Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon a rejeté sa demande du 29 août 2013 tendant à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'absence de versement à la caisse nationale d'assurance vieillesse au titre de la période courant de 1996 à 2001, d'autre part, de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Lyon à lui verser la somme de 508 128 euros, assortie des intérêts de droit à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation de ces intérêts.
Par un jugement n° 1308864 du 18 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés respectivement les 18 juillet, 3 octobre 2016 et 10 janvier 2017, M. C..., représenté par la SCP Masse-Dessen-Thouvenin-Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 mai 2016 ;
2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Lyon Métropole - Saint-Etienne - Roanne à lui verser la somme de 508 128 euros, sauf à parfaire, outre les intérêts et les intérêts capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon Métropole - Saint-Etienne - Roanne une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement attaqué, qui n'est pas signé, est entaché d'irrégularité ;
- sa demande indemnitaire est recevable sans que la chambre de commerce et d'industrie puisse opposer l'autorité de la chose jugée ;
- la chambre de commerce et d'industrie ne peut pas davantage lui opposer valablement la prescription quadriennale ;
- la chambre de commerce et d'industrie n'a jamais régularisé sa situation auprès de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) en versant les cotisations afférentes à la période courant de 1996 à 2002 lui causant la perte de ses droits à pension de retraite et l'impossibilité de prétendre à une retraite anticipée à compter du 6 avril 2009 ; il a donc perdu ses droits à pension sur cinq ans de 2009 à 2014 pour un montant de 104 747 euros ;
- il a également subi un préjudice lié à la minoration de sa pension de retraite complémentaire qui justifie sa demande d'une somme de 275 536,08 euros ;
- il a réalisé des heures de formation au titre d'un congé individuel de formation ainsi que des heures supplémentaires qui n'ont pas été réglées ; à ce double titre, il est fondé à réclamer les sommes de 9 145 et 18 700 euros ;
- il a subi des troubles dans les conditions d'existence, liés à une situation de surendettement, résultant directement des illégalités commises par la chambre de commerce et d'industrie ; il est fondé à ce titre à demander le versement d'une somme de 100 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2016, la chambre de commerce et d'industrie de Lyon, représentée par la SCP Joseph Aguera et Associés, conclut au rejet de la requête ;
Elle fait valoir que :
- eu égard à l'autorité de la chose jugée s'attachant à la décision du Conseil d'Etat du 9 mai 2011, M. C... n'est pas recevable à demander la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie en réparation des préjudices qui résulteraient d'une inexécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 janvier 2002 ;
- les créances qu'il invoque sont, en tout état de cause, prescrites ;
- ses demandes indemnitaires ne sont en tout état de cause pas fondées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- les observations de MeB..., représentant la chambre de commerce et d'industrie de Lyon Métropole -Saint-Etienne -Roanne,
1. Considérant que M. C...a été recruté en 1993 par la chambre de commerce et d'industrie de Lyon, devenue la chambre de commerce et d'industrie de Lyon Métropole - Saint-Etienne - Roanne, en qualité d'assistant technique au commerce et à l'hôtellerie ; que le 4 octobre 1996, il a fait l'objet d'une mesure de révocation dont les conditions ont fait l'objet d'une transaction ; qu'à la suite de l'annulation de cette révocation, par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 janvier 2002, M. C...a été réintégré effectivement dans ses fonctions le 25 février 2002 et réintégré juridiquement avec effet au 4 octobre 1996 ; qu'il a fait l'objet d'une nouvelle mesure de révocation le 2 juillet 2002, confirmée en dernier lieu, par une décision n° 315097 du Conseil d'Etat du 9 mai 2011 ; que par un courrier du 29 août 2013, reçu le 2 septembre suivant, M. C... a demandé au président de l'organisme consulaire de l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis en faisant valoir que malgré la procédure d'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 janvier 2002, ouverte par la juridiction administrative, la chambre avait validé auprès des régimes de retraite complémentaires AGIRC et ARRCO, en années d'activité, la période courant de janvier 