'État des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à Me Da Costa-Daul et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président assesseur,
M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 janvier 2018.
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N° 16LY01886