Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des compléments d'impôts sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes ainsi que la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement nos 1400517-1400518 du 22 mars 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 mai 2016, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 mars 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure d'évaluation d'office est irrégulière faute de caractériser le double manquement invoqué permettant de qualifier l'activité exercée d'activité occulte ;
- quand bien même sa déclaration d'activité était erronée, l'appelant avait déclaré son activité de vente en ligne au centre de formalité des entreprises ;
- il a satisfait à ses obligations fiscales en déclarant au titre des années en cause ses revenus d'activité dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; le tribunal a dénaturé les faits ;
- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires retenue par l'administration est excessivement sommaire et ne tient pas compte des modalités d'exercice de l'activité de " drop shipping " et des modes de paiement des clients et d'annulation des commandes avec remboursements ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée ; le taux de marge nette forfaitaire retenu par l'administration est arbitraire et non justifié ;
- les bases d'imposition déterminées sont exagérées ;
- en ne recherchant pas si l'administration avait usé de l'ensemble des éléments à sa disposition pour déterminer les bases d'imposition, le tribunal a commis une erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère ;
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... exerce une activité commerciale de vente en ligne et a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2010 et 2011 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rectifications en matière d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux selon la procédure d'évaluation d'office et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée selon la procédure de taxation d'office. M. C... a contesté ces rappels par réclamations contentieuses que l'administration a partiellement admises. M. C... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand de demandes de décharge des impositions restées à sa charge. Par un jugement joint, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée laissés à sa charge. Par la présente requête, M. C... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions dirigées contre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu :
2. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 169 du Livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ".
3. En vertu des dispositions du 2 de l'article 50-0 du code général des impôts, sont exclus du régime des micro-entreprises " les contribuables qui exercent une activité occulte au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ".
4. En vertu des dispositions de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, l'administration peut évaluer d'office les bénéfices imposables selon le régime du forfait ou un régime de bénéfice réel qu'un contribuable tire d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale lorsqu'il n'a pas déposé la déclaration annuelle afférente à ces revenus dans le délai légal.
5. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...), sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 ; (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...) ". Aux termes de l'article L. 67 du même livre dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable s'est abstenu de déposer dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, et de faire connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration est réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. Ces dispositions, si elles autorisent l'administration à imposer selon la procédure d'évaluation d'office les bénéfices industriels ou commerciaux qu'un contribuable a omis de déclarer sans adresser à ce contribuable une mise en demeure de régulariser sa situation préalablement à la notification des redressements dans les cas qu'elles énumèrent limitativement, elles ne la dispensent pas d'envoyer une telle mise en demeure au contribuable qui s'est fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou d'un organisme consulaire antérieurement à la notification des redressements dès lors que sa déclaration d'activité, quand bien même elle comporterait des erreurs ou des omissions, notamment en ce qui concerne la date à laquelle l'activité a débuté, mentionne l'adresse à laquelle le contribuable peut être joint et l'activité industrielle, commerciale ou artisanale qui motive l'inscription.
7. Il résulte de l'instruction que M. C... a déclaré auprès du centre de formalités des entreprises le 7 mai 2007 exercer une activité de " débarras de locaux et maisons, nettoyage intérieur extérieur de locaux et maisons, entretien espaces verts, vente sur foires et marchés d'objets mobiliers et articles divers ", qu'il a complété, le 27 février 2012 en déclarant exercer une activité d'" achat vente d'animaux et autres sur internet ". Lors du contrôle, M. C... a déclaré exercer une activité de vente en ligne d'articles pour adultes à partir de son site internet " Streetlove ". L'administration a estimé que M. C... avait exercé au cours des années vérifiées une activité non déclarée de commerce en ligne d'articles pour adultes et a procédé à l'évaluation d'office du bénéfice imposable tiré de cette activité commerciale. Pour qualifier l'activité exercée d'occulte en application de l'alinéa 3 de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, l'administration a considéré que l'activité réellement exercée par M. C... de vente enligne d'articles pour adultes n'avait pas déclaré auprès du centre de formalités des entreprises. Toutefois, l'appelant soutient que le caractère approximatif de l'activité déclarée n'était pas suffisant pour considérer son commerce en ligne comme une activité exercée de manière occulte en faisant valoir, ce qui n'est pas contesté, qu'il a régulièrement souscrit ses déclarations de revenus imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2010 et 2011 en litige. L'administration fait valoir qu'elle a tenu compte de ces déclarations lors de la détermination des conséquences financières du contrôle en appliquant aux recettes déclarées un abattement de 71 % correspondant, aux termes du 1. de l'article 50-0 du code général des impôts, à une activité de vente, et non de prestation de services.
8. S'il appartient au contribuable d'établir qu'il a respecté ses obligations déclaratives, ce qui est le cas en l'espèce, la seule circonstance qu'il ait désigné son activité professionnelle sous l'appellation " débarras de locaux " et " vente sur foires et marchés d'objets mobiliers et articles divers et achat vente d'animaux et autres sur internet " n'est pas de nature à le faire regarder comme n'ayant pas procédé à la déclaration de son activité commerciale au centre de formalités des entreprises. En l'espèce, M. C... s'est effectivement fait connaître d'un centre de formalités des entreprises au titre des années litigieuses, sa déclaration d'activité mentionnant la " vente d'animaux et autres sur internet ". Dans ces conditions, l'administration n'est pas fondée à soutenir que les modalités d'exercice de son activité lui étaient inconnues et justifiaient la qualification d'activité occulte. L'administration fiscale ne pouvait dès lors sur le fondement des articles 50-0 et 293 B du code général des impôts regarder le contribuable comme exerçant une activité occulte et mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office de ces bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales sans mise en demeure préalable. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité. Cette irrégularité entraîne, par voie de conséquence, la décharge des impositions litigieuses à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes.
Sur les conclusions dirigées contre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
9. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ".
10. Aux termes du I de l'article 293 B du code général des impôts : " I.-Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, à l'exclusion des redevables qui exercent une activité occulte au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ".
11. L'administration a remis en cause le bénéfice de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée qui dispensait M. C... d'acquitter la taxe sur la valeur ajoutée et de souscrire des déclarations de taxe au titre de son activité professionnelle en considérant qu'il avait exercé au cours de la période vérifiée une activité non déclarée et donc occulte au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Elle a donc procédé à sa taxation d'office sur la période vérifiée sans mise en demeure pour défaut de déclarations en application des dispositions des articles L. 68 et L. 73 du livre des procédures fiscales. Toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que l'activité déclarée par M. C... au centre des formalités des entreprises ne permet pas de considérer que l'activité effectivement exercée au cours de la période vérifiée revêtait un caractère occulte au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, à l'origine de la découverte par l'administration d'une matière taxable jusqu'alors dissimulée dont elle ignorait l'existence et l'autorisant à taxer d'office le contribuable sur le fondement des articles L. 68 et L. 73 du livre des procédures fiscales sans mise en demeure préalable. Dans ces conditions, l'administration n'était pas fondée à remettre en cause le bénéfice de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée et à lui notifier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée. Par suite, M. C... est fondé à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. C... au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1400517-1400518 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 mars 2016 est annulé.
Article 2 : M. C... est déchargé des compléments d'impôts sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2011 et des pénalités y afférentes ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et des pénalités y afférentes.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme E..., première conseillère,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 3 avril 2018.
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N° 16LY01748
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