Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune de Fontanil-Cornillon a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 6 058 875 euros, assortie des intérêts légaux, en réparation du préjudice né de la perte de recettes fiscales lié au défaut de perception de la taxe foncière sur les propriétés bâties de la station d'épuration dénommée " Aquapôle ".
Par un jugement n° 1502698 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Grenoble a partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 114 979 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2015.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 septembre 2017 et le 25 juin 2018, la commune de Fontanil-Cornillon, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juillet 2017 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 283 924 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Fontanil-Cornillon soutient que :
- le jugement est entaché d'insuffisance de motivation, d'omission à statuer et d'erreur de droit ;
- c'est la méthode comptable qui doit être retenue pour apprécier la valeur locative du bien ;
- le ministre n'établit pas que les biens qu'il exclut du chiffrage du préjudice constitueraient des outillages et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels exonérés de taxe foncière et non des immeubles soumis à cette taxe ; il résulte au contraire que les cuves et bassins des stations d'épuration constituent des immeubles bâtis qui ne sont pas assimilables à des outillages et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels au sens des dispositions du 11° de l'article 1382 du code général des impôts et ne sont donc pas exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties ; le tribunal administratif a omis de statuer sur ce moyen ;
- la valeur initiale de la station d'épuration à retenir est de 31 709 396 euros ; sa valeur locative selon la méthode comptable et compte tenu de la revalorisation qui doit être appliquée, serait de 3 322 676 euros en 2014 ;
- la taxe foncière qui aurait dû être perçue entre 2011 et 2014 s'élève donc à 1 283 924 euros, ce qui correspond à son préjudice.
Par des mémoires en défense enregistrés le 5 avril 2018 et le 6 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- la valeur vénale de l'installation ne devait pas être appréciée selon la méthode comptable dans la mesure où les dépenses de première installation ayant été remboursées en 1996 par le SIEPARG, l'installation ne pouvait plus être regardée comme faisant l'objet d'un contrat de concession et les biens dont la construction a été confiée à la SDA par convention du 26 avril 1985 n'avaient pas à être inscrits à l'actif du bilan de cette société au titre des années en litige ;
- une distinction doit être faite entre les moyens matériels d'exploitation des établissements industriels véritablement intégrés dans un cycle de production exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties au sens du 11° de l'article 1382 du code général des impôts, et les ouvrages de maçonnerie servant de support ou d'accessoire à ces moyens selon les dispositions du 1° de l'article 1381 du code général des impôts ; les cuves et les bassins servant à l'épuration des eaux ne sont pas imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties et ont été exclus à bon droit du chiffrage réalisé par le tribunal administratif.
Par un courrier du 25 février 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le tribunal administratif de Grenoble ayant statué en premier et dernier ressort sur l'action indemnitaire introduite par la commune de Fontanil-Cornillon, en vertu des dispositions combinées du 4° et du 8° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, la cour n'est pas compétente pour statuer sur ces conclusions.
Par un mémoire enregistré le 5 mars 2019, la commune de Fontanil-Cornillon a présenté ses observations au moyen d'ordre public communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 68-1250 modifiée du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la commune de Fontanil-Cornillon ;
Considérant ce qui suit :
1. Par convention de " concession contrôlée " du 26 avril 1985, le syndicat intercommunal d'étude et de programmation pour l'aménagement de l'agglomération grenobloise (SIEPARG), aux droits duquel sont venues la communauté de communes puis la communauté d'agglomération Grenoble-Alpes Métropole, a confié la réalisation et l'exploitation, sur le territoire de la commune de Fontanil-Cornillon d'une station d'épuration, dénommée " Aquapôle ", à un groupement constitué des sociétés OTV et Degremont et dont la qualité de concessionnaire est revenue à la société en nom collectif Dauphinoise d'Assainissement. Au terme convenu de la convention, le 30 juin 2014, la communauté d'agglomération, devenue métropole depuis le 1er janvier 2015, a géré en régie cette installation. Par une demande du 30 décembre 2014, la commune de Fontanil-Cornillon a sollicité auprès des services de l'Etat l'indemnisation du préjudice né de l'absence fautive d'assujettissement et de perception, à l'égard de la station d'épuration " Aquapôle ", des sommes dues au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette demande ayant été implicitement rejetée, la commune de Fontanil-Cornillon a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de 6 058 875 euros, assortie des intérêts au taux légal. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir admis l'engagement de la responsabilité de l'Etat, a limité à 114 979 euros le montant de son préjudice indemnisable. Elle relève appel du jugement en tant qu'il n'a pas fixé à 1 283 924 euros le montant de son préjudice.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Pour fixer le montant du préjudice subi par la commune de Fontanil-Cornillon en retenant la méthode d'appréciation directe de la valeur locative prévue par les dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, le tribunal administratif s'est borné à indiquer qu'il ne résultait pas de l'instruction et des termes de la convention de concession que les bâtiments et biens formant la station d'épuration litigieuse auraient dû être inscrits, au sens des dispositions des articles 1500 et 53 A du code général des impôts et de l'article 393-1 du plan comptable général, à l'actif du bilan de l'exploitant ou du propriétaire. Il s'est ensuite borné à affirmer que la commune ne remettait pas utilement en cause le chiffrage réalisé par l'Etat dans le cadre de la méthode d'appréciation directe.
