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07/05/2019 | FRANCE | N°18LY00332

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 07 mai 2019, 18LY00332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société SC Attilegno SRL a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2009 au 31 janvier 2012 et des pénalités correspondantes, ainsi que la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie a

u titre de l'année 2011 pour un montant de 5 547 euros et des pénalités correspondan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société SC Attilegno SRL a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2009 au 31 janvier 2012 et des pénalités correspondantes, ainsi que la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 pour un montant de 5 547 euros et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1505383 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2018 la société SC Attilegno SRL, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 novembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme dont elle indiquera le montant avant l'audience, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, le tribunal ayant omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration supportait la charge de la preuve du bien-fondé des redressements en raison de son refus, exprimé en temps utile ;

- le jugement est irrégulier, le tribunal ayant omis de répondre au moyen tiré de ce que, étant assujettie à l'impôt sur les bénéfices en Roumanie, elle doit être considérée comme assujettie à cet impôt au sens de la convention fiscale franco-roumaine et, par voie de conséquence, comme un " résident " de cet Etat pour l'application de cette convention ;

- le jugement est irrégulier, le tribunal ayant omis de répondre au moyen tiré de ce que, en l'absence d'établissement stable en France, elle n'était pas passible de la retenue à la source ;

- en vertu du principe de primauté du droit conventionnel sur le droit interne, la convention signée entre la France et la Roumanie fournissant une définition et des critères de qualification de l'établissement stable, ce sont cette définition et ces critères qui doivent prévaloir sur ceux retenus par la jurisprudence en droit interne en l'absence de convention ;

- elle n'a pas d'établissement stable en France au sens de la convention franco-roumaine du 27 septembre 2014 ;

- étant assujettie à l'impôt sur les bénéfices en Roumanie, elle doit être considérée comme assujettie à cet impôt au sens de la convention fiscale franco-roumaine et, par voie de conséquence, comme un " résident " de cet Etat pour l'application de cette convention ;

- la direction de la société Attilegno SRL était, au titre de la période litigieuse, exercée en Roumanie à partir du siège de la société situé en Roumanie ;

- aucun des chantiers de construction pour lesquels elle est intervenue en France sur la période n'ayant dépassé une durée de douze mois, ils ne peuvent constituer un établissement stable au sens de l'article 5 2 g de la convention ;

- au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne disposait pas d'un établissement stable en France qui serait caractérisé par la disposition personnelle et permanente d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à son activité ;

- la proposition de rectification notifiée le 26 juin 2014 est intervenue, s'agissant des impositions dues au titre des années 2009 et 2010, après l'expiration du délai général de reprise, seul applicable en l'espèce ;

- les frais exposés en première instance et non compris dans les dépens doivent lui être remboursés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés ;

- dans l'hypothèse où la cour considérerait que la société n'est pas établie en France au sens de l'article 259 du code général des impôts, les prestations qu'elle y réalise devraient néanmoins y être imposées sur le fondement du 2° de l'article 259 A du même code, base légale qui devrait alors être substituée à la base initialement retenue.

Par ordonnance du 7 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 23 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention fiscale conclue le 27 septembre 1974 entre la France et la Roumanie ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société SC Attilegno SRL, société de droit roumain, a contesté devant le tribunal administratif de Grenoble les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2009 au 31 janvier 2012 et les rappels de retenue à la source qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2011, ainsi que les majorations correspondantes. Elle relève appel du jugement du 23 novembre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Devant les premiers juges, l'administration avait indiqué que la société supportait la charge de la preuve pour avoir tacitement accepté les redressements. En réponse à ce moyen de défense, la société a développé une argumentation tendant à démontrer qu'elle avait, au contraire, contesté les rectifications dont elle faisait l'objet. Le tribunal, qui s'est prononcé sur le principe de l'imposition sans faire reposer sur la société la charge de la preuve, et sans faire droit à l'argumentation invoquée par l'administration en défense, a pu sans irrégularité prendre sa décision sans prendre explicitement parti sur la réplique opposée au moyen de défense développé par l'administration dès lors qu'il ne s'appuyait pas sur ce moyen de défense.

