Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009, des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1503557 du 30 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2017, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 octobre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. D... soutient que :
- la procédure est irrégulière en l'absence de débat contradictoire suffisant, le seul échange intervenu dans le cours de la procédure de contrôle se résumant à un entretien en date du 14 septembre 2010 ;
- l'administration a adressé à tort les actes de la procédure au siège de la société Ekotop et non à son adresse personnelle qu'elle connaissait pourtant pour lui avoir adressé des déclarations pré-remplies de revenus ;
- le fait que le vérificateur s'est refusé à tout débat avec lui lors de l'entretien est révélé par le fait que l'administration fiscale lui a proposé de tenir un nouvel entretien dès le 1er octobre 2010 ;
- faute de notification régulière de la demande d'éclaircissement, la procédure de taxation d'office ne peut être regardée comme régulière ;
- faute de notification régulière de la proposition de rectification, la prescription n'a pas été interrompue à son encontre ;
- il n'était pas l'utilisateur du compte bancaire ouvert à son nom, à son insu, par ses parents et l'administration avait les moyens d'identifier les émetteurs des chèques autres que émis par la SARL Ekotop ;
- il lui est impossible d'établir la provenance des dépôts d'espèces et la simple détention de valeur ne constitue pas un enrichissement imposable ;
- le rehaussement correspondant aux chèques émis par la SARL Ekotop en 2008 mérite d'être explicité car celle-ci a fait l'objet par la suite d'une procédure de liquidation judiciaire ;
- les sommes imposées comme traitements et salaires ont été imposées sur la base d'un article générique alors que, provenant de son activité exercée dans le canton de Genève, elles étaient soumises à un régime d'imposition particulier.
Par un mémoire en défense enregistrés le 2 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle impose seulement à la procédure de revêtir un caractère contradictoire ;
- tous les courriers adressés à M. D... au cours de la procédure lui ont été adressés à la seule adresse connue du service à Thonon-les-Bains, indiquée par le contribuable en 2009 et en 2010, et non au siège social de la société Ekotop ; les plis adressés jusqu'au 1er octobre 2010 ont été retournés au service avec la mention " non réclamé " et ceux adressés après cette date avec la mention " boite non identifiable " ; ce n'est que le 14 juin 2011 que M. D... a indiqué avoir quitté l'adresse de Thonon-les-Bains ; il s'est par ailleurs rendu à une convocation de l'administration fiscale en septembre 2010, ce qui prouve que les plis envoyés par courrier simple, qui doublaient les envois par recommandés, ont bien été réceptionnés ;
- lorsque le contribuable n'a pas pu être atteint par le pli envoyé par l'administration fiscale du fait de son propre comportement, la notification dudit pli doit être regardée comme ayant été régulière ;
- les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure et de la prescription doivent donc être écartés ;
- il ne prouve pas que les revenus provenant de la SARL Ekotop dont il était gérant et salarié et qu'il n'a pas déclarés ne seraient pas des revenus distribués ; il en va de même des chèques qu'il a encaissés alors qu'ils étaient libellés à l'ordre de cette société ;
- il n'établit pas avoir déjà été détenteur des espèces déposés sur ses comptes bancaires et imposés comme revenus d'origine indéterminée ni que certaines sommes, encaissées avant septembre 2008, pourraient correspondre à des salaires d'origine suisse non déclarés alors qu'il n'a exercé une activité salariée en suisse que de septembre 2008 à juin 2009 ;
- ses salaires suisses ayant fait l'objet d'une retenue à la source sur les salaires, le vérificateur a fait application du mécanisme du crédit d'impôt prévu par la convention fiscale franco-suisse ; le taux effectif invoqué par le requérant n'est pas applicable dans une telle situation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2007, 2008 et 2009, à l'issue duquel l'administration lui a notifié notamment, selon la procédure de taxation d'office, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des revenus d'origine indéterminée par proposition de rectification du 10 décembre 2010. Elle a également notifié au requérant, selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des revenus de capitaux mobiliers par proposition de rectification du 18 avril 2011. Par une réclamation du 28 avril 2013, M. D... a contesté ces rehaussements. Sa réclamation a été rejetée par l'administration par une décision du 20 avril 2015. M. D... a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Pour contester la régularité de l'ensemble de la procédure et notamment celle de la procédure de taxation d'office, M. D... soutient que l'administration ne lui a pas valablement notifié les différents actes de procédure depuis l'avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle jusqu'aux propositions de rectification.
3. Il résulte de l'instruction que l'avis d'examen de la situation personnelle de M. D... lui a été envoyé le 30 juin 2010 à l'adresse qu'il avait indiquée à l'administration dans ses déclarations de revenus des années 2008 et 2010, produites en appel par l'administration, dans lesquelles il précisait avoir emménagé, 3 chemin des Mésanges à Thonon-les-Bains à compter du 1er janvier 2009 et jusqu'au 1er octobre 2010. Les chèques produits par le requérant en première instance, qui le font apparaitre comme en étant l'émetteur, contrairement à ce qu'il soutient, et qui ont été émis en 2007 et en 2008, font d'ailleurs également apparaitre l'adresse 3 chemin des Mésanges à Thonon-les-Bains. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le pli du 30 juin 2010 est revenu à l'administration avec la mention " non réclamé ". L'administration a alors envoyé une nouvelle fois ce courrier, par courrier simple et recommandé le 23 août 2010 et il est constant que M. D... s'est présenté à l'entretien auquel il avait été convoqué le 14 septembre 2010 par ledit courrier, ce dont il doit nécessairement être déduit qu'il avait au moins reçu le courrier simple. Par la suite, et jusqu'au 1er octobre 2010, les plis adressés par l'administration à M. D... lui sont toujours revenus comme n'ayant pas été réclamés par le destinataire pourtant avisé, sans qu'aucune erreur dans l'adresse du destinataire ne soit mentionnée. A l'inverse, à compter du 1er octobre 2010, les plis recommandés, en particulier les deux propositions de rectification émises par l'administration les 10 décembre 2010 et 18 avril 2011, sont revenus à l'administration avec la mention " boite non identifiable " ou " destinataire non identifiable ". Il ne résulte enfin d'aucune pièce produite que l'adresse, 3 chemin des Mésanges à Thonon-les-Bains aurait été celle de la société Ekotop.