1997 au 25 février 2002, mais n'avait pas versé les cotisations sociales au régime général et complémentaire de retraite afférentes à cette période ; qu'il demandait en outre le paiement des heures de formation suivies au titre du congé individuel de formation dont il avait bénéficié du 1er janvier 1997 au 30 juin 1997 ainsi que le paiement des heures supplémentaires effectuées au cours de la période courant de février 1993 à octobre 1996 ; que sa demande ayant été implicitement rejetée, il a saisi le tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 18 mai 2016, dont M. C... relève appel, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon à lui verser une somme de 508 128 euros en réparation de ses préjudices ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que la circonstance que l'ampliation de ce jugement notifiée à M. C... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les préjudices nés de l'absence de reconstitution des droits à pension de retraite de M. C... :
S'agissant de la faute commise par la chambre de commerce et d'industrie :
3. Considérant que l'annulation d'une décision licenciant illégalement un agent public implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par la personne publique employeur des cotisations nécessaires à cette reconstitution ; qu'ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à la personne publique employeur de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que saisi par une ordonnance de son président du 3 février 2005, le tribunal administratif de Lyon a, par un jugement du 10 janvier 2006, confirmé par la cour administrative d'appel de Lyon le 3 juillet 2007 et par le Conseil d'Etat, le 9 mai 2011, jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'exécution du jugement du 24 janvier 2002, faite par M. C..., et tendant à ce qu'il soit enjoint à la chambre de commerce et d'industrie de régulariser sa situation auprès de la CNAVTS, pour la période courant du 1er janvier 1999 au 31 août 2001 dès lors que la chambre avait entrepris les démarches nécessaires en février et mars 2005 ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les démarches ainsi entreprises auraient conduit la chambre de commerce et d'industrie à verser les cotisations sociales au régime général et complémentaire de retraite nécessaires à la reconstitution effective des droits sociaux de M. C... et notamment de ses droits à pension de retraite ; qu'ainsi, et sans que la chambre consulaire puisse opposer l'autorité de la chose jugée s'attachant à la décision du Conseil d'Etat du 9 mai 2011 dès lors que le présent litige est distinct de celui de l'exécution d'une décision juridictionnelle antérieure, la chambre de commerce et d'industrie a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
S'agissant du préjudice subi du fait de l'impossibilité de pouvoir bénéficier d'une retraite anticipée pour carrière longue :
5. Considérant que M. C... soutient que si la chambre de commerce et d'industrie avait régularisé sa situation en versant les cotisations sociales au régime général de retraite pour la période courant du 4 octobre 1996 au 24 février 2002, il aurait pu bénéficier d'une retraite anticipée pour carrière longue dès le 6 avril 2009, ayant commencé à travailler dès l'âge de 14 ans ; que toutefois, s'il est constant que le bénéfice d'une retraite anticipée lui a été refusé en 2009 puis en 2012, faute pour lui de justifier d'un nombre de trimestres cotisés suffisants, il n'établit pas plus en appel que devant les premiers juges qu'il aurait pu bénéficier de ce dispositif si la chambre consulaire avait versé la part patronale et la part salariale des cotisations nécessaires à la reconstitution de ses droits à pension ; qu'il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire à ce titre ;
S'agissant du préjudice subi du fait de la minoration de sa retraite complémentaire :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; qu'une créance telle que celle dont se prévaut M. C... se rattache à l'année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c'est-à-dire celle au cours de laquelle l'intéressé cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite ; qu'il est constant que M. C... n'avait pas encore cessé son activité à la date à laquelle il a demandé une indemnité ; qu'ainsi, aucune prescription n'a pu courir à son encontre ;
