Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes et de prononcer le sursis de paiement pour l'impôt contesté.
Par un jugement n° 1504272 du 3 juillet 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 septembre 2017, le 26 mars 2018 et le 20 août 2018, M. C... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 juillet 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme dont le montant sera indiqué à la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est " entaché d'un défaut de base légale " pour s'être fondé sur les dispositions du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts pour qualifier l'activité de la SCI la Route d'Orléans ;
- la SCI La Route d'Orléans n'étant pas assujettie à l'impôt sur les sociétés, il ne peut être regardé comme ayant bénéficié de revenus distribués par cette société ;
- à supposer que la société soit assujettie à l'impôt sur les sociétés, les sommes prélevées sont de simples remboursements de prêts qu'il a consentis à la société ;
- les plus-values acquittées au titre de l'impôt sur le revenu devraient alors être dégrevées et le déficit foncier issu de la SCI imputé sur son revenu global ;
- les pénalités et majorations doivent être déchargées par voie de conséquence.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 février 2018 et le 11 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 19 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SCI La Route d'Orléans, l'administration fiscale a assujetti cette société à l'impôt sur les sociétés. Elle a considéré que les virements qu'elle avait effectués au profit de M. A... constituaient des revenus distribués entre les mains de ce dernier et les a imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre des années 2010 et 2011. Il relève appel du jugement du 3 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 1er février 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a accordé à M. A... un dégrèvement d'un montant total de 2 403 euros en droits et 401 euros en pénalités. Par décisions du 25 janvier 2018, elle a prononcé des dégrèvements de 12 327 euros, 20 251 euros, 44 165 euros, et 13 865 euros correspondant à l'imposition des plus-values et aux contributions sociales correspondantes des années 2010 et 2011. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer, dans cette mesure, sur les conclusions de la requête de M. A....
Sur le surplus des conclusions :
3. Le tribunal a cité au point 3. du jugement les dispositions du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts au regard desquelles il entendait statuer. S'il a, au point 6. du même jugement, mentionné l'article 31 I 1° de ce code, il s'agit à l'évidence d'une erreur de plume, qui n'affecte ni la régularité ni le bien-fondé de ce jugement.
En ce qui concerne l'assujettissement de la SCI La Route d'Orléans à l'impôt sur les sociétés :
4. L'article 205 du code général des impôts soumet à l'impôt sur les sociétés les personnes morales désignées à l'article 206. Parmi ces dernières figurent, selon le 2 de cet article, les sociétés civiles qui " se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes de l'article 35 du même code : " I. Présentent (...) le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel. La condition d'habitude à laquelle est subordonnée l'application des dispositions précitées du I de l'article 35 du code général des impôts, s'apprécie en principe en fonction du nombre d'opérations réalisées et de leur fréquence. Elle doit également être réputée remplie lorsque les associés qui jouent un rôle prépondérant ou bénéficient principalement des activités de la société sont des personnes qui se livrent elles-mêmes, de façon habituelle, à des opérations d'achat et de revente en l'état d'immeubles, la société étant l'un des instruments d'une activité d'ensemble entrant dans le champ d'application du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SCI La Route d'Orléans, dont M. A... est associé à hauteur de 98 % des parts tout en gérant plusieurs sociétés agissant dans les métiers de l'immobilier et notamment une société exerçant l'activité de marchand de biens, a acquis en juillet 2002 au 9, rue de Paris à Montlhéry un immeuble comprenant trois studios et six logements. Cet immeuble a fait l'objet d'un état descriptif et d'un règlement de copropriété répartissant l'immeuble en dix-sept lots. Les lots 2 et 3 ont été vendus en 2004, le lot 9 en 2008, le lot 7 en 2009, les lots 8, 13, 14, 15 et 4 en 2010 et les lots 1, 5, 6, 16, 17, 10, 11, 20 et 21 en 2011. La SCI a acquis le 17 mars 2003 une maison d'habitation à Ollainville et l'a revendue en 2005. Elle a acquis le 30 septembre 2003 une propriété sise à Ballainvilliers, rue du Perray comprenant deux maisons d'habitation, une remise et un terrain sur lequel ont été construites six maisons individuelles au terme d'un permis de construire accordé le 19 octobre 2005. Quatre d'entre elles ont été vendues dès leur achèvement en 2008, les deux autres ont été louées puis vendues en 2012 et 2013. Les deux maisons existantes ont été vendues, l'une en 2005 à M. A... et l'autre en 2007. La remise existante a été transformée en deux logements neufs en 2009 dont l'un a été cédé en 2010. Une maison neuve achevée au 15 rue du Perray achevée en 2010 a été vendue en 2012. Enfin, la SCI a acquis en 2005 et 2006 la nue-propriété puis l'usufruit d'un appartement situé à Huez, revendu en 2008.
6. Eu égard au nombre des transactions ainsi accomplies par la SCI La Route d'Orléans durant ce laps de temps, et à l'activité de son gérant, la condition d'habitude se trouve en l'espèce remplie.