3. L'administration a également développé, dans le mémoire en défense qu'elle a produit devant les premiers juges, une argumentation fondée sur la décision du Conseil d'Etat du 9 novembre 2015 n° 371132 et n° 370054, et tirée de ce que les stipulations des conventions fiscales, qui définissent la notion de résident d'un Etat contractant en recourant au critère d'assujettissement à l'impôt dans cet Etat excluent que les personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt par la loi de l'Etat concerné " à raison de leur nature ou de leur activité " puissent être regardées comme assujetties au sens de ces stipulations et puissent, par suite, recevoir la qualification de résidents. En réponse à cette argumentation, la société a, répliquant au mémoire en défense, fait valoir qu'elle était effectivement soumise à l'impôt en Roumanie. Il ne s'agissait que d'un moyen opposé à l'argumentation en défense de l'administration. Le tribunal n'a pas fondé sa décision sur l'argumentation qui lui était proposée par l'administration et ne s'est pas fondé, pour écarter les prétentions de la société, sur le fait qu'elle ne pouvait être regardée comme résidente roumaine faute d'être imposée en Roumanie. Il n'était, dès lors, pas tenu de prendre parti sur les éléments énoncés par la société pour répondre au moyen de défense invoqué par l'administration et sa décision n'est affectée d'aucune irrégularité sur ce point.

4. Enfin, le tribunal a indiqué, dans la partie du jugement qu'il a consacrée au principe de l'imposition de la société appelante à l'impôt sur les sociétés les raisons pour lesquelles il considérait qu'elle y avait en France un établissement stable. Il n'avait pas à réitérer pour la retenue à la source les explications apportées dans le jugement concernant la présence d'un établissement stable en France.

5. Il résulte de ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier pour avoir omis de se prononcer sur des moyens articulés devant le tribunal.

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt en France :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

6. L'article 209 du code général des impôts dispose : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...). ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

7. Il résulte de l'instruction que la société SC Attilegno SRL, société de droit roumain, a développé, au cours des années en litige, une activité dans le secteur de la charpente et de la menuiserie, son principal client étant la SARL Les charpentiers de l'épine. Elle a délivré à ce client français une facture par mois, ainsi que cela ressort des documents annexés à la proposition de rectification, correspondant à une prestation de sous-traitance exercée sur des chantiers situés aux environs de Courchevel ou de Pontcharra. Il résulte également de l'instruction que des achats d'outillage étaient faits en France, par son donneur d'ordre, pour le compte de la société. Les contrats de sous-traitance imposaient à la société appelante de trouver un logement proche du chantier pour son personnel, la société ayant ainsi été amenée à supporter des frais de location, de nettoyage ou d'abonnement EDF à Pontcharra, ville où se situe le siège de la SARL Les charpentiers de l'Epine, et à Courchevel. La société appelante procurait ainsi de manière permanente et continue un hébergement sur le territoire français à ses salariés au cours de la période en litige. La société disposait ainsi en France, tout au long de la période, de moyens humains et matériels d'exploitation. L'exercice de l'assistance administrative internationale auprès de la Roumanie a fait apparaître que tous les chiffres d'affaires déclarés par la société dans ce pays concernent des biens et services exécutés à l'extérieur de la Roumanie, et que le chiffre d'affaires réalisé en France représente l'intégralité du chiffre d'affaires déclaré en 2009 et était supérieur au chiffre d'affaires déclaré par la société en Roumanie en 2010 et 2011. Les autorités roumaines ont également indiqué que l'adresse du siège social ne correspondait à aucun bureau, les locaux en cause étant des appartements, l'adresse apparaissant ainsi correspondre à une simple domiciliation. S'il est indiqué par la société que les actes de gestion courante étaient effectués en Roumanie, il n'est pas même soutenu que le pouvoir de direction était exercé depuis ce pays. Le seul document produit concernant du personnel en Roumanie porte sur une personne présentée comme étant la secrétaire de M. B..., dirigeant de la société et se borne à mentionner une période comprise entre mai 2009 et avril 2010. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'au cours de la période en litige, la société appelante, qui intervenait continûment sur des chantiers en France, supervisés sur place par M. B..., disposait ainsi d'un établissement autonome en France et doit être regardée comme une entreprise exploitée en France, au sens et pour l'application des dispositions précitées du I. de l'article 209 du code général des impôts, ce qui justifie l'imposition de ses bénéfices en France.

