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16/04/2019 | FRANCE | N°18LY00397

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 16 avril 2019, 18LY00397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 22 octobre 2015 et 10 février 2016 par lesquels le maire de la commune d'Yvoire a opposé des refus à deux demandes successives de permis de construire pour la réalisation de trois villas jumelées.

Par un jugement n° 1602025 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les

1er février et 28 novembre 2018, M. et Mme C... E..., représentés par la SELARL Itinéraires avoc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 22 octobre 2015 et 10 février 2016 par lesquels le maire de la commune d'Yvoire a opposé des refus à deux demandes successives de permis de construire pour la réalisation de trois villas jumelées.

Par un jugement n° 1602025 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 1er février et 28 novembre 2018, M. et Mme C... E..., représentés par la SELARL Itinéraires avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 décembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du maire d'Yvoire des 22 octobre 2015 et 10 février 2016 portant refus de permis de construire ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune d'Yvoire d'instruire à nouveau leur demande de permis de construire n° PC 07 431 515 B 00 13 dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Yvoire la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges ont insuffisamment répondu aux moyens tirés du défaut de motivation des arrêtés en litige et de l'erreur de droit commise par le maire, qu'ils ont procédé à une substitution de motif sans que celle-ci ne soit sollicitée et qu'ils ont à tort procédé à une substitution de base légale sans les avoir mis à même de présenter leurs observations ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré du défaut de motivation des arrêtés contestés, l'autorité administrative n'ayant pas explicité en quoi l'extension de l'urbanisation était substantielle et ayant retenu à tort l'absence de justification du projet au regard de critères inapplicables à une autorisation d'urbanisme ;

- la motivation des arrêtés attaqués dissimule la volonté de la commune de prendre en compte le futur document d'urbanisme ;

- les refus attaqués sont entachés d'erreur de droit en ce qu'ils prennent en compte des critères liés à la configuration des lieux et à l'accueil d'activités exigeant la proximité immédiate de l'eau qui ne sont pas applicables dès lors que le PLU ne comporte lui-même ni justification ni motivation concernant l'extension de l'urbanisation de la zone dont relève le projet ;

- le terrain ne présente pas les caractéristiques d'un espace proche du rivage, et leur projet, qui est conforme au schéma de cohérence territoriale, présente le caractère d'une opération de construction ou, tout au plus, d'une extension limitée de l'urbanisation.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2018, la commune d'Yvoire, représentée par la SELARL cabinet d'avocats Philippe Petit et associés, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

L'instruction a été close le 7 janvier 2019 par une ordonnance du même jour prise en application de l'article R. 611-11-1 et du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;

- et les observations de Me D... pour M. et Mme E..., ainsi que celles Me B... pour la commune d'Yvoire ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E... ont successivement formé deux demandes de permis de construire en vue de la réalisation d'un ensemble de trois villas jumelées sur un terrain situé, chemin des Margueret, en zone UC du plan local d'urbanisme (PLU) d'Yvoire. Ils relèvent appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés des 22 octobre 2015 et 10 février 2016 par lesquels le maire d'Yvoire a refusé de leur délivrer un permis de construire.

Sur la régularité du jugement :

2. En explicitant, d'une part, les motifs pour lesquels, au regard de leurs mentions, les arrêtés en litige répondaient selon eux à l'exigence de motivation de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme et, d'autre part, les motifs pour lesquels il convenait d'écarter selon eux le grief d'erreur de droit soulevé à l'encontre de ces arrêtés, les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre expressément à chacun des arguments soulevés devant eux, ont suffisamment motivé leur réponse aux moyens des requérants.

3. Pour écarter le moyen des requérants tiré de l'erreur de droit entachant le motif des décisions attaquées selon lequel leur projet n'était pas justifié par des considérations liées à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités exigeant la proximité immédiate de l'eau, le tribunal administratif, après avoir estimé que ce motif était effectivement entaché d'erreur de droit, a relevé son caractère subsidiaire et considéré que le maire aurait pris la même décision s'il n'avait pas également examiné le projet des requérants au regard de ces éléments. Ce faisant, le tribunal s'est borné à neutraliser l'erreur de droit qu'il avait relevée et, exerçant son contrôle sur le bien-fondé de l'appréciation portée par l'autorité administrative au regard des articles L. 146-4 et L. 121-13 du code de l'urbanisme ayant fondé ces décisions, n'a procédé à aucune substitution du motif ou de la base légale des refus en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait irrégulièrement procédé à une telle substitution ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité des refus de permis de construire :

4. Aux termes des dispositions particulières au littoral du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme reprises, depuis le 1er janvier 2016, à l'article L. 121-13 de ce même code, qui sont directement applicables à une demande de permis de construire et dont l'autorité administrative doit s'assurer du respect : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs (...) doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. ".

5. Pour refuser de délivrer à M. et Mme E... les permis de construire qu'ils sollicitaient, le maire d'Yvoire s'est fondé sur les dispositions citées ci-dessus du code de l'urbanisme et sur la circonstance que leur projet prévoit " l'édification, à environ 230 mètres du rivage du lac Léman, de trois villas jumelées qui constituerait une extension substantielle de l'urbanisation proche du rivage, sans motif lié à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités exigeant la proximité immédiate de l'eau ".

