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29/01/2019 | FRANCE | N°18LY01120

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2019, 18LY01120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 23 janvier 2018 par lesquels le préfet de l'Yonne a décidé son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1800376 du 19 février 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 mars 2018, M. B..., représenté par Me F..., dema

nde à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 19 février 2018 ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 23 janvier 2018 par lesquels le préfet de l'Yonne a décidé son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1800376 du 19 février 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 mars 2018, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 19 février 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 23 janvier 2018 par lesquels le préfet de l'Yonne a décidé son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile sous procédure normale dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B... soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée eu égard à sa motivation stéréotypée et faute de faire apparaitre le critère de détermination de l'Etat membre responsable ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux risques qu'il encourt de renvoi en Afghanistan, en particulier dans sa province d'origine, en cas de transfert en Allemagne, où sa demande d'asile a été rejetée définitivement, ce pays procédant effectivement à des renvois vers l'Afghanistan ;

- il encourt des risques personnels pour sa vie en Afghanistan ;

- la décision portant assignation à résidence sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2018, le préfet le préfet de l'Yonne, représenté par Me E..., conclut à titre principal au non-lieu à statuer et, subsidiairement, au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. B... ayant exécuté volontairement la décision en prenant un vol à destination de l'Allemagne en mars 2018, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande ;

- la décision de transfert est suffisamment motivée et n'avait pas à mentionner les critères de détermination de l'Etat membre responsable, dont la mise en oeuvre n'intervient que pour les demandes de prise en charge, à l'exclusion des demandes de reprise en charge ;

- l'existence d'un risque de méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'un renvoi vers l'Afghanistan n'est pas établi ;

- il n'établit pas l'existence de risques personnels pour sa vie en cas de retour en Afghanistan ;

- la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure notamment où il n'est pas établi que l'Allemagne lui aurait notifié une mesure d'éloignement et où ce pays ne présente pas de situation de défaillance systémique.

M. B... a présenté un nouveau mémoire le 2 janvier 2019.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les observations de Me A..., représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant afghan né le 23 août 1991, déclare être entré sur le territoire français en juillet 2017. Il a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture du Val-de-Marne le 11 septembre 2017. Les autorités allemandes ont été saisies, le 26 septembre 2017, d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et ont explicitement accepté leur responsabilité le 4 octobre 2017. Par deux arrêtés du 23 janvier 2018, notifiés le 13 février suivant, le préfet de l'Yonne a décidé de transférer M. B... aux autorités allemandes et de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Contrairement à ce que le préfet de l'Yonne soutient, la circonstance que M. B... aurait exécuté la décision ne rend pas sans objet ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert litigieuse. L'exception de non-lieu à statuer opposée dans le mémoire en défense doit ainsi être écartée.

3. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. En l'espèce, l'arrêté du 23 janvier 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a décidé le transfert de M. B... aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile mentionne notamment le 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le fait que les empreintes de M. B... ont été prises en Allemagne dans le cadre de l'enregistrement d'une demande d'asile, pays dans lequel il y a séjourné deux ans. Ce faisant, le préfet a suffisamment motivé la décision de transfert litigieuse. Le moyen tiré de son insuffisante motivation, auquel le tribunal administratif a suffisamment répondu, doit, dès lors, être écarté.

6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par le 1. de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ".

7. M. B... fait valoir que les autorités allemandes ont rejeté sa demande d'asile et qu'en cas de transfert vers l'Allemagne, cet Etat ne procèdera pas à un nouvel examen de sa demande ce qui entraînerait son retour en Afghanistan où il encourt des risques pour sa vie et produit une décision de l'office fédéral des migrations et des réfugiés rejetant sa demande, faisant état des voies et délais de recours existant contre cette décision. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que M. B... aurait exercé les voies de recours contre cette décision refusant l'asile, ni qu'il serait sous le coup d'une mesure d'éloignement exécutoire. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Yonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et par les dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. Eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision d'assignation à résidence doit être annulée du fait de l'illégalité de la décision de transfert doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique le 29 janvier 2019.

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N° 18LY01120

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01120
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Avocat(s) : DJERMOUNE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-29;18ly01120 ?
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