Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M.A... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté non daté par lequel le maire de la commune de Châteauneuf-sur-Isère a délivré à la société Cheval Frères un permis de construire une centrale d'enrobage de produits bitumineux à chaud.
Par un jugement n° 1500185 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 août 2017 et un mémoire complémentaire enregistré le 13 septembre 2018, M.F..., représenté par la SELARL Cabinet Sébastien Plunian, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2017 ;
2°) d'annuler le permis de construire délivré à la société Cheval Frères ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Isère la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision a été signée par une personne incompétente, la délégation de signature n'ayant pas été régulièrement publiée et méconnaissant l'ordre de délégation des fonctions ;
- la décision n'est pas datée ;
- le règlement du plan local d'urbanisme (PLU) est illégal, en ce qu'il autorise l'implantation de constructions en zone naturelle, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le permis ne pouvait être délivré avant que l'enquête publique requise, s'agissant d'un projet soumis à étude d'impact, n'ait eu lieu ;
- le dossier de permis de construire ne comportait pas d'étude d'impact, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ;
- l'étude d'impact comporte des insuffisances s'agissant des nuisances sonores occasionnées par l'ouvrage.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2017, la commune de Châteauneuf-sur-Isère, représentée par la SCP Sigma Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable, dès lors que le requérant se borne à reprendre ses écritures de première instance ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2018, la société SAS Cheval Frères, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 octobre 2018 par une ordonnance du 18 septembre précédent.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- les observations de Me E...pour M. F...et de Me D...pour la commune de Châteauneuf-sur-Isère ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Cheval Frères exploite depuis 2004 une centrale d'enrobage de produits bitumineux à chaud sur un site situé, en bordure de l'Isère, à Châteauneuf-sur-Isère. Par arrêté du 27 octobre 2011, le préfet de la Drôme a autorisé cette société à exploiter ces installations au titre de la législation sur les installations classées. Par jugement du 20 février 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 31 janvier 2011 par lequel le maire de Châteauneuf-sur-Isère a délivré à cette société un permis de construire en vue de la régularisation de la construction de ses installations. Le 10 septembre 2014, la société Cheval Frères a déposé une nouvelle demande de permis de construire. Par arrêté du 24 novembre 2014, le maire de la commune lui a délivré ce permis. M. F...relève appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense ;
2. En premier lieu, M. F...réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen soulevé devant le tribunal administratif et tiré de ce que la décision est entachée d'une irrégularité formelle, faute d'être datée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal. ". La décision en litige a été signée par M.C..., adjoint délégué à l'urbanisme, qui disposait d'une délégation à l'effet de signer les permis de construire en vertu d'un arrêté du 10 avril 2014 du maire de Châteauneuf-sur-Isère qui, ainsi qu'il ressort de l'attestation produite au dossier et dont les énonciations ne sont pas contredites, a été régulièrement affiché et publié au recueil des actes administratifs de la mairie. Par suite, et alors que, s'agissant d'une délégation de fonctions, l'ordre du tableau des adjoints ne peut utilement être invoqué par M.F..., le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
4. En troisième lieu, le permis de construire a pour objet de vérifier que les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols ainsi qu'à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement et l'aménagement des abords des constructions. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : a) L'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du code de l'environnement ; (...) ". Les articles R. 122-5 et suivants du code de l'environnement, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté litigieux, dressent la liste des travaux, ouvrages ou aménagements soumis à une étude d'impact, notamment lorsqu'ils sont subordonnés à la délivrance d'un permis de construire.
5. Le permis en litige a pour objet de régulariser la construction de la centrale d'enrobage de la société Cheval frères, qui l'exploite au bénéfice de l'autorisation que le préfet de la Drôme lui a délivrée le 27 octobre 2011 au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. Si une étude d'impact a été réalisée en vue de la délivrance de cette autorisation d'exploiter, le projet litigieux ne figure pas au nombre de ceux pour lesquels les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent la délivrance d'un permis de construire à la réalisation d'une étude d'impact. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce qu'une telle étude d'impact n'avait pas été jointe au dossier de demande de permis de construire, de ce que l'étude d'impact menée était insuffisante et de ce que le permis de construire en litige, étant soumis à une telle étude, ne pouvait être délivré avant enquête publique doivent être écartés.
6. En quatrième lieu, en se bornant à soutenir par la voie de l'exception que les dispositions de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme interdisent l'implantation de tels ouvrages en zone agricole alors que le projet se situe dans une zone où les dispositions de l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme autorisent la délimitation de secteurs où sont autorisées les constructions nécessaires à la mise en valeur des ressources naturelles, M. F... n'assortit pas le moyen qu'il soulève des précisions permettant d'en apprécier la portée.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
8. Le permis de construire en litige ayant pour seul objet d'autoriser la construction de la centrale d'enrobage indépendamment des conditions de son exploitation, M. F...n'est pas fondé à se prévaloir, pour contester la légalité de ce permis, de la circonstance que son fonctionnement entraînerait des nuisances sonores ou olfactives pour les voisins. Si le requérant soutient également que la construction que le permis de construire en litige a pour objet de régulariser est implantée en bordure de l'Isère sur des terrains exposés à des risques d'inondation en cas de crue centennale, il ressort de la notice de présentation jointe au dossier de permis de construire que la centrale d'enrobage est édifiée à un mètre environ au-dessus de la cote de référence en cas de crue et repose sur des supports en béton ou métalliques de manière à ne pas être affectée par l'écoulement des eaux. Dans ces conditions, et alors même que la voie d'accès à l'installation et la zone de stockage des matériaux sont situées sous la cote de référence de la crue centennale, il ne ressort pas du dossier que le maire de Châteauneuf-sur-Isère a, en délivrant le permis contesté, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées au point 7.
9. Il résulte de ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la commune de Châteauneuf-sur-Isère, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. F... le versement à la commune de Châteauneuf-sur-Isère et à la société Cheval Frères de la somme respective de 2 000 euros au titre des frais que celles-ci ont exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : M. F...versera à la commune de Châteauneuf-sur-Isère, d'une part, et à la société Cheval Frères, d'autre part, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... F..., à la commune de Châteauneuf-sur-Isère et à la société Cheval Frères.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Antoine Gille, président,
M. Thierry Besse, premier conseiller,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.
La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 17LY03040
dm