Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...C..., représenté par MeB..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 mars 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1702895 du 24 juillet 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2017, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la décision attaquée a été adoptée par une autorité incompétente ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant de faire usage de son droit d'admission exceptionnelle au séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu avant toute décision défavorable ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la décision attaquée a été adoptée par une autorité incompétente ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Carrier.
1. Considérant que M.C..., ressortissant algérien né le 17 mars 1973, est entré en France selon ses dires en 2001 ; qu'il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par arrêté du 8 mars 2017, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que, par jugement du 19 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. C...aux fins d'annulation de ces décisions ; que, par sa requête, il demande l'annulation de ce jugement ;
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été signée par M. Yves Dareau, secrétaire général adjoint de la préfecture de l'Isère, qui, par un arrêté du 1er février 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture, a reçu délégation du préfet de l'Isère à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses relevant de 1'Etat dans le département, à l'exclusion de certains actes dont ne relèvent pas les actes relatifs à la police des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée qui fait apparaître les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut être accueilli ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ni qu'il aurait commis une erreur de droit en s'estimant tenu de refuser de régulariser sa situation ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que le requérant soutient qu'il réside en France depuis 2001, qu'il est compagnon d'Emmaüs depuis plusieurs mois ; que, toutefois, M. C..., célibataire sans enfant, n'apporte pas d'éléments suffisamment probants de nature à établir la durée de sa présence en France ; qu'en outre, il n'est pas établi qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ; qu'enfin, son intégration professionnelle en France est récente et présente un caractère précaire ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce susrappelées, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son droit discrétionnaire de régularisation ; qu'à cet égard, les dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière ne constituent pas des lignes directrices dont le requérant puisse utilement se prévaloir devant le juge ; que le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ;
7. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;
8. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
9. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; qu'ainsi, la seule circonstance que le requérant n'a pas été invité à formuler des observations avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours n'est pas de nature à permettre de le regarder comme ayant été privé de son droit à être entendu ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I..." ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de M. C...est suffisamment motivée ; qu'il résulte des dispositions précitées que la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français ne serait pas suffisamment motivée ne peut être accueilli ;
12. Considérant, en dernier lieu, que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'absence d'examen particulier de la situation de l'intéressé, de l'erreur de droit commis par le préfet en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation, de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé, de l'erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire droit à la demande d'admission exceptionnelle au séjour du requérant doivent être écartés pour les motifs que ceux exposés précédemment ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que les conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 15 février 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2018.
1
5
N° 17LY03728