Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...E..., représentée par Me D..., a demandé le 2 juillet 2014 au tribunal administratif de Grenoble :
- la condamnation du centre hospitalier de Chambéry à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice d'affection subi du fait du décès de son époux survenu dans cet établissement le 9 mars 2012 ;
- la mise à la charge du centre hospitalier de Chambéry de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1404039 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 3 août 2016 et 10 janvier 2017, MmeE..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 juin 2016 ;
2°) de faire droit à sa demande présentée devant le tribunal administratif en condamnant le centre hospitalier de Chambéry à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de son préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry les dépens ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry la somme de 1 500 euros euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché de contradictions de motifs ;
- l'état de santé de son époux, qui était très faible et atteint de troubles de la vigilance du fait de métastases cérébrales susceptibles de générer des idées délirantes et des convulsions, nécessitait la mise en place de barrières latérales de protection sur son lit d'hôpital pour prévenir tout risque de chute, étant précisé que son état de faiblesse l'aurait empêché de franchir ces barrières ;
- le décès de son époux, précipité par sa chute de son lit d'hôpital, a été rendu possible par un manquement du centre hospitalier de Chambéry à ses obligations de sécurité et de surveillance et donc à une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ;
- elle a subi un préjudice d'affection en découvrant son époux décédé au pied de son lit dans une position contraire à la dignité et la décence ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2016, le centre hospitalier de Chambéry, représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, l'état de santé de l'époux de MmeE..., qui était en mesure de se lever pour se rendre aux toilettes et qui était régulièrement visité par le personnel soignant, ne nécessitait pas de relever les barrières latérales de sécurité de son lit ;
- le centre hospitalier de Chambéry n'a commis aucune faute dans la prise en charge de l'époux de MmeE..., dans l'organisation et le fonctionnement du service ;
- le décès de l'époux de Mme E...est la conséquence d'une détresse respiratoire liée à son cancer bronchique et non d'une chute de son lit d'hôpital ;
- à titre subsidiaire, l'indemnisation du préjudice moral causé à Mme E...par les conditions dans lesquelles elle a découvert son époux décédé ne saurait excéder 1 000 euros.
La requête et les mémoires ont été communiqués à la caisse nationale du régime social des indépendants qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
1. Considérant que M. C...E..., qui était atteint d'un cancer bronchique parvenu en phase terminale, a été hospitalisé, le 5 mars 2012, pour une détresse respiratoire aigüe au centre hospitalier de Chambéry ; que, le 9 mars 2012, son épouse qui lui rendait visite l'a retrouvé sans vie au pied de son lit ; que Mme E... a saisi d'une demande d'indemnisation la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) Rhône-Alpes ; que, le 14 mai 2014, la CRCI a émis un avis défavorable à l'indemnisation sollicitée, en l'absence de faute du centre hospitalier de Chambéry dans la prise en charge du patient ; que Mme E...a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Chambéry à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice d'affection subi du fait du décès de son époux dans cet établissement ; que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que Mme E...interjette appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que Mme E...soutient sans autre précision que " la motivation [du jugement] est contradictoire " ; que, cependant, il résulte de la lecture du jugement critiqué que le tribunal administratif de Grenoble n'a nullement entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry :
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " ;
4. Considérant que Mme E...soutient que le centre hospitalier de Chambéry a manqué à son obligation de sécurité et de surveillance de son époux dès lors qu'elle l'a retrouvé sans vie partiellement dévêtu au pied de son lit ; qu'elle souligne que son époux était atteint de troubles de vigilance du fait des métastases cancéreuses cérébrales dont il était atteint et que cette situation médicale aurait dû conduire le centre hospitalier de Chambéry à lui attribuer un lit équipé de barrières latérales de sécurité qui, relevées, l'aurait empêché de se lever ; qu'elle impute à cette absence de barrières le lever de son époux et les conditions dans lesquelles elle l'a trouvé gisant au sol en partie dénudé ;
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et plus particulièrement des deux rapports d'expertise médicale produits au dossier, en date des 7 novembre 2012 et 28 mars 2014, que M. E..., alors âgé de soixante-quatre ans, est décédé des suites d'un épisode de détresse respiratoire, conséquence du cancer métastasé au stade terminal dont il souffrait et non d'une chute de son lit alors qu'il aurait essayé de se lever pour se rendre aux toilettes ; que, par suite, aucun lien de causalité ne peut être retenu entre le décès de M. E...et l'absence de barrières sur son lit d'hôpital ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que le 9 mars 2012, jour de son décès, bien qu'affaibli et présentant certains troubles de vigilance, lesquels ont été confirmés par l'expert commis par le tribunal administratif de Grenoble, M. E...a pu tout comme la veille effectuer sa toilette au lavabo en bénéficiant d'une aide partielle ; qu'il conservait donc le 9 mars 2012 une certaine mobilité et était en capacité de réaliser certains gestes de la vie quotidienne soit seul soit si besoin était en demandant de l'assistance au personnel soignant y compris en faisant usage des signaux classiques d'alerte au moyen de la sonnette rattachée à son lit ; que, dès lors, il ne résulte pas des pièces médicales versées au débat que M. E...présentait le jour de son décès des symptômes ou un état de grande faiblesse tels qu'ils auraient nécessité qu'il lui soit interdit matériellement de se lever par la mise en place d'un système de barrières relevées et que soit mis en place un dispositif spécifique médical d'assistance dans tous les gestes de la vie quotidienne prenant notamment la forme d'une sonnette mobile pour alerter le personnel soignant d'un souhait de se rendre aux toilettes tel que mentionné par la requérante ; qu'il ne résulte pas de non plus de l'instruction que l'état de santé de M. E...s'opposait à ce qu'il puisse se rendre aux toilettes et rendait indispensable la mise à disposition d'un bassin dans son lit ; qu'il n'est pas contesté que les visites du personnel soignant effectuées le 9 mars 2012, jour du décès de M.E..., successivement à 7 h 00, 9 h 00, 10 h 00, 14 h 00 et 15 h 15, soit pour cette dernière 2h30 avant sa découverte par son épouse au pied de son lit, n'avaient pas donné lieu à des observations particulières quant à l'existence d'une dégradation de l'état général de M. E...ou d'une perte marquée de sa vigilance ; qu'il n'est pas fait état de chutes antérieures de M. E...qui auraient pu conduire le centre hospitalier de Chambéry à mettre en oeuvre une surveillance accrue ou des mesures particulières destinées à prévenir d'éventuelles chutes ou à l'empêcher de sortir de son lit ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de l'âge, des antécédents médicaux et de l'état de santé de M.E..., l'absence de mise en place de barrières latérales de sécurité sur son lit d'hôpital ne peut pas être regardée comme constitutive d'un défaut de surveillance ou de sécurité susceptible d'engager, sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry pour faute dans le fonctionnement du service public ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier de Chambéry les dépens ainsi que les frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E..., au centre hospitalier de Chambéry et à la caisse nationale du régime social des indépendants.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
Mme Cottier et MmeB..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2018.
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N° 16LY02785