Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... C...a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1501968 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2018, et le 2 août 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 novembre 2017 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme correspondant au remboursement des frais non compris dans les dépens engagés tant en première instance qu'en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- les dépenses de travaux de rénovation réalisés sur l'immeuble situé place Saint-Vincent à Mâcon dont elle est propriétaire présentent le caractère de travaux de rénovation et d'amélioration déductibles de son revenu global au titre des années litigieuses ;
- le bail consenti à son associé, M. B..., par la SCI 87 Cours Napoléon dont Mme C... détient la moitié des parts, pour la location de l'appartement situé à Ajaccio dont la SCI est propriétaire, n'est pas fictif et son prix, fixé en 2008, n'est pas minoré ;
- les dépenses résultant des travaux de rénovation réalisés dans cet appartement à l'origine de déficits fonciers sont par suite déductibles de son revenu global à raison de sa quote-part dans la SCI.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 5 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par Mme C... n'est fondé.
Par lettre du 12 octobre 2018, les parties ont été informées de ce que, l'affaire étant en état d'être jugée, l'instruction était susceptible d'être close à compter du 15 novembre 2018 en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 15 novembre 2018, l'instruction a été close au 15 novembre 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI 87 Cours Napoléon, dont Mme C... est associée à 50 % avec M. B..., est propriétaire d'un appartement situé à Ajaccio, loué à M. B.... Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité des bénéfices fonciers au titre des années 2011 et 2012 à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 11 avril 2014, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité du coût des travaux réalisés dans cet appartement et les déficits fonciers déclarés sur chacune de ces années. Mme C... est par ailleurs propriétaire d'un immeuble situé place Saint-Vincent à Mâcon. A l'issue d'un contrôle sur pièces, par une proposition de rectification du 27 mai 2014, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité du coût des travaux réalisés sur cet immeuble et a appliqué la procédure de l'abus de droit aux rectifications résultant de l'annulation des déficits fonciers consécutifs aux travaux réalisés sur l'appartement d'Ajaccio. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus fonciers, mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012, suite à ces procédures.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 28 du code général des impôts, le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. Selon l'article 29 du même code, le revenu des immeubles donnés en location est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire. Les recettes imposables s'entendent des sommes encaissées au cours de l'année d'imposition. Les charges à déduire du revenu brut foncier s'entendent de celles qui ont été effectivement acquittées au cours de l'année d'imposition. Les dépenses déduites au titre des revenus fonciers doivent être appuyées de pièces justificatives.
3. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) / b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ainsi que des dépenses au titre desquelles le propriétaire bénéficie du crédit d'impôt sur le revenu prévu à l'article 200 quater ; (...) ". Les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, au sens des dispositions précitées. Les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions. Ces travaux n'ouvrent pas droit à déduction.
4. Malgré son refus des rectifications à l'impôt sur le revenu notifiées, Mme C... en sa qualité de contribuable ayant entendu déduire de son revenu brut les dépenses engagées pour la réfection de locaux d'habitation dont elle est propriétaire ou qui appartiennent à la SCI 87 Cours Napoléon dont elle détient la moitié des parts sociales, doit justifier de la réalité, de la consistance et du caractère déductible des charges à l'origine des déficits fonciers déclarés.
En ce qui concerne la déductibilité des travaux réalisés sur l'immeuble situé place Saint-Vincent à Mâcon :
5. L'administration fiscale a remis en cause la déductibilité du coût des travaux réalisés sur l'immeuble situé place Saint-Vincent à Macon, dont Mme C... est propriétaire, au motif que la contribuable ne démontrait pas avoir effectivement supporté l'ensemble des dépenses de travaux déclarées en déduction de son revenu imposable faute d'avoir produit l'ensemble des factures correspondantes, et que les dépenses correspondant aux travaux réalisés constituaient des dépenses de construction, reconstruction et agrandissement non déductibles de son revenu global en application de l'article 31 précité du code général des impôts. Il résulte de l'instruction que les travaux entrepris sur l'un des deux bâtiments constituant l'ensemble immobilier ont consisté en la réunion de lots afin de réaménager les surfaces habitables et redistribuer les espaces intérieurs en procédant à des travaux, relevant du gros oeuvre, de démolition d'escaliers, de suppression de cloisons, de création d'ouvertures, conduisant à une extension de la surface habitable, et pour l'autre bâtiment, en la création d'un duplex par aménagement des combles, avec création d'ouverture, redistribution des espaces intérieurs et agrandissement de la surface habitable de 60 m2. Par leur ampleur et leur nature, les travaux réalisés, participant à l'économie d'un projet global dont ils ne peuvent être dissociés, et qui ont notamment eu pour effet d'accroitre la surface habitable de l'ensemble immobilier, doivent être regardés comme des travaux de construction, reconstruction et agrandissement au sens de l'article 31 du code général des impôts. En se bornant à soutenir sans l'établir que les travaux litigieux se seraient limités à une opération de rénovation sans agrandissement, ni changement de destination des locaux, Mme C... n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère déductible des dépenses correspondant aux travaux réalisés sur sa propriété.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'application irrégulière de la procédure de l'abus de droit concernant l'appartement d'Ajaccio :
6. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales normales de l'intéressé. Aux termes de l'article R. 64-2 du même livre : " Lorsque l'administration se prévaut des dispositions de l'article L. 64, le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour demander que le litige soit soumis à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal ".