4. En ne précisant pas les critères d'analyse mis en oeuvre, ni les clauses pertinentes de la convention lui permettant de considérer que les bâtiments et biens litigieux ne devaient pas être inscrits à l'actif du bilan de l'exploitant ou du propriétaire, et en ne se prononçant pas sur le bien-fondé de l'analyse de l'administration quant à l'exclusion de certains biens pour le calcul de la valeur locative, alors que ces deux points faisaient l'objet d'un débat entre les parties, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation. Il suit de là que le jugement doit être annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la commune de Fontanil-Cornillon.
5. Il y a lieu d'évoquer, dans cette mesure, les conclusions de la commune et d'y statuer immédiatement.
Sur la responsabilité de l'Etat :
6. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement. L'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.
7. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. ". Aux termes de l'article 1382 du même code : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les immeubles nationaux, les immeubles régionaux, les immeubles départementaux pour les taxes perçues par les communes et par le département auquel ils appartiennent et les immeubles communaux pour les taxes perçues par les départements et par la commune à laquelle ils appartiennent, lorsqu'ils sont affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus (...) Pour l'application des conditions prévues au 1°, la condition relative à l'absence de production de revenus doit être appréciée au regard de la personne publique au domaine de laquelle l'immeuble doit être incorporé. (...) / 3° Les ouvrages établis pour la distribution d'eau potable et qui appartiennent à des communes rurales ou syndicats de communes ; (...) ".
8. Il résulte de l'instruction que le SIEPARG, auquel s'est substituée une communauté de communes en 1994, devenue communauté d'agglomération en 2000, a délégué l'exploitation de la station d'épuration " Aquapôle " par la convention déjà mentionnée du 26 avril 1985 dont l'article 18, confirmé par l'article 11 de l'avenant n° 19 du 23 septembre 2013, prévoyait que le concessionnaire percevait une surtaxe, s'ajoutant au prix constituant sa rémunération, pour le compte de l'établissement public fixé chaque année par délibération de la personne publique. Ainsi, la station d'épuration " Aquapôle " doit être regardée comme ayant été productive de revenus au sens des dispositions de l'article 1382 du code général des impôts, pour son propriétaire tout au long de l'exécution de la convention. Son propriétaire ne pouvait ainsi bénéficier de l'exonération prévue au 1° de l'article 1382 du code général des impôts. N'étant plus un syndicat de communes depuis 1994, il ne pouvait davantage bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du 3° du même article. Il suit de là que l'Etat aurait dû, à compter de 1994, émettre des rôles en vue de la perception par la commune de la taxe foncière sur les propriétés bâties relative à la station d'épuration dite " Aquapôle ".
9. Il résulte toutefois de l'instruction que la commune, laquelle, en tant que membre du SIEPARG et des établissements publics de coopération intercommunale qui lui ont succédé, disposait de tous les éléments lui permettant de connaître le caractère productif de revenus de la station d'épuration et, par suite, le principe de son assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties, n'en a alerté l'Etat que par courrier du 30 décembre 2014. Elle a ainsi elle-même commis une faute qui exonère l'Etat de sa responsabilité jusqu'à cette date sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription opposée en défense.
10. A l'inverse, à compter de cette date, aucune faute de la commune ne peut être retenue pour exonérer l'Etat de sa responsabilité. A cette date, l'Etat pouvait encore mettre en oeuvre, comme le lui demandait la commune, les dispositions de l'article L. 175 du livre des procédures fiscales, selon lesquelles : " En ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe d'habitation et les taxes annexes établies sur les mêmes bases, les omissions ou les insuffisances d'imposition peuvent être réparées à toute époque lorsqu'elles résultent du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties mentionnées aux articles 1406 et 1502 du code général des impôts. ". Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 1508 du code général des impôts que les rectifications découlant notamment du défaut de déclaration des propriétés bâties font l'objet de rôles particuliers jusqu'à ce que les bases rectifiées soient prises en compte dans les rôles généraux. Les cotisations afférentes à ces rehaussements sont calculées d'après les taux en vigueur pour l'année en cours et sont multipliées par le nombre d'années d'omission, sans pouvoir être plus que quadruplées. Il suit de là que l'Etat aurait pu, en 2015, assujettir la métropole de Grenoble-Alpes Métropole à une cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties d'un montant égal à quatre fois le montant dû au titre de l'année 2014. Faute d'avoir mis en oeuvre les pouvoirs dont il disposait au titre des dispositions de l'article L. 175 du livre des procédures fiscales, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
11. La responsabilité de l'Etat n'étant engagée qu'à compter de l'envoi, le 30 décembre 2014, par la commune de sa demande d'indemnisation à l'Etat, et la commune ayant saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la réparation de son préjudice dès le 25 avril 2015, l'Etat n'est fondé à lui opposer ni les dispositions de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales, selon lesquelles la demande de dommages et intérêts résultant de la faute commise dans le recouvrement de l'impôt ne peut porter que sur une période postérieure au 1er janvier de la deuxième année précédant celle au cours de laquelle l'existence de la créance a été révélée au demandeur, ni les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 en vertu desquelles sont prescrites au profit de l'Etat toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ".
