Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Castmétal Feurs a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 12 décembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 9 novembre 2012, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 4 mai 2012 refusant le licenciement de M. C... et a refusé l'autorisation de licencier ce dernier.
Par un jugement n° 1301164 du 23 février 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 avril 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 4 mai 2018, la société Castmétal Feurs, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 février 2016 ;
2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 12 décembre 2012 par laquelle il a retiré sa décision implicite née le 9 novembre 2012 rejetant le recours hiérarchique dont il était saisi, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 4 mai 2012 refusant d'autoriser le licenciement de M. C... et a refusé d'autoriser le licenciement de ce dernier ;
3°) d'enjoindre à l'Etat, sur le fondement des articles L. 911-1 du code de justice administrative, de statuer une nouvelle fois sur la demande d'autorisation de licenciement dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel contient une motivation suffisante et n'est pas la reproduction littérale de la requête produite devant le tribunal administratif ;
- les dispositions de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, doivent permettre à l'entreprise de déroger à l'obligation de recherche de reclassement à l'étranger au profit des salariés qui indiqueraient ne pas vouloir recevoir, via un questionnaire de mobilité, de telles offres ;
- si elle n'a pas soumis au salarié de questionnaire de mobilité, cela ne constitue pas pour autant une méconnaissance de son obligation de reclassement dès lors que les recherches auprès des sociétés étrangères ont néanmoins été menées ;
- les mentions portées dans le plan de sauvegarde de l'emploi étaient explicites s'agissant des postes identifiés à l'étranger ;
- toutes les sociétés, y compris celles implantées à l'étranger composant la branche AFE METAL à laquelle appartient Castmétal Feurs et les deux autres branches ont été visées dans le cadre des recherches de reclassement ; les réponses apportées ont confirmé l'existence de postes disponibles à l'étranger préalablement recensés lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi ; les postes disponibles à l'étranger nécessitaient des diplômes et une certaine expérience dans les domaines concernés et n'étaient pas compatibles avec les compétences et le niveau de qualification de M.C... ; le salarié ne justifiait d'aucune maîtrise des langues étrangères requises ;
- le salarié disposait de toutes les informations nécessaires pour se prononcer dès lors qu'il s'était vu remettre non seulement les fiches de poste précisant la nature et les attributions liées aux postes proposés mais également la liste des postes de reclassement disponibles au sein de la société et des sociétés du groupe pouvant correspondre à ses qualifications et compétence ; cette liste comportait l'indication de la rémunération, la mention du lieu de travail, la mention de la durée du travail et les horaires ; M. C...a été reçu en entretien pour lui exposer les postes de reclassement identifiés ;
- elle a saisi le médecin du travail afin qu'il se prononce sur l'aptitude physique de M. C... à occuper les postes proposés ; seul le poste de cariste s'est avéré, selon l'avis du médecin du travail, compatible avec son état de santé ;
Par un mémoire enregistré le 27 avril 2018, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête d'appel est insuffisamment motivée dès lors qu'elle reproduit l'argumentation présentée dans sa requête de première instance et énonce à nouveau les mêmes critiques à l'encontre de la décision ; il indique que, sur le fond, il renvoie à ses écritures de première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Arnault, avocat de Castmétal Feurs.
1. Considérant que M.C..., recruté le 24 mars 1997 par la société Castmétal Feurs où il exerçait les fonctions de contrôleur au sein du service qualité, était délégué du personnel titulaire ; que, le 19 mars 2012, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la société Castmétal Feurs a sollicité l'autorisation de le licencier pour motif économique ; que, par une décision du 4 mai 2012, l'inspecteur du travail a refusé de faire droit à cette demande ; que, le 5 juillet 2012, la société Castmétal Feurs a formé un recours hiérarchique contre cette décision ; que, par une décision du 12 décembre 2012, le ministre en charge du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite, née le 9 novembre 2012, rejetant le recours hiérarchique dont il était saisi et a annulé la décision de refus d'autorisation de licenciement prise par l'inspecteur du travail le 4 mai 2012, d'autre part, a refusé d'autoriser le licenciement de M.C... en retenant que si le motif économique était établi, l'obligation de reclassement ne pouvait en revanche être regardée comme satisfaite ; que la société Castmétal Feurs relève appel du jugement du 23 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette dernière décision en tant qu'elle a refusé d'autoriser le licenciement de M.C... ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-4-1 du même code : " Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. / Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus. /Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant à celles qu'il a accepté de recevoir. "; qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Castmétal Feurs, spécialisé dans la fonderie d'acier, appartient au groupe industriel français AFE, composé de trois branches, AFE Cronite, AFE Metal et AFE Plasturgie, qui employait en 2010 2 376 salariés sur trois continents ; que la branche AFE Metal comporte plusieurs sociétés implantées en France ainsi qu'au Mexique et en Chine ; que la société Castmétal Feurs admet ne pas avoir interrogé M. C...préalablement à son licenciement quant à sa volonté de recevoir des offres de reclassement dans les entreprises du groupe situées à l'étranger dans les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 1233-4-1 du code du travail ; que, par suite, elle n'a pas respecté l'obligation prescrite par cet article, sans que la circonstance qu'elle aurait procédé à une recherche de reclassement à l'étranger ne soit de nature à l'exonérer de l'obligation susmentionnée ; qu'en tout état de cause, la société Castmétal Feurs ne peut se prévaloir, pour établir qu'elle a procédé à un examen individualisé, effectif et sérieux de la situation du salarié protégé et qu'elle a ainsi satisfait à son obligation de reclassement, de la liste des emplois à pourvoir au niveau du groupe qui a été annexée au plan de sauvegarde de l'emploi et d'une demande, par courriels adressés aux entreprises du groupe, tendant à obtenir la liste des postes ouverts à la vacance, documents qui ne comportent aucune indication quant au poste occupé par M. C...et à son niveau de qualification ; qu'au surplus, la société n'établissant pas avoir communiqué au salarié le document intitulé " liste des postes disponibles au reclassement ", M. C... ne peut être regardé comme ayant été informé des conditions essentielles de travail, telles le lieu d'implantation du poste et le temps de travail, propres au poste de cariste qui lui a été proposé en vue de son reclassement à la suite de l'avis du médecin du travail ; que, par suite, la société Castmétal Feurs n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait respecté son obligation de reclassement ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la société Castmétal Feurs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre en charge du travail du 12 décembre 2012 ; que les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Castmétal Feurs est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Castmétal Feurs, au ministre du travail et à M. A... C....
Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
Mme B...et MmeD..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 7 juin 2018.
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N° 16LY01449