7. Eu égard, par ailleurs, au bref délai qui a séparé les dates d'acquisition des cessions ainsi réalisées, ou de la constitution sous forme de lots des propriétés acquises ou des demandes de permis de construire précédant les travaux exécutés, il apparaît également que ces opérations ont été réalisées, à la date d'acquisition des immeubles, dans une intention spéculative. Si M. A... fait valoir que la nécessité de financer les études de ses enfants a présidé aux cessions en cause, il résulte des pièces qu'il a versées aux débats que les études dont il est fait état n'ont débuté, pour l'aîné des enfants ainsi pris en charge, qu'en 2009 et ne sauraient être à l'origine d'opérations qui ont été engagées bien antérieurement. Il en va de même pour les difficultés financières et d'accès au crédit invoquées par le gérant, et qu'il met en lien avec une grave maladie apparue, selon ses propres indications, en 2012. Il en est également ainsi s'agissant des difficultés financières des sociétés gérées par M. A..., dont l'administration relève que les déclarations de résultat faisaient apparaître un bénéfice au titre de l'exercice clos en 2010, et qui ne peuvent être à l'origine des nombreuses opérations d'achat et de revente, le cas échéant après lotissement et travaux, engagées antérieurement.
8. L'administration fiscale était par suite fondée à considérer que l'activité exercée par la société entrait dans les prévisions du 1° du 1. de l'article 35 du code général des impôts et à l'assujettir en conséquence à l'impôt sur les sociétés.
9. En deuxième lieu, les instructions administratives invoquées par l'appelant au titre de la garantie prévue par les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui est retenue ci-dessus.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est fondé à soutenir ni qu'en l'absence d'assujettissement de la SCI à l'impôt sur les sociétés, les dispositions de l'article 111 a du code général des impôts ne pouvaient trouver à s'appliquer ni que le déficit foncier issu de la société en 2011 serait imputable sur son revenu global. Par ailleurs, eu égard aux dégrèvements prononcés par l'administration en cours d'instance, le moyen tiré de ce que l'imposition des plus-values réalisées ne peut se cumuler avec l'imposition des sommes distribuées par la société est devenu inopérant.
En ce qui concerne les sommes mises à disposition de M. A... :
11. Le a de l'article 111 du code général des impôts impose de regarder comme des revenus distribués " sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes interposées ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes ". En application de ces dispositions, les montants des sommes portées au crédit des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire. L'administration ne peut regarder l'existence de sommes portées au crédit du compte courant ouvert dans les écritures d'une société assujettie à l'impôt sur les sociétés au nom d'une entreprise unipersonnelle dont le contribuable est le gérant et l'associé tout en étant, parallèlement, associé de la société assujettie à l'impôt sur les sociétés, comme de nature à établir que ces sommes ont constitué, pour l'intéressé, un revenu distribué au sens du a de l'article 111 précité qu'à la condition d'établir que l'entreprise unipersonnelle en cause n'a fait que s'interposer entre la société anonyme et le contribuable, bénéficiaire réel de la distribution.
12. L'administration a constaté qu'en 2010, la SCI La Route d'Orléans avait émis des virements intitulés " Stéphane A... " ou " apport en compte courant d'associé Stéphane A... " pour un montant de total de 77 000 euros, et qu'en 2011, ces virements, intitulés " Stéphane A... ", " Stéphane A... apport en compte courant d'associé " ou " virement EURL 21 juin Holding, apport compte courant d'associé Stéphane A... " s'élevaient à la somme de 268 800 euros. En faisant valoir que les virements en cause, y compris ceux qui ont été effectués au nom de l'EURL, sont expressément libellés au nom de M. A..., l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence de sommes réellement mises à la disposition personnelle de M. A..., directement ou par l'interposition de l'EURL 21 juin Holding.
13. Pour soutenir que les somme imposées entre ses mains correspondaient à des remboursements d'apports ou d'avances qu'il aurait consenties en 2002 ou en 2003 à la société, M. A... se borne à produire à l'appui de ses allégations la copie de relevés bancaires de la SCI La Route d'Orléans relatifs à l'année 2002 et 2003, mais dont les libellés," virt cpte à cpte 00000000 ", " regul virement " ou encore " op divers cdt " ne permettent pas de déterminer l'identité du compte émetteur et ne prouvent pas que les sommes versées à l'époque proviennent de virements effectués à partir du compte bancaire personnel de M. A.... En outre, il n'apporte aucun document actant de l'existence et de la réalité des apports ou avances allégués. Par suite, il n'en établit pas l'existence. Dès lors, il n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les sommes en cause ne constituaient pas des revenus distribués dont il avait eu la disposition. Par application de l'article 111 a, l'administration était donc fondée à les réintégrer dans le revenu imposable de M. A... des années 2010 et 2011, au titre des revenus de capitaux mobilier.
14. En l'absence de toute argumentation spécifique dirigée contre les pénalités qui lui ont été appliquées, les conclusions tendant à leur décharge ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions dirigées contre les impositions auxquelles elles correspondent.
15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... dans la mesure des dégrèvements de 93 412 euros prononcés postérieurement à son introduction.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.
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N° 17LY03325
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