7. Considérant, en second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, que la chambre de commerce et d'industrie n'établit pas avoir versé au régime de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO les cotisations de retraite complémentaires afférentes à la période durant laquelle M. C... a été illégalement évincé ; qu'il en résulte que M. C..., qui a fait valoir ses droits à la retraite à compter de 2014, a subi une perte certaine de droits à prestations de retraite complémentaire, sans que puisse lui être opposée la circonstance qu'il se serait constitué des droits à pension à l'occasion de l'occupation d'autres emplois pendant la période d'éviction ; qu'au vu des pièces produites par l'appelant, et non contestées par la chambre consulaire, et dans la mesure où la pension de retraite complémentaire se calcule annuellement et non mensuellement comme le soutient l'appelant, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. C..., eu égard à son âge, en en fixant le montant de la perte subie à la somme de 10 000 euros tous intérêts compris ;
En ce qui concerne le congé individuel de formation :
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'organisme consulaire avait, à la demande de M. C..., formé auprès du FONGECIF Rhône-Alpes, une demande de prise en charge d'un congé individuel de formation pour lui permettre de suivre une formation rémunérée entre le 7 octobre 1996 et le 30 juin 1997 ; que M. C...a été informé, par un courrier du 11 juillet 1996, de l'accord du FONGECIF pour une prise en charge financière de son congé de formation individuelle ; qu'à supposer que durant cette période, la rémunération versée par cette structure ait été inférieure à celle qu'il percevait lorsqu'il était agent de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon, l'appelant ne démontre pas qu'il pouvait prétendre au versement par son employeur d'un complément de salaire ; qu'il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire à ce titre ;
En ce qui concerne le paiement d'heures supplémentaires :
9. Considérant que M. C... soutient qu'il a effectué 740,31 heures supplémentaires entre février 1993 et octobre 1996 et qu'il a droit au paiement de la somme de 18 700 euros ; que toutefois, il n'établit pas plus devant la cour que devant le Conseil d'Etat, qui a déjà rejeté ses prétentions à ce titre dans sa décision n° 315096 du 9 mai 2011, que le crédit d'heures dont il se prévaut représenterait des heures de travail ayant le caractère d'heures supplémentaires lui ouvrant droit à rémunération ; qu'il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire à ce titre ;
En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence :
10. Considérant que M. C... soutient que la faute de la chambre de commerce et d'industrie qui n'a pas régularisé sa situation au regard de ses droits sociaux durant la période de son éviction illégale l'a placé dans une situation financière précaire, due à ce qu'il n'a pas pu bénéficier d'une retraite anticipée pour carrière longue à compter d'avril 2009, qu'il n'a perçu qu'une allocation spécifique de solidarité d'un montant de 470 euros par mois et que le tribunal d'instance de Paris a reconnu qu'il était en situation de surendettement, par un jugement du 20 juin 2012 ; que toutefois, et ainsi qu'il a été dit au point 5, M. C... n'établit pas qu'il remplissait les conditions pour pouvoir prétendre à une retraite anticipée à compter d'avril 2009 ; que par suite, il n'établit pas que sa situation de surendettement serait la cause directe et certaine de la faute commise par la chambre de commerce et d'industrie de Lyon ; qu'il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire présentée à ce titre ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la réparation de son préjudice subi du fait de la minoration de sa retraite complémentaire ; qu'il y a donc lieu de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Lyon Métropole - Saint-Etienne - Roanne à verser à M. C... une somme de 10 000 euros tous intérêts compris et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon Métropole - Saint-Etienne - Roanne une somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des frais liés au litige ;
DÉCIDE :
Article 1er : La chambre de commerce et d'industrie de Lyon Métropole - Saint-Etienne - Roanne est condamnée à verser à M. C... une somme de 10 000 euros tous intérêts compris.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 mai 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie de Lyon Métropole - Saint-Etienne - Roanne versera à M. C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à la chambre de commerce et d'industrie de Lyon Métropole - Saint-Etienne - Roanne.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2018, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 avril 2018.
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N° 16LY02442