4. Il doit être déduit de ce qui précède que l'administration a initié la procédure litigieuse par l'envoi d'un courrier à l'adresse qui était alors bien celle de M. D... et les plis revenus avec la mention " non réclamé " doivent être regardés comme lui ayant, dès lors, été régulièrement notifiés. Il appartenait ainsi à M. D..., qui était au demeurant informé de la procédure le concernant, s'étant rendu à un entretien auquel l'invitait l'administration fiscale dans l'avis d'examen de sa situation fiscale personnelle, d'informer l'administration de son changement d'adresse à compter du 1er octobre 2010 ou de faire suivre son courrier. Il suit de là que la circonstance qu'il n'aurait pas été informé de la notification de certains plis, dont quatre l'invitaient à des entretiens avec l'administration, étant imputable à son seul comportement, il ne peut s'en prévaloir, ni pour soutenir que la procédure aurait méconnu les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales faute d'avoir été suffisamment contradictoire, ni pour soutenir qu'à défaut de demande d'éclaircissements et de justifications lui étant parvenue en méconnaissance des articles L. 16 et L. 69 du même livre, la procédure de taxation d'office ne pouvait être mise en oeuvre pour ses revenus d'origine indéterminée, ni encore pour soutenir que les propositions de rectification qui lui ont été notifiées n'auraient pas interrompu le délai imparti à l'administration par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales pour exercer son droit de reprise. L'ensemble des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit ainsi être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant des revenus d'origine indéterminée :
5. Aux termes des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
6. S'agissant des années 2007 et 2008, M. D... a été taxé d'office concernant les revenus d'origine indéterminée sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales en raison de l'absence de réponse aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales. Ainsi qu'il a été dit au paragraphe 4, l'ensemble des plis adressés à M. D... doit être regardé comme lui ayant été régulièrement notifié par l'administration, et notamment le pli contenant la demande d'éclaircissements du 1er octobre 2010. Dès lors, l'administration a régulièrement pu mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office faute de réponse de M. D... à cette demande. Il appartient ainsi à ce dernier d'apporter la preuve de l'exagération des bases retenues pour son imposition.
7. En se bornant à affirmer sans aucune précision, d'une part, que les dépôts d'espèces constatés sur ses comptes bancaires proviennent de versements d'espèces qu'il aurait détenus préalablement, ce qui ne permettrait pas d'en inférer son enrichissement personnel, d'autre part, qu'il est étonnant que le service n'ait pas été en mesure d'identifier l'identité des émetteurs des chèques encaissés, et enfin qu'il était travailleur frontalier en 2008, il n'apporte aucun commencement de preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.
S'agissant des revenus de capitaux mobiliers :
8. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".
9. Aux termes des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".
10. Ainsi qu'il a déjà été dit, la circonstance que les courriers qui lui ont été adressés par l'administration à partir de la fin de l'année 2010 ne l'ont pas été à sa nouvelle adresse est imputable à son seul comportement. Dès lors, lesdites notifications doivent être regardées comme régulières. M. D... n'ayant pas présenté d'observations dans les trente jours qui lui étaient impartis par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales suivant la réception des propositions de rectification du 10 décembre 2010 et du 18 avril 2011, il doit être regardé comme ayant accepté les rectifications envisagées. Il lui incombe, par suite, d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses mises à sa charge.
11. Si M. D... soutient que les comptes sur lesquels ont été opérés des mouvements bancaires et qui ont fait l'objet d'un examen par l'administration fiscale ont été ouverts par ses parents en son nom et à son insu et que ceux-ci l'ont désigné gérant de la SARL Ekotop, également à son insu, il n'apporte pas le moindre commencement de preuve en ce sens ni n'assortit cette allégation de la moindre précision. Le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas perçu les sommes figurant sur le compte bancaire en cause doit, dès lors être écarté.
12. En se bornant, pour le reste, à affirmer, que ces frais pourraient correspondre à des remboursements de frais ou à des prélèvements sur compte courant et que le rehaussement correspondant aux chèques émis par la SARL Ekotop en 2008 " mérite d'être explicité " car celle-ci a fait l'objet par la suite d'une procédure de liquidation judiciaire, il n'apporte aucun commencement de preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.
S'agissant des traitements et salaires :
13. Si M. D... soutient que les rémunérations perçues en tant que travailleur frontalier dans le canton de Genève n'ont pas été imposées au régime du taux effectif, ce moyen n'est pas plus qu'en première instance assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
14. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 7 mai 2019.
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N° 17LY04298
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