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24/04/2018 | FRANCE | N°16LY03756

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 24 avril 2018, 16LY03756


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Kassbohrer Engins au Service de l'Environnement (ESE) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 du fait de l'exercice clos le 30 septembre 2009 et des intérêts de retards correspondants.

Par un jugement n° 1405469 du 13 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Kassbohrer Engins au Service de l'Environnement (ESE) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 du fait de l'exercice clos le 30 septembre 2009 et des intérêts de retards correspondants.

Par un jugement n° 1405469 du 13 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 novembre 2016 et le 5 juillet 2017, Kassbohrer engins au service de l'environnement, représenté par la SELARL Walter et Garance Avocats MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 septembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et intérêts litigieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SAS Kassbohrer E.S.E. soutient que :

- le tribunal a éludé la question de la prescription et entaché son jugement d'une erreur de droit et d'une erreur de fait ;

- les factures antérieures au 30 septembre 1999 sont prescrites ;

- les factures comprises entre le 30 septembre 1999 et le 30 septembre 2004 n'étaient pas prescrites et n'étaient pas des dettes éteintes ; elles ne pouvaient être réintégrées au bénéfice de l'exercice clos le 30 septembre 2009 ;

- ces dettes sont certaines dans leur principe et dans leur montant et ont pu être valablement inscrites au passif de la société ;

- elle se réserve le droit de démontrer l'erreur de fait en cours d'instance ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif, elle renvoie à ses écritures de première instance ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SAS Kassbohrer E.S.E. n'est fondé.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 5 juillet 2017, la SAS Kassbohrer E.S.E conclut aux mêmes fins que sa requête initiale, par les mêmes moyens.

Elle soutient, en outre, que :

- une dette doit rester au passif tant qu'elle n'est pas éteinte, c'est-à-dire prescrite, quand bien même statistiquement le degré de probabilité que le créancier réclame le paiement de sa créance est faible ;

- le seul écoulement du temps ne suffit pas pour la considérer éteinte et cette appréciation ne peut être laissée à la discrétion de l'administration comme elle l'a fait en retenant un délai de cinq ans ; ce délai doit s'apprécier à l'aune de la loi ;

- le raisonnement de l'administration est inopérant qui consiste à considérer que lorsqu'un bien figurant dans les stocks d'occasion est vendu la somme due au fournisseur de cette machine et dont la facture n'est pas parvenue à l'entreprise n'a plus à figurer au passif ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Kassbohrer E.S.E. dont l'activité consiste à vendre des dameuses à des stations de sport d'hiver a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2009, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales à l'impôt sur les sociétés assorties de pénalités résultant notamment de la réintégration à son bénéfice imposable de l'exercice clos en 2009 d'une somme de 415 682 euros, correspondant à des factures " non parvenues " de ses clients relatives aux matériels repris, cette somme étant regardée par l'administration comme un passif injustifié. Par la présente requête, la SAS Kassbohrer E.S.E. relève appel du jugement du 13 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " . Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise. Il résulte de ces dispositions qu'un engagement éventuel, qui ne constitue pas une dette certaine dans son principe, ne peut être inscrit au passif du bilan pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés.

3. Aux termes de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 : " I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. (...) ". La réforme du régime de la prescription issue de cette loi a eu pour effet de réduire à cinq ans le délai de prescription de droit commun en matière commerciale qui était antérieurement de dix ans.

4. Il résulte de l'instruction que, lors des opérations de contrôle, l'administration a constaté l'existence d'un compte 408100 " factures non parvenues " d'un montant de 2 245 998 euros au 30 septembre 2009 correspondant aux reprises de machines d'occasion réalisées lors de la vente d'engins de damage neufs facturés sans déduction de la valeur de la machine reprise, et pour lesquelles aucune facture n'avait pas été émise à l'égard de la SAS par leurs anciens propriétaires. Ayant constaté que certaines reprises remontaient jusqu'à dix ans en arrière sans que la SAS Kassbohrer E.S.E n'établisse avoir effectué de relance, alors que les entreprises concernées étaient pour la plupart des sociétés de remontées mécaniques avec lesquelles la SAS Kassbohrer E.S.E. était toujours en relation d'affaires, l'administration fiscale a considéré que les dettes correspondantes inscrites au passif du bilan n'étaient pas justifiées dès lors que les propriétaires ne s'étaient pas manifestés pour réclamer leurs créances. Se fondant sur les dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts, elle a réintégré aux résultats de l'exercice clos au 30 septembre 2009 de la SAS Kassbohrer E.S.E un montant de 415 682 euros correspondant aux dettes antérieures au 1er octobre 2004 considérées comme juridiquement éteintes en 2009 et prescrites au sens des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ramenant le délai de prescription de droit commun en matière commerciale pour les obligations nées à l'occasion de leurs opérations de commerce ou entre commerçants et non commerçants de dix à cinq ans, au motif que leur inscription au passif contribuait à minorer de manière injustifiée l'actif net de l'entreprise.

