Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 28 mars 2014 par laquelle le directeur de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du centre hospitalier de la région d'Annecy a prononcé son exclusion définitive.
Par un jugement n° 1403261 du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 juin 2016, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 avril 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 28 mars 2014 par laquelle le directeur de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du centre hospitalier de la région d'Annecy a prononcé son exclusion définitive ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la région d'Annecy la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les faits ont été insuffisamment rapportés dès lors que, lors de son stage du 4 février au 31 mars 2013, il a été décidé une poursuite de la scolarité moyennant un stage supplémentaire et que, lors de son stage du 14 octobre au 22 décembre 2013, il n'est pas établi qu'elle aurait administré par erreur un médicament à une patiente à laquelle il n'était pas prescrit ou encore qu'elle a failli donner un comprimé orodispersible à une patiente à jeun ; le seul fait établi est celui relatif à la non distribution d'un traitement mais il n'est pas possible d'en déduire qu'il s'agit là d'un risque ;
- le grief de " mise en danger potentiel " n'est pas explicité ;
- la distribution des médicaments se faisait selon une méthode particulière de contrôle de l'identité dans le couloir et non devant le lit du malade ; le service dans lequel elle a effectué son stage était désorganisé et son infirmier référent était peu constructif ;
- elle a fait l'objet de bonnes appréciations et de progression dans ses études qui relativisent l'appréciation de son tuteur de stage ;
- la décision d'exclusion est entachée d'une erreur d'appréciation et est disproportionnée dès lors que la mise en danger potentiel n'est pas établie et n'est pas suffisante pour justifier la décision ; il existait une possibilité d'appui pédagogique qui n'a pas été mise en oeuvre ;
Par un mémoire enregistré le 29 juillet 2016, le centre hospitalier de la région d'Annecy conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme C....
Il soutient que :
- les résultats de Mme C...montrent une faiblesse qui a nécessité un passage en année supérieure sous condition et une validation après quatre sessions pour ses deux unités d'enseignement ;
- les rapports de stage ciblent des points d'amélioration ; face à des situations nouvelles, Mme C...est dépourvue d'analyse ; son passage en troisième année n'était pas une formalité dès lors qu'elle devait renforcer son positionnement et l'acquisition des compétences ; pendant les stages de la troisième année, son bilan démontre qu'elle devait progresser pour atteindre le niveau requis ; le stage 6 met en évidence ses lacunes ;
- deux stages supplémentaires devaient lui permettre de prendre conscience de ses difficultés ; ces stages ont démontré qu'elle était dans l'incapacité de réaliser des soins avec la sécurité nécessaire ;
- les différents rapports de stage établissent les insuffisances et les conduites à risque de Mme C...envers les patients et démontrent qu'elle ne présentait pas le niveau requis pour une étudiante de troisième année ;
- Mme C...a bénéficié d'une démarche d'accompagnement pédagogique résultant des deux stages supplémentaires ;
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Ligas, avocat du centre hospitalier de la région d'Annecy.
1. Considérant que Mme C...a été admise en 2010 en qualité d'élève infirmière à l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de la région d'Annecy (promotion 2010-2013) ; qu'après l'avoir autorisée, par décision du 12 juin 2013, à poursuivre sa scolarité à condition d'effectuer deux stages complémentaires de 10 semaines dans la perspective d'une présentation au diplôme d'Etat lors de la session de mars 2014, le directeur, après avis du conseil pédagogique, a exclu définitivement Mme C...de l'institut, par une décision du 28 mars 2014 ; que Mme C...relève appel du jugement du 14 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 mars 2014 ;
Sur la légalité de la décision du directeur de l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de la région d'Annecy du 28 mars 2014 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, modifié, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée et issue de l'arrêté du 2 août 2011 : " Le conseil pédagogique est notamment consulté pour avis sur : (...) 