Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 9 octobre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail par intérim de la 60ème section de l'unité de contrôle 6 du Rhône a accordé à la Sarl Ugis l'autorisation de le licencier pour motif économique.
Par un jugement n° 1510416 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 9 octobre 2015 de l'inspectrice du travail.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2017, et un mémoire, enregistré le 27 avril 2018 mais non communiqué, présentés pour la Sarl Ugis, il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1510416 du 2 mai 2017 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lyon ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a satisfait à son obligation de recherche de reclassement ;
- le licenciement de M. A... est dénué de tout lien avec son mandat.
Par un mémoire, enregistré le 26 avril 2018, M. B... A... conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la Sarl Ugis de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;
- les observations de Me Collomb-Lefevre, avocat de la Sarl Ugis, ainsi que celles de Me Cottin, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. La Sarl Ugis, qui exerce une activité de holding et assure des prestations de gestion administrative et comptable, de bureau d'études et de développement commercial pour le compte de ses filiales d'exploitation, a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement, pour un motif économique, de M. A..., responsable comptable et financier, nommé représentant du salarié dans le cadre de la procédure de sauvegarde mise en place par un jugement du tribunal de commerce de Lyon du 28 mai 2014. Par une décision du 9 octobre 2015, l'inspectrice du travail par intérim de la 60ème section de l'unité de contrôle 6 du Rhône a autorisé ledit licenciement, aux motifs que le placement en procédure de sauvegarde de cette entreprise faisait suite à des difficultés économiques, que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement et qu'il n'était pas établi de lien entre le mandat et le licenciement du salarié. La Sarl Ugis interjette appel du jugement du 2 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, à la demande de M. A..., annulé ladite décision du 9 octobre 2015 de l'inspectrice du travail du Rhône.
2. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... exerçait des fonctions de responsable comptable et financier au sein de la Sarl Ugis, laquelle appartenait à un groupe composé, à la date de la décision en litige, outre de ladite société, des société Egep (Ugis PACA), Eurolis (Ugis Grenoble), Infogis (Ugis Lyon) exerçant une activité d'électricité générale, et de la société Maingis, exerçant une activité de maintenance. Il en ressort également que l'ensemble des sociétés du groupe Ugis avait été placé sous procédure de sauvegarde par jugements du tribunal de commerce de Lyon le 28 mai 2014 et que la période d'observation avait été renouvelée, notamment pour la Sarl Ugis, jusqu'au 28 mai 2015, par jugement du 19 novembre 2014, puis jusqu'au 28 novembre 2015, par jugement du 13 mai 2015. Par jugement du 25 novembre 2015, le tribunal de commerce avait arrêté le plan de sauvegarde de la Sarl Ugis après que cette société avait procédé, en juillet 2014, à une première restructuration qui avait conduit à la suppression de seize postes répartis entre les différentes sociétés du groupe Ugis. En août 2015, sur demande de l'administrateur judiciaire, une deuxième restructuration a conduit à cinq nouvelles suppressions de poste au sein des sociétés Ugis et Infogis, dont le poste de M. A....
5. En premier lieu, à la suite de ces suppressions d'emplois, la société requérante établit avoir adressé une lettre à chacune des sociétés du groupe pour savoir s'il existait des postes disponibles pour un reclassement de M. A... et avoir reçu des réponses faisant état de l'absence de poste disponible correspondant aux qualifications de l'intéressé, voire à une qualification inférieure, dans un contexte de mise en observation et de difficultés économiques de toutes ces sociétés. Il ne ressort pas des pièces qu'il existait un poste de " responsable comptable et financier " disponible au sein des entreprises du groupe, ni même un poste d'une qualification inférieure tel que celui de comptable, celui existant sur le site de Chassieu étant alors occupé par une salariée intérimaire durant le congé parental de son titulaire. Dès lors, la Sarl Ugis doit être regardée comme ayant procédé à une recherche de postes de reclassement auprès des autres entreprises du groupe, en dépit de la circonstance que les lettres de recherche de reclassement comportaient la mention erronée de l'occupation par M. A... d'un poste de " Chef Comptable " alors qu'il occupait l'emploi de responsable comptable et financier, alors au demeurant que le gérant des autres sociétés du groupe, signataire des lettres constatant l'absence de postes disponibles, occupait ces mêmes fonctions au sein de la Sarl Ugis, et avait d'ailleurs également signé les lettres de recherche de reclassement, et qu'il avait ainsi nécessairement connaissance de la qualification de M. A....
6. En second lieu, il ressort également des pièces du dossier, et en particulier des contrats de travail produits, des fiches de postes et du curriculum vitae de la salariée recrutée le 1er septembre 2015, dans un emploi de directrice, que, si les fonctions de responsable comptable et financier et de directeur comportaient des tâches communes, elles n'étaient pas pour autant équivalentes, eu égard, en particulier, à la mission de direction opérationnelle des sociétés du groupe dans la région Rhône-Alpes et de direction et d'administration générale du groupe confiée à la salariée recrutée en septembre 2015 et, d'une manière plus générale, aux différences de responsabilité et d'étendue des tâches, de statut, de volume de travail et de rémunération. Il n'en ressort pas que M. A..., dont la mission pour les filiales était la " gestion administrative et financière " alors que la directrice assurait pour celles-ci la complète " direction opérationnelle ", disposait des qualifications requises pour occuper l'emploi de directeur, y compris après une formation d'adaptation. La seule circonstance que la directrice recrutée avait précédemment exercé des fonctions de comptable n'est pas de nature à démontrer qu'elle disposait d'une qualification comparable à celle de M. A..., dès lors que la société requérante fait valoir, sans être contredite, qu'elle avait exercé auparavant, pendant dix années, des fonctions de directrice générale d'une société spécialisée dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler l'autorisation de licenciement en litige, sur le motif tiré de ce que la Sarl Ugis n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon comme devant elle.
9. Ainsi qu'il a été dit, les difficultés économiques de toutes les sociétés du groupe Ugis, marquées par un résultat négatif pour chacune de ces sociétés à la clôture de l'exercice le 31 mars 2014, ont été à l'origine de la procédure de sauvegarde dont elles ont fait l'objet, par des jugements du tribunal de commerce de Lyon du 28 mai 2014 constatant des difficultés qu'elles n'étaient " pas en mesure de surmonter ", la période d'observation ayant été prolongée à deux reprises. Alors que, durant la période d'observation, en juillet 2014, le groupe Ugis avait procédé à une première réorganisation, s'étant avérée insuffisante pour redresser la situation de la Sarl Ugis, marquée par un résultat comptable encore négatif au 31 mars 2015, de nouvelles mesures ont été mises en place et ont notamment eu pour conséquence une diminution du nombre de comptabilités à gérer. Compte tenu de cette disparation d'une partie des tâches de ce service, composé initialement d'un chef comptable et de deux comptables, la suppression du poste de responsable comptable et financier a été décidée. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient M. A..., la réalité des difficultés économiques de la Sarl Ugis et de la suppression de l'emploi qu'il occupait est établie, alors même qu'une partie des fonctions qu'il exerçait a été répartie entre un comptable et la directrice.
10. Il résulte de ce qui précède que la Sarl Ugis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 9 octobre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail par intérim de la 60ème section de l'unité de contrôle 6 du Rhône a accordé à la Sarl Ugis l'autorisation de le licencier pour motif économique.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par la Sarl Ugis à l'occasion de la présente instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Sarl Ugis, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. A... au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1510416 du 2 mai 2017 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions de tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la Sarl Ugis est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Ugis, au ministre du travail et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
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N° 17LY02571