8. Aux termes de l'article 5 de la convention fiscale franco-roumaine du 27 septembre 1974 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression "établissement stable" comprend notamment : a) Un siège de direction ; b) Une succursale ; c) Un bureau (...) g) Un chantier de montage dont la durée dépasse douze mois, ou un chantier de construction dont la durée dépasse dix-huit mois. ". L'article 7, relatif aux bénéfices des entreprises, de cette même convention précise que : " 1. les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) ". Il résulte de ces stipulations que, pour avoir un établissement stable sur le territoire de l'un des Etats contractants, une entreprise doit, soit y disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement sur ce territoire, en droit ou en fait, des pouvoirs lui permettant d'engager l'entreprise dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de l'entreprise.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, la société appelante doit être regardée comme disposant en France d'une installation fixe d'affaires au sens des stipulations des articles 5 et 7 de la convention fiscale franco-roumaine, et par suite, d'un établissement stable au sens de ladite convention, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si la durée de chantiers sur lesquelles elle intervenait excédait ou pas dix-huit mois. Par suite, conformément aux stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-roumaine, les revenus de la société Attilegno SRL tirés de l'activité de son établissement stable en France devaient être imposés en France au titre de l'impôt sur les sociétés. Si la société fait valoir qu'elle a été imposée en Roumanie, aucun principe général n'impose à la France de renoncer pour ce motif à imposer ces résultats dans le respect des stipulations de la convention fiscale franco-roumaine du 27 septembre 1974. La société n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle doit être, pour ce motif, déchargée des suppléments d'impôt mis à sa charge au titre de l'ensemble de la période en litige.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

10. Il résulte des termes de la proposition de rectification que l'administration a soumis à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée l'activité de sous-traitance exercée par la société SC Attilegno SRL, qui constitue une prestation de service.

S'agissant de la période allant du 1er mars au 31 décembre 2009 :

11. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. ".

12. Pour l'application de ces dispositions, qui résultent de la transposition en droit interne de l'article 9 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (C-168/84, points 17 et 18) et ARO Lease BV du 17 juillet 1997 (C-190/95, points 15 et 16), de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présentant un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées.

13. En l'espèce, pour les motifs exposés ci-dessus, le rattachement au siège roumain de la société de l'activité de sous-traitance exercée par la société appelante, à partir duquel cette activité économique n'est pas exercée, conduit à une solution qui n'est pas rationnelle du point de vue fiscal. En revanche, il résulte de ce qui a été dit plus haut que la société appelante a un établissement stable en France à partir duquel ses services ont été rendus au sens des dispositions précitées de l'article 259 du code général des impôts dès lors que cet établissement présentait un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé qu'au regard des principes régissant la territorialité de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, la société requérante disposait d'un établissement stable en France et qu'il y avait lieu d'y rattacher les prestations de services en cause.

S'agissant de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2012 :

14. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ". Au sens et pour l'application de ces dispositions, le preneur s'entend de la personne qui est le bénéficiaire effectif de la prestation de services.

