Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 août 2016 par laquelle le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités finlandaises.
Par un jugement n° 1606371 et 1606494 du 12 septembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2016, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 12 septembre 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vue du réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a mal apprécié sa situation au regard de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 alors que les autorités finlandaises ont accepté de le reprendre en charge au titre de l'article 18-1 c) de ce règlement compte tenu du rejet de sa demande d'asile ;
- il n'a pas reçu l'information requise dans une langue qu'il comprend, en méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il établit qu'il avait quitté le territoire des États membres avant d'entrer en France.
Par un mémoire enregistré le 18 janvier 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il déclare s'en rapporter à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 25 juillet 1978 en Irak, pays dont il possède la nationalité, a demandé l'asile en Norvège le 13 novembre 2007 puis en Finlande le 1er septembre 2010. Il a déclaré avoir regagné la Norvège puis être retourné en Irak fin 2011 ou début 2012 jusqu'en octobre 2015. Il est entré en France le 1er mars 2016 et a présenté une demande d'asile le 29 mars 2016. Le 29 avril 2016, les autorités finlandaises ont accepté la reprise en charge de l'intéressé demandée par les autorités françaises le 28 avril 2016. M. A... a présenté un recours gracieux contre ce refus des autorités françaises de prendre en charge sa demande d'asile. Ce recours a été rejeté le 1er août 2016. Par décision du 18 août 2016, le préfet du Rhône a décidé la remise de M. A... aux autorités finlandaises. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 18 août 2016.
2. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l' application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamées qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en application des dispositions précitées.
6. M. A... s'est vu remettre le 29 mars 2016, lors de son entretien à la préfecture du Rhône, les brochures contenant les informations précitées rédigées en langues française et anglaise, qu'il soutient ne pas comprendre. Lors de l'entretien individuel du 29 mars 2016 dans les services de la préfecture, il a déclaré comprendre le kurde, ainsi que cela ressort de la transcription de cet entretien. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que lors de cet entretien, la traduction des brochures remises le 29 mars 2016 aurait été effectuée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, une fois informé de ce que M. A... ne comprenait que le kurde, aurait fait appel à un interprète afin de délivrer à celui-ci l'ensemble des informations correspondant à sa situation de demandeur d'asile et à l'application du règlement du 26 juin 2013. Ainsi, en l'absence de tout autre élément, M. A... ne peut être regardé comme ayant reçu l'ensemble des informations prescrites par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 dans une langue qu'il comprend. Par suite, la décision du 18 août 2016 par laquelle le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités finlandaises est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône du 18 août 2016 en litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ".
9. Le présent arrêt n'implique pas que M. A... soit admis à séjourner en France, mais implique seulement qu'il soit statué de nouveau sur son cas et qu'il soit muni, durant cet examen, d'une attestation de demande d'asile. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans cette attente d'une telle attestation.
Sur les conclusions du conseil de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
10. M. A... n'ayant pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle, les conclusions de son conseil tendant à ce qu'une somme lui soit allouée au titre de ces dispositions doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 septembre 2016 et la décision du 18 août 2016 par laquelle le préfet du Rhône a décidé la remise de M. A...aux autorités finlandaises sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de statuer à nouveau sur le cas de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, durant cet examen, d'une attestation de demande d'asile.
Article 3 : Les conclusions du conseil de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2018.
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N° 16LY03388