Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 février 2017 par lequel le préfet de l'Isère a ordonné son transfert vers l'Italie en vue de l'examen par les autorités de ce pays de sa demande d'asile et l'arrêté du 16 février 2017 par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1701690 du 24 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 avril 2017, M. A... B..., représenté par Me Mebarki, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 24 mars 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de l'admettre provisoirement au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;
- il aurait dû être précédé du retrait de son admission provisoire au séjour ;
- les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnus ;
- sa situation relève de l'article 17 (paragraphes 1 et 2) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté de transfert méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté l'assignant à résidence est, à tort, fondé sur l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas applicable.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observation.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à M. B... par décision du 11 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité soudanaise, né le 1er janvier 1991, a déposé une demande d'asile à la préfecture du Val-d'Oise le 16 septembre 2016. Le système Eurodac a révélé qu'il avait irrégulièrement franchi la frontière italienne. Les autorités italiennes, saisies d'une demande en ce sens le 10 octobre 2016, ont implicitement accepté sa prise en charge. Le 3 février 2017, le préfet de l'Isère a décidé son transfert aux autorités italiennes. Le 16 février 2017, il l'a assigné à résidence dans le département de l'Isère. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de l'arrêté de transfert :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".
3. La décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa prise en charge par un autre État membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'État responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, elle doit permettre d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III de ce règlement ou, à défaut, au paragraphe 2 de son article 3. En revanche, elle n'a pas nécessairement à faire apparaître explicitement les éléments pris en considération par l'administration pour appliquer l'ordre de priorité établi entre ces critères, en vertu des articles 7 et 3 du même règlement.
4. L'arrêté en litige vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et mentionne que M. B... a irrégulièrement franchi la frontière en Italie, de sorte que les autorités de ce pays sont responsables de l'examen de sa demande d'asile en application du 1 de l'article 13 dudit règlement. Ainsi, cet arrêté est suffisamment motivé.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre État qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet État. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'État responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet État. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre État. ".
6. Contrairement à ce que soutient M. B..., qui a bénéficié du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile, ni ce texte ni aucune autre disposition n'impose que l'étranger demandant l'asile soit admis à séjourner en France. En conséquence, l'intéressé, qui n'a pas été admis à séjourner en France, ne peut soutenir que l'intervention de la décision de transfert en litige aurait dû être précédée du retrait de son admission provisoire au séjour.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture du Val-d'Oise le 16 septembre 2016, a bénéficié d'un entretien individuel confidentiel, à l'occasion duquel il s'est vu remettre les brochures relatives au règlement Dublin III, en langue arabe, qu'il a déclaré comprendre, dont les copies versées au dossier comportent sa signature. Il n'est pas établi qu'il ait été privé du droit d'accès à son dossier. Ainsi, M. B... ayant reçu l'information exigée par les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ".
9. M. B... n'invoque aucune circonstance qui aurait justifié qu'il soit, en l'espèce, fait application de ces dispositions.
10. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. A supposer même que M. B... se trouve dépourvu d'attaches dans le pays dont il possède la nationalité, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, la décision de le transférer en Italie pour l'examen de sa demande d'asile ne porte aucune atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :
12. L'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : (...) / 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un État membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou transféré vers l'État responsable de sa demande d'asile en application de l'article L. 742-3 (...). / La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. Par exception, dans le cas prévu au 4° du présent article, elle peut être renouvelée tant que l'interdiction de retour ou l'interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire. La durée de six mois ne s'applique ni aux cas mentionnés au 5° du présent article, ni à ceux mentionnés aux articles L. 523-3 à L. 523-5 du présent code. / L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage. L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une interdiction judiciaire ou administrative du territoire prononcés en tout point du territoire de la République peut, quel que soit l'endroit où il se trouve, être astreint à résider dans des lieux choisis par l'autorité administrative dans l'ensemble du territoire de la République. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2. Si l'étranger présente une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, l'autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu'aux lieux d'assignation. / Le non-respect des prescriptions liées à l'assignation à résidence est sanctionné dans les conditions prévues à l'article L. 624-4. ".
13. Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° (...) fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...). / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ".
14. Le 16 février 2017, M. B..., qui faisait l'objet d'une décision de transfert vers l'État responsable de sa demande d'asile en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se trouvait ainsi dans le cas que prévoient les dispositions du 1° du I de l'article L. 561-2 de ce code. Dès lors, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en décidant, sur ce fondement, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
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N° 17LY01576