7. En l'absence de saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit, la charge de la preuve du bien-fondé de l'imposition incombe à l'administration. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
8. Au cas d'espèce, le comité de l'abus de droit n'ayant pas été saisi, la charge de la preuve du bien-fondé des rectifications incombe à l'administration.
9. Aux termes de l'article 15 du code général des impôts : " (...) II. - Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ". Les contribuables bénéficiaires de l'exonération ainsi édictée ne sont pas, par voie de conséquence, autorisées à déduire de leurs revenus fonciers compris dans le revenu global les charges afférentes à ces logements. Dans le cas d'une location fictive, les recettes ne sont pas à déclarer mais les charges ne sont pas déductibles.
10. L'administration peut écarter sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales un acte qui, présenté comme un bail d'habitation, constitue en réalité la mise à disposition à titre gratuit d'un logement à un tiers et revêt, dès lors, un caractère fictif.
11. Dans le cadre d'un contrôle simultané d'une SCI et de ses associés, l'administration fiscale peut remettre en cause les déficits fonciers reportables imputés par les associés sur leur revenu global en se fondant sur les documents comptables, économiques et financiers de la SCI, mêmes afférents à des années prescrites.
12. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SCI 87 Cour Napoléon, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des dépenses afférentes aux travaux réalisés au sein de l'appartement situé à Ajaccio pour l'acquisition duquel la SCI avait été créée le 15 novembre 2006 par Mme C... et M. B..., chacun associé à 50 % du capital social. L'administration fiscale a considéré que le contrat de bail consenti par la SCI à son associé M. B..., pour un montant de 450 euros à compter du 1er janvier 2008 était fictif compte tenu du caractère anormalement bas du montant du loyer que ne pouvait justifié les longues absences du locataire, la SCI n'ayant ni comptabilisé, ni encaissé les recettes correspondantes pourtant déclarées par la SCI au titre des années en litige, ni celles tirées selon Mme C... de sous-locations saisonnières consenties par le locataire dont la réalité n'est, toutefois, pas établie. L'administration a constaté que la SCI 87 Cour Napoléon n'avait entrepris aucune démarche auprès du preneur pour recouvrer le montant des loyers non acquittés en tout ou partie de 2009 à 2012, que les charges locatives et les dépenses d'électricité avaient été payées par la SCI bailleresse elle-même et que le contrat EDF était au nom de Mme C.... Considérant que le contrat de bail consenti à sa seule initiative était fictif, l'administration fiscale a mis en oeuvre à l'encontre de Mme C..., la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 64 précité du livre des procédures fiscales. Elle a ainsi remis en cause le caractère déductible des dépenses de travaux afférents à ce logement dont la SCI devait être regardée comme s'étant réservé la jouissance. Eu égard à leur montant, équivalant au coût d'acquisition du bien, et à leur nature, ces dépenses de travaux qui ont conduit à la rénovation complète du logement et à l'agrandissement de la surface habitable, ne sont, au surplus, pas déductibles du revenu imposable en application des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts. Pour contester le caractère fictif du bail, Mme C... soutient, sans l'établir de manière probante, que certains des loyers, versés en liquide par le locataire directement entre ses mains, étaient ensuite reversés sur un compte de la SCI, et, d'autre part, que le locataire acquittait partiellement son loyer en lui remettant directement les sommes provenant des sous-locations saisonnières consenties. Il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe du caractère fictif du contrat de bail consenti à l'initiative de Mme C... par la SCI, constitutif d'un abus de droit au sens de des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, justifiant la remise en cause de la déductibilité des dépenses de travaux afférentes à ce bien et, par suite, des déficits fonciers imputés par la contribuable sur son revenu global imposable au titre des années litigieuses, à l'origine des rectifications contestées.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de (...) b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (...). ".
14. L'administration fiscale apporte la preuve de l'existence d'un abus de droit à l'initiative de Mme C..., principale bénéficiaire de la réduction d'impôt par imputation des déficits fonciers relatifs à des charges non déductibles compte tenu de la gestion privée du bien par la SCI dont elle a la gérance. Par suite, l'administration fiscale a pu, à bon droit, assortir les rectifications litigieuses de la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts. La requérante, qui ne conteste pas avoir été à l'initiative de l'abus de droit reproché, ni en avoir été la principale bénéficiaire, n'invoque aucun motif de nature à justifier, que cette pénalité soit ramenée à 40 %.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme E..., première conseillère,
Lu en audience publique le 19 mars 2019.
7
N° 18LY00376
ld