Sur le montant du préjudice :
12. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. (...) / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. (...) ". Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 1500 du même code dans sa version applicable aux années en litige : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / - 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / - 2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites. ". Aux termes de l'article 53 A du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article 302 septies A bis, les contribuables, autres que ceux soumis au régime défini à l'article 50-0, sont tenus de souscrire chaque année, dans les conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration permettant de déterminer et de contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent. (...) ".
13. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, dès lors que le propriétaire ou l'exploitant de bâtiments et de terrains industriels passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est soumis aux obligations déclaratives définies à l'article 53 A du code général des impôts et que ces immobilisations industrielles figurent à l'actif de son bilan, la valeur locative de ces immobilisations est établie selon les règles fixées à l'article 1499 du code. En outre, dans l'hypothèse où l'absence d'inscription des immobilisations industrielles à l'actif du bilan du propriétaire ou de l'exploitant procède d'une méconnaissance, par celui-ci, de ses obligations comptables, l'administration fiscale est fondée, après avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis le redevable de la taxe foncière à même de présenter ses observations, à corriger de cette omission les éléments déclarés en application des dispositions de l'article 53 A du code général des impôts, puis à établir la taxe foncière selon les règles fixées à l'article 1499 du code.
14. Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. ". L'article 393-1, devenu 621-8, du plan comptable général, relatif aux immobilisations faisant l'objet d'une concession de service public ou de travaux publics, prévoit que : " Les biens mis dans la concession par le concédant ou par le concessionnaire sont inscrits à l'actif du bilan de l'entité concessionnaire ". Ces dispositions s'appliquent aux contrats de délégation de service public mettant à la charge du délégataire les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, notamment les investissements de premier établissement.
15. En l'espèce, l'objet de la " convention de concession contrôlée " conclue entre le SIEPARG et le groupement constitué des sociétés OTV et Degremont, auquel s'est ensuite substituée la société en nom collectif Dauphinoise d'Assainissement, était, en vertu de son article 1er, la construction et la gestion de la station d'épuration des eaux usées de l'agglomération grenobloise avec une prise en charge financière partagée entre les deux parties au contrat, le concédant en assurant une part légèrement supérieure à 50 %, le concessionnaire pouvant toutefois être amené à lui consentir des avances dans la limite de 20 % de cette part de financement (article 15 de la convention). Il résulte de l'instruction que, conformément aux stipulations de cette convention, les installations initiales de la station ont ainsi été construites par le concessionnaire. L'article 27 de la convention initiale ayant prévu que le concédant pourrait rembourser la part de financement mise à la charge du concessionnaire avant la fin de la durée de la convention, quitte à en diminuer la durée, la communauté d'agglomération grenobloise a fait usage de cette faculté par un avenant n° 10 du 31 mai 1996, par lequel elle a remboursé au concessionnaire le montant des investissements de premier établissement réalisés, et, sans réduire la durée de la convention, a revu la rémunération de l'exploitant à la baisse. En 2006, des ouvrages complémentaires ont été réalisés par le concessionnaire, qui les a financés, là encore temporairement, un avenant du 14 septembre 2007 ayant autorisé leur remboursement par la communauté d'agglomération Grenoble-Alpes Métropole.
16. Il résulte des éléments rappelés ci-dessus que le contrat prévoyait dès l'origine que la plus grande partie des investissements de première installation devait rester à la charge du syndicat intercommunal délégant, et que dès 1996, le concessionnaire s'est trouvé remboursé du surplus des investissements réalisés. A compter de cette date, il a exploité l'ouvrage sans avoir à amortir la part des investissements de premier établissement qu'il avait initialement financés. La circonstance qu'il a également, temporairement, supporté la charge de la réalisation de nouveaux ouvrages en 2006, dont les parties ne précisent d'ailleurs pas la nature et l'importance et qui lui ont été remboursés en 2007, n'est pas de nature à invalider le constat qu'à compter de 1996, le concessionnaire ne pouvait être regardé comme ayant eu à sa charge les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public et comme ayant dû, par suite, les inscrire à l'actif de son bilan en application des dispositions précitées de l'article 393-1, devenu 621-8, du plan comptable général.