6. Les situations individuelles : (...) d) Etudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge / (...) Pour les situations d'étudiants visées au 6, les membres du conseil reçoivent communication du dossier de l'étudiant, accompagné d'un rapport motivé du directeur, au moins quinze jours avant la réunion de ce conseil. / Pour les situations visées aux c et d du 6, l'étudiant reçoit communication de son dossier dans les mêmes conditions que les membres du conseil. Le conseil pédagogique entend l'étudiant, qui peut être assisté d'une personne de son choix. L'étudiant présente devant le conseil pédagogique des observations écrites ou orales (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 de ce même arrêté : " Lorsque l'étudiant a accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes soignées, le directeur de l'institut de formation, en accord avec le responsable du lieu de stage, peut décider de la suspension du stage de l'étudiant, dans l'attente de l'examen de sa situation par le conseil pédagogique qui doit se réunir, au maximum, dans un délai de quinze jours à compter de la suspension. / Lorsque le conseil pédagogique se réunit, il examine la situation et propose une des possibilités suivantes : - soit autoriser l'étudiant à poursuivre la scolarité au sein de l'institut ; dans ce cas, le conseil pédagogique peut alerter l'étudiant sur sa situation en lui fournissant des conseils pédagogiques pour y remédier ou proposer un complément de formation théorique et/ou pratique / - soit soumettre l'étudiant à une épreuve théorique, soit le soumettre à une épreuve pratique complémentaire sous la responsabilité du tuteur, selon des modalités fixées par le conseil. A l'issue de cette épreuve, le directeur de l'institut décide de la poursuite de la formation ou de l'exclusion définitive de l'institut de formation ; / - soit exclure l'étudiant de l'institut de façon temporaire ou définitive " ;
3. Considérant que Mme C...a été exclue définitivement de l'institut de formation en soins infirmiers en raison principalement d'erreurs dans l'administration des traitements pouvant entraîner une mise en danger potentielle des usagers ; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier que, lors de son stage du 4 février au 31 mars 2013 au sein du service ORL Ophtalmologie maxilo-faciale Rhumatologie du CHRS à Pringy, le cadre infirmier a fait état de ce que Mme C...s'est trompée de patient dans l'administration de deux dafalgans codéinés, qu'elle allait poser une perfusion à un patient qui n'en était pas destinataire et qu'elle a laissé seul un patient dans un lit en position très surélevée ; que, lors de son premier stage complémentaire réalisé au CHRA Cardiologie à Pringy effectué du 15 juillet au 22 septembre 2013, elle a commis une erreur dans le dosage des comprimés administrés et, lors de son second stage complémentaire effectué au CHRA Gériatrie Court Séjour à Pringy du 14 octobre au 22 décembre 2013, son tuteur a indiqué qu'" il faut encore d'avantage développer la connaissance des situations de soins, l'analyse des situations et des qualités d'anticipation pour être en mesure d'assumer ses fonctions en toute sécurité pour les patients " et a relevé qu'en fin de stage Mme C...a mis en danger plusieurs patients, en administrant par erreur un médicament à l'un d'eux sans en informer le médecin, en voulant administrer un traitement en per os à un patient à jeun et en étant dans l'incapacité de repositionner une pompe d'alimentation entérale ; qu'ainsi la matérialité des faits retenus ressort suffisamment des évaluations établies par ses tuteurs à l'issue des différents stages que Mme C...a effectués au cours de sa scolarité et doit donc être regardée comme établie ;
4. Considérant que le moyen tiré de ce que la mise en danger potentielle des usagers ne serait pas explicitée manque en fait dès lors que la décision fait état d'erreurs de prescription ;
5. Considérant que si Mme C...a pu faire l'objet d'appréciations positives quant à ses efforts pour progresser, il ressort des pièces du dossier que les faits relevés sont nombreux et répétés et mettent en cause sa capacité à assurer en toute sécurité ses fonctions d'élève-infirmière durant les différents stages qu'elle a dû effectuer ; que Mme C...ne peut utilement faire valoir, pour minimiser la portée des faits en cause, que, lors de son stage effectué du 14 octobre 2013 au 22 décembre 2013 au CHRA Gériatrie Court Séjour à Pringy, le service était désorganisé ou encore que son tuteur n'était pas constructif et à l'écoute ; qu'il s'ensuit que la mesure prise par le directeur de l'institut de formation en soins infirmiers à l'encontre de Mme C..., et alors qu'elle a bénéficié de deux stages complémentaires devant lui permettre de faire la preuve de ses compétences, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'institut de formation en soins infirmiers en date du 28 mars 2014 ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de la région d'Annecy la somme demandée par Mme C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées par le centre hospitalier de la région d'Annecy sur le fondement des mêmes dispositions doivent également être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de centre hospitalier de la région d'Annecy tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au centre hospitalier de la région d'Annecy.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
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N° 16LY02051