6. En premier lieu, M. et Mme E... soutiennent que les décisions qu'ils contestent sont insuffisamment motivées. Toutefois, en se référant, après avoir cité les articles du code de l'urbanisme dont il entendait faire application, à la distance séparant le rivage du lac Léman et le terrain d'assiette du projet, en qualifiant de substantielle l'extension de l'urbanisation que constituerait l'édification des villas faisant l'objet de la demande de permis, et en exposant que ce projet ne pouvait trouver sa justification dans la configuration des lieux ou l'exigence de la proximité immédiate de l'eau, le maire d'Yvoire, A...même qu'il aurait, selon les requérants, entaché ses décisions d'erreur de droit, a fait état des circonstances de fait et de droit sur lesquelles il s'est fondé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des refus en litige doit être écarté.

7. Pour demander l'annulation des refus de permis de construire qui leur ont été opposés, les requérants soutiennent en deuxième lieu que leur projet, du fait en particulier de sa localisation en secteur urbanisé et de ses dimensions modestes, répond aux exigences des dispositions du code de l'urbanisme citées au point 4. Ils font valoir pour cela que le terrain d'assiette de leur projet ne présente pas les caractéristiques d'un espace proche du rivage, et que leur projet, qui est conforme au schéma de cohérence territoriale, présente en tout état de cause le caractère d'une simple opération de construction ou, tout au plus, d'une extension limitée de l'urbanisation.

8. D'une part, le terrain de M. et Mme E... se situe à environ 230 mètres du lac Léman, qui est visible en même temps que lui depuis la voie publique et dont il n'est séparé que par des parcelles pour l'essentiel non bâties et en nature de prairies ou de bois. Ce terrain fait ainsi partie des espaces proches du rivage au sens des dispositions du code de l'urbanisme citées au point 4, A...même que, comme l'allèguent les requérants, le lac ne serait pas visible depuis l'emplacement de leur projet.

9. D'autre part, le projet en litige se trouve sur la frange extérieure d'un secteur situé à la périphérie d'Yvoire où un habitat diffus a pu se constituer au nord de la route départementale n° 25 au sein d'une zone qui a toutefois conservé pour l'essentiel son caractère naturel. Ce projet porte sur la réalisation, en bordure d'espaces naturels et agricoles, d'un ensemble de trois villas accolées représentant une surface d'environ 330 m² et d'une longueur de façade principale dépassant 25 m. A...même qu'il ne concerne qu'un nombre réduit de constructions à caractère individuel et se situe à proximité d'une habitation, le projet en litige, compte tenu de ses dimensions et de sa localisation ainsi que des caractéristiques de son secteur d'implantation, ne saurait être regardé comme ne traduisant qu'une extension limitée de l'urbanisation au sens des dispositions du code de l'urbanisme citées au point 4, à l'application desquelles ni la localisation du projet en zone UC du PLU d'Yvoire ni sa conformité alléguée aux prescriptions du schéma de cohérence territoriale du Chablais ne sauraient faire obstacle.

10. En troisième lieu, M. et Mme E... soutiennent également que le maire d'Yvoire s'est fondé à tort sur des considérations ayant trait à la seule légalité d'un PLU en relevant que leur projet n'était pas justifié par des motifs liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités exigeant la proximité immédiate de l'eau. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent que c'est à bon droit et par une exacte application des dispositions sur lesquelles il s'est fondé que le maire d'Yvoire, au regard de l'appréciation qu'il a portée sur les caractéristiques du projet et sur sa localisation, a rejeté les demandes de permis de construire de M. et Mme E.... Par suite, la circonstance que cette autorité se soit par ailleurs méprise en recherchant à titre surabondant si d'autres circonstances étaient susceptibles de justifier la délivrance d'une autorisation est en elle-même sans incidence sur le bien-fondé du motif de refus principalement retenu et la légalité des décisions attaquées.

11. Si M. et Mme E... soutiennent en dernier lieu que la motivation des refus qu'ils contestent dissimule en réalité le souci de l'autorité municipale, faute de pouvoir leur opposer un sursis à statuer, de ne pas faire obstacle à la révision du PLU prescrite le 29 juin 2015 et à la modification projetée du classement de leur terrain, le détournement de pouvoir allégué n'est, en tout état de cause, pas établi.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E..., qui ne contestent au demeurant pas le second motif de la décision de refus du 22 octobre 2015 selon lequel la pente de la toiture de leur projet méconnaît l'article UC 11 du règlement du PLU d'Yvoire, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui confirme le rejet par le tribunal administratif des conclusions de M. et Mme E... tendant à l'annulation des décisions du maire d'Yvoire des 22 octobre 2015 et 10 février 2016 portant refus de permis de construire, n'appelle aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la commune d'Yvoire, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que la commune d'Yvoire présente au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Yvoire tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... E...et à la commune d'Yvoire.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

M. Thierry Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 avril 2019.

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N° 18LY00397

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00397
Date de la décision : 16/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Antoine GILLE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-16;18ly00397 ?
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