17. Il suit de là que, pour calculer le préjudice subi par la commune de Fontanil-Cornillon tenant au défaut de perception de la taxe foncière sur les propriétés bâties, celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'il conviendrait de calculer la valeur locative de la station d'épuration litigieuse par application de la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts. Il y a donc lieu, s'agissant d'un établissement industriel, de calculer le préjudice subi par la commune en retenant la méthode d'appréciation directe prévue au 3° de l'article 1498 du code général des impôts.
18. A cet égard, la commune ne conteste le calcul de l'Etat qu'en tant qu'il a exclu certaines installations comme ne devant pas être assujetties au motif qu'elles pourraient bénéficier de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts.
19. En vertu de l'article 1380 du code général des impôts déjà cité au point 9, la taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du même code. Aux termes de l'article 1381 dudit code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; (...). " Aux termes de l'article 1382 : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ; ".
20. Ainsi que le soutient le ministre, le redevable de la taxe foncière sur les propriétés bâties en litige aurait pu, s'il avait été assujetti à la taxe foncière sur les propriétés bâties, invoquer, en vue de réduire l'assiette de cette imposition, la documentation administrative de base n° 6-C-112, reprise au paragraphe 40 du Bulletin officiel des finances publiques publié sous la référence BOI-IF-TFB-10-10-20, selon laquelle : " Les installations appartenant à des entreprises privées sont passibles de la taxe. / Cependant, sont exclus du champ d'application de la taxe foncière sur les propriétés bâties les installations assimilées à des outillages (article. 1382-11° du CGI). / Il convient, dans ces conditions, de ne pas soumettre à la taxe les cuves et bassins servant à l'épuration de l'eau. La même solution est applicable à l'égard des entreprises industrielles qui traitent elles-mêmes leurs effluents. ". Il suit de là que le préjudice correspondant à la taxe foncière sur les propriétés bâties due à raison des cuves et bassins doit être regardé comme éventuel et, par suite, non indemnisable. Par suite, le montant de ces installations, à savoir, en l'espèce, les décanteurs lamellaires et épaississeurs, représentant la somme de 55 515 500 Francs (8 463 283 euros), doit être déduit du montant initial des installations, figurant au contrat initial, à savoir 208 000 000 Francs (31 709 396 euros). Il convient donc de prendre en compte la somme de 23 246 113 euros comme prix de revient servant à déterminer la valeur locative de l'installation, puis son revenu cadastral servant d'assiette à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
21. La commune ne critiquant pas, pour le reste, les modalités du calcul effectué par l'Etat, il convient d'appliquer les mêmes conversions, abattements et taux à ce prix de revient, en vue de déterminer le revenu cadastral à prendre en compte pour déterminer le montant d'imposition qui en serait résulté pour l'année 2014, qui sont détaillés dans le tableau ci-dessous :
Valeur vénale 198523 246 113 € prix de revient 19706 132 068,18 €(indices INSEE)Valeur vénale 1970 2 452 827,27 € (art. 324 AC annexe III CGI)après abattement 60%Taux d'intérêt0,06(6 %)valeur locative 1970147 169,64 € revenu cadastral444 746,64 €(coef art. 1518 et 1518 bis CGI)Montant de TFPB en 201487 659,56 €(taux communal d'imposition de 19,71 %)
22. Ainsi que cela résulte de ce qui a été dit au paragraphe 10 ci-dessus, il sera fait une exacte appréciation du préjudice de la commune en le fixant à quatre fois le montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties qui était due au titre de l'année 2014, soit une somme de 350 638,26 euros, dont il convient toutefois de déduire la somme de 7 012,77 euros correspondant à 2 % du montant de la taxe et que l'Etat aurait perçue en contrepartie des frais de dégrèvement et de non-valeurs qu'il prend à sa charge, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 1641 du code général des impôts. Ainsi, le préjudice subi par la commune s'établit à la somme de 343 625,49 euros.
23. Ayant obtenu la somme de 114 979 euros en première instance, la commune est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme complémentaire de 228 646,49 euros au titre de la réparation de son préjudice, somme assortie des intérêts au taux légal à compter, comme elle le demande, de l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif, soit le 29 avril 2015.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1502698 du 13 juillet 2017 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à la commune de Fontanil-Cornillon la somme complémentaire de 228 646,49 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2015.
Article 3 : L'Etat versera à la commune de Fontanil-Cornillon la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Fontanil-Cornillon est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fontanil-Cornillon et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 23 avril 2019.
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N° 17LY03413
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