15. Il résulte de l'instruction que le preneur des prestations de service rendues par la société appelante était, pour l'essentiel la société Les Charpentiers de l'Epine, dont le siège était à Pontcharra et dont il n'est pas contesté qu'il s'agissait d'un assujetti agissant en tant que tel et qu'elle avait le siège de son activité économique en France. Il n'est pas contesté que les sociétés Iso Bat et SNG, dont le siège est à Sainte Hélène sur Isère, preneuses de trois autres prestations facturées, remplissaient également ces conditions, Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assujetti ces prestations à la taxe sur la valeur ajoutée en France.

16. Les énonciations de l'instruction administrative invoquée par la société appelante ne donnent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle qui vient d'être donnée. La requérante n'est, dès lors pas, fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur la retenue à la source :

17. Il résulte des dispositions combinées du 1 de l'article 115 quinquies et des articles 119 bis et 187 du code général des impôts que les bénéfices réalisés en France par des personnes morales étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile réel ou leur siège social en France et donnent lieu à l'application d'une retenue à la source. Cette retenue est due du simple fait que la société étrangère a réalisé des bénéfices en France, sous réserve de la possibilité, que lui ouvre le 2 de l'article 115 quinquies, de combattre la présomption établie par le 1 du même article. Il en résulte que la société appelante était en principe passible de la retenue à la source au titre des bénéfices qu'elle a réalisés en France réalisés au cours des exercices clos de 2009 à 2011. Si la société, qui ne soutient pas qu'elle aurait été déficitaire, indique que, en l'absence d'établissements stable, les stipulations de la convention franco-roumaine feraient obstacle à cette imposition, il résulte de ce qui a été exposé aux points précédents que ce moyen doit être écarté.

Sur l'expiration du délai de reprise pour les années 2009 et 2010, en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée :

18. Les articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales prévoient, pour l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée respectivement, que le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, par exception à la règle de droit commun, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due lorsque le contribuable exerce une activité occulte. Ils précisent que l'activité occulte " est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

19. Il est constant que la société appelante n'a, en dépit des mises en demeures qui lui ont été adressées, déposé au titre des exercices litigieux aucune des déclarations qu'elle était tenue de souscrire en matière d'impôt sur les sociétés du fait de son activité imposable en France à raison de son établissement stable et n'a pas davantage souscrit de déclaration en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, elle n'a pas fait connaître l'exercice de son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, si elle soutient qu'elle n'avait pas à souscrire de déclarations particulières auprès de l'administration fiscale française, elle ne fait pas valoir qu'elle aurait satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France. Dès lors, l'administration pouvait exercer son droit de reprise dans le délai de dix années prévu par les dispositions précitées de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales. En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, si la société appelante soutient qu'elle n'avait pas à souscrire de déclarations particulières auprès de l'administration fiscale française, elle n'apporte aucun élément permettant de justifier de ce qu'elle aurait satisfait à ses obligations au titre de l'exercice clos en 2009. S'agissant de l'exercice clos en 2010, la production, en première instance, d'un document intitulé " contul de profit si pierdere " faisant apparaître la date du 30 juin 2011, signé par M. B... et revêtu du cachet d'un expert comptable ne démontre pas par elle-même que la société se serait acquittée de ses obligations déclaratives et fiscales. Dès lors, l'administration pouvait exercer son droit de reprise dans le délai de dix années prévu par les dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

20. Le pli contenant la proposition de rectification du 23 juin 2014 adressée à la société SC Attilegno SRL a été notifié à celle-ci avant l'expiration du délai spécial de reprise de dix années trouvant à s'appliquer en l'espèce. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le délai de reprise de l'administration fiscale avait alors expiré pour les années 2009 et 2010 et la période correspondante.

21. Il résulte de ce qui précède que la société SC Attilegno SRL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société appelante la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SC Attilegno SRL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SC Attilegno SRL et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 mai 2019.

N° 18LY00332

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00332
Date de la décision : 07/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DE LA CHAPELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-07;18ly00332 ?
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