Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 mai 2018 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1804605 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 3 mai 2018 et enjoint au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la cour
I. Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2018 sous le n° 18LY04386, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... épouse C... devant le tribunal administratif de Lyon.
Le préfet soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a estimé que la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien dont se prévaut l'intéressée excluent explicitement la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " aux catégories d'étrangers qui ouvrent droit au regroupement familial dans lesquelles elle entre ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantissent pas à un étranger le droit de choisir librement le lieu d'implantation de leur vie privée et familiale ;
- la demande de régularisation a été formulée sur le fondement de dispositions qui ne lui sont pas applicables ;
- à l'occasion de l'une de ses demandes de visas, l'intéressée a déclaré un autre hébergeant que son époux ;
- l'intéressée dont le séjour sur le territoire français est récent ne démontre aucune insertion sur le territoire français, ni ne justifie d'une vie privée et familiale durablement ancrée et la majorité des membres de la famille du couple se trouve en Algérie.
II. Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2018 sous le n° 18LY04387, le préfet du Rhône demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Les procédures ont été régulièrement communiquées à Mme A... épouse C... qui n'a produit aucune observation.
Mme B... A... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse C..., ressortissante algérienne, née en 1992, mariée depuis 2012 à un ressortissant algérien titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2020 et mère de deux enfants nés respectivement en janvier 2014 à Médéa (Algérie) et le 27 octobre 2016 à Feyzin (Rhône), a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 mai 2018, le préfet a rejeté sa demande d'admission au séjour, abrogé le récépissé de demande de titre de séjour dont elle était munie et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par un jugement du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 3 mai 2018 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C... née A... et l'obligeant à quitter le territoire français et a enjoint au préfet de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Les requêtes n° 18LY04386 et n° 18LY04387 par lesquelles le préfet relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 18LY04386 :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
1. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédents ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de son refus (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
2. Pour annuler la décision du préfet du Rhône refusant de délivrer à Mme A... épouse C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", le tribunal administratif de Lyon a relevé qu'en dépit du caractère récent de son entrée en France, elle résidait avec son époux, titulaire d'une carte de résident et leurs deux enfants et a jugé qu'eu égard à la stabilité de la relation du couple, à la présence de très jeunes enfants et à la durée du titre de séjour dont bénéficie son conjoint, qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet avait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse C... a séjourné en France sous couvert d'un visa de court séjour de 90 jours jusqu'au 15 décembre 2014, date mentionnée sur son passeport comme étant celle de sa sortie du territoire français, si bien qu'elle n'est pas arrivée en France pour la dernière fois le 22 février 2014, comme elle l'a soutenu. Il est constant qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans en exerçant une activité professionnelle, où résident ses parents et ses cinq frères et soeurs et où est né son premier enfant en 2014 deux ans après son mariage. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, au caractère récent et non durablement ancrée de sa vie privée et familiale en France, le préfet du Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de l'admettre au séjour. Celui-ci est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision de refus.
4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... épouse C... devant le tribunal administratif de Lyon.
En ce qui concerne les autres moyens :
5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
6. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment évoqués quant à l'absence de vie privée et familiale durablement ancrée en France et alors qu'il n'est pas contesté que la cellule familiale pourrait temporairement se reconstituer en Algérie, le préfet du Rhône a pu refuser de délivrer à Mme A... épouse C... un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sans méconnaître les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
7. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressée relèverait d'une catégorie d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, en décidant d'assortir son refus d'admission au séjour, d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 3 mai 2018 refusant d'admettre au séjour Mme A... épouse C..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Sur la requête n° 18LY04387 :
9. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête n° 18LY04386 du préfet du Rhône tendant à l'annulation du jugement attaqué, la requête n° 18LY04387 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... épouse C... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18LY04387.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... A... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme D..., présidente-assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique le 19 novembre 2019.
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N° 18LY04386,18LY04387