5. La SAS Kassbohrer E.S.E. conteste le principe de cette réintégration en soutenant que le simple écoulement du temps ne peut faire regarder ces dettes comme éteintes et injustifiées et fait valoir que le délai de prescription applicable à l'espèce est celui de dix ans, prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce, antérieurement à la réforme du régime de la prescription issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 qui a réduit ce délai à cinq ans. Il résulte de l'instruction que, s'agissant d'une prescription extinctive, dès lors que la nouvelle loi a modifié le délai de prescription préexistant en l'abrégeant, la loi nouvelle ne peut s'appliquer au délai en cours sans risquer d'être rétroactive en sorte qu'il y a lieu de faire courir le délai abrégé résultant de la loi nouvelle du jour de l'entrée en vigueur de cette loi et lorsque le délai fixé par la loi ancienne devait prendre fin avant le délai nouveau décompté à partir de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, de maintenir l'application de la loi ancienne, la survie tacite de cette loi étant justifiée par le fait que la nouvelle loi dont le but est d'abréger la prescription n'aboutisse à l'allonger dans les faits. Dans ces conditions, afin d'écarter le risque d'application rétroactive de la loi nouvelle et afin que l'application de la loi nouvelle à compter du jour de son entrée en vigueur ne conduise pas à un allongement du délai de prescription applicable au cas d'espèce, doivent être considérées comme prescrites et juridiquement éteintes les dettes qui remontent à plus de dix ans à la clôture de l'exercice 2009 susceptibles d'être réintégrées aux résultats de cet exercice, soit les dettes antérieures au 30 septembre 1999.

6. S'agissant des dettes non prescrites, c'est-à-dire postérieures au 30 septembre 1999, la circonstance que le maintien au bilan de l'entreprise d'une dette d'un montant conséquent sur une longue période, dans la limite des règles de prescription sus-décrites, correspondant à des véhicules anciens revendus par la SAS Kassbohrer E.S.E ou n'étant plus à sa disposition, conduirait à l'appropriation de cette dette par la société à l'expiration du délai de prescription ne saurait justifier l'imposition de ces sommes comptabilisées au passif du bilan avant leur prescription, en l'absence de preuve de l'abandon des créances correspondantes de ses clients. Il n'est pas contesté que la revente par la SAS Kassbohrer E.S.E d'une partie des véhicules anciens a donné lieu à un bénéfice taxé. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que les dettes correspondantes étaient certaines dans leur principe et dans leur montant, l'ensemble des véhicules concernés et leurs anciens propriétaires étant individuellement identifiés dans la proposition de rectification. Nonobstant l'absence de facture émanant de ses créanciers, la SAS Kassbohrer E.S.E., à laquelle il ne peut être reproché de n'avoir pas fait diligence pour obtenir ces factures, apporte la preuve par tout moyen de la réalité, et du caractère justifié des dettes non-prescrites contractées à l'égard de ses clients dans le cadre d'une reprise de véhicules à l'occasion de la vente d'un véhicule neuf, créances acquises par ces derniers et régulièrement comptabilisées par la société appelante qui démontre qu'elles n'avaient pas été soldées à la date du contrôle. Par suite, l'administration fiscale n'était pas fondée à réintégrer, au bénéfice imposable de la SAS Kassbohrer E.S.E. au titre de l'exercice clos en 2009, le montant correspondant aux dettes inscrites à son passif, acquises postérieurement au 30 septembre 1999 et non prescrites à la clôture de l'exercice.

7. Il résulte de ce qui précède que la SAS Kassbohrer E.S.E est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition résultant de la réintégration à son bénéfice imposable de l'exercice clos au 30 septembre 2009 des dettes inscrites au passif de son bilan acquises après le 30 septembre 1999.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SAS Kassbohrer E.S.E au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 septembre 2016 est annulé.

Article 2 : La SAS Kassbohrer Engins au Service de l'Environnement est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 du fait de l'exercice clos le 30 septembre 2009 et des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Kassbohrer Engins au Service de l'Environnement une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SAS Kassbohrer Engins au Service de l'Environnement est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Kassbohrer Engins au Service de l'Environnement et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme Meynasseyre, présidente assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 24 avril 2018.

2

N° 16LY03756


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03756
Date de la décision : 24/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : WALTER et GARANCE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-24;16ly03756 ?
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