Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Les Chalets de l'Arc a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011, 2012 et 2013, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2013, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1704489 du 4 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2019, la SAS Les Chalets de l'Arc, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Les Chalets de l'Arc soutient que :
- les impositions en litige ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que sa comptabilité n'est pas tenue au moyen d'un système informatisé au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, ni au sens de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-60-10-10-20141118 et du BOI BIC-DECLA-30-10-20-40-20131213 ;
- elle n'a pas été mise à même d'exercer librement les options prévues par l'article L. 47 A, II du livre des procédures fiscales ; la jurisprudence et la doctrine administrative, en particulier le § 120 du BOI-CF-IOR-60-40-30-20131213, imposent une information suffisante du contribuable lui permettant d'exercer son choix ;
- elle a été insuffisamment informée de la nature des traitements informatiques envisagés par l'administration ;
- ces irrégularités substantielles impliquent nécessairement la décharge des impositions qui lui ont été notifiées ainsi que des intérêts de retard et des pénalités.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- les conclusions de Mme G..., rapporteure publique,
- et les observations de Me C..., représentant la SAS Les Chalets de l'Arc ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Les Chalets de l'Arc, qui exploite dans la station Arc 2000 un restaurant et un snack avec ventes à emporter ou à consommer sur place, a fait l'objet d'un contrôle inopiné, le 12 juillet 2013, suivi de deux vérifications de comptabilité portant l'une sur la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 mai 2013, et l'autre sur la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013, prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 28 février 2014. A l'issue de ces contrôles, la vérificatrice, après avoir écarté la comptabilité comme irrégulière et non probante, a reconstitué ses recettes. En conséquence du rehaussement de ses chiffres d'affaires et de ses résultats imposables, l'administration l'a assujettie, suivant la procédure contradictoire, à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010, 2011, 2012 et 2013 et lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2013. Ces impositions ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. La SAS Les Chalets de l'Arc relève appel du jugement du 4 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. ". Aux termes du I de l'article L. 47 A du même livre : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. ". Doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens de ces dispositions, dont les données sont soumises au contrôle qu'elles prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.
3. La SAS Les Chalets de l'Arc, qui a externalisé la tenue de sa comptabilité, soutient que ses caisses enregistreuses ne sont pas reliées entre elles ni à un quelconque progiciel comptable et que leur utilisation se limite à la gestion des prises de commandes et des encaissements. Il résulte toutefois de l'instruction que cette société utilise, pour sa partie bar-restaurant-terrasse, une caisse enregistreuse principale (C1) et une caisse enregistreuse en terrasse (C3) reliée à la première, équipée d'un logiciel informatique qui permet, par sa fonction de facturation et d'encaissement, de centraliser les recettes journalières. Elle dispose, en outre, pour la partie snack, de deux caisses enregistreuses non reliées à la caisse centrale. Chaque mois, le gérant édite un RAZ papier ventilant les recettes du restaurant et du snack par taux de taxe sur la valeur ajoutée et procède parallèlement à un suivi journalier des recettes et des modes de paiement, à partir des fichiers Z des caisses, qu'il centralise sur un ordinateur non relié aux caisses, à l'aide d'un fichier de calcul bureautique. Ces documents, qui procèdent d'un traitement informatique des données issues des caisses enregistreuses, sont transmis à un cabinet comptable pour leur enregistrement dans un progiciel de comptabilité. Il s'en déduit que les caisses enregistreuses utilisées par la SAS Les Chalets de l'Arc participent à la centralisation des recettes journalières et concourent à la formation des résultats comptables de la société. Les données issues de ces caisses entrent donc dans le champ du contrôle des comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés prévu par les articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les recettes faisaient l'objet d'un enregistrement journalier sous fichier de calcul bureautique et que l'enregistrement des écritures comptables, chaque fin de mois dans un progiciel de comptabilité, était confié à un cabinet comptable.
4. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 (...) ".
5. D'une part, il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en oeuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.
6. Dans ses lettres des 29 juillet 2013 et 18 avril 2014, l'administration fiscale a informé la SAS Les Chalets de l'Arc de ce que, dans le cadre du contrôle sur place de sa comptabilité, elle souhaitait " pouvoir mettre en oeuvre, conformément aux dispositions de l'article L. 47 A-II du livre des procédures fiscales, des traitements informatiques visant : / - à s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des commandes, des ventes et règlements enregistrés ; /- à contrôler les taux de TVA appliqués aux articles vendus ; / - à contrôler les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisses, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés ; /ainsi que tout traitement destiné à valider la cohérence et l'exhaustivité des données requises pour ces différentes analyses ". Il ressort de leurs termes mêmes que ces courriers identifiaient les données sur lesquelles le vérificateur envisageait de conduire ses investigations ainsi que l'objet de celles-ci. L'administration n'a donc pas méconnu les exigences posées par les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.
7. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'administration a procédé, pour les périodes concernées par le présent litige, à la vérification des données issues des caisses enregistreuses utilisées par la SAS Les Chalets de l'Arc. Par suite, la circonstance que la tenue de sa comptabilité était confiée à un prestataire extérieur n'a donc pu avoir pour effet de la priver du choix parmi les options prévues au II de l'article L. 47 A précité, qu'elle a exprimé dans ses courriers des 12 septembre 2013 et 25 avril 2014. En outre, la société appelante ne saurait utilement se prévaloir des conditions dans lesquelles elle a effectué ce même choix dans le cadre d'un contrôle postérieur portant sur les exercices clos en 2016, 2017 et 2018.
8. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des doctrines publiées sous les références BOI-CF-IOR-60-40-10-20141118 §80 et 90, BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40-20131213 et BOI CF-IOR-60-40-30-20131213 §120, relatives à la procédure d'imposition, ne saurait valablement être invoqué sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Les Chalets de l'Arc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Les Chalets de l'Arc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Les Chalets de l'Arc et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme A..., présidente-assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 18 mars 2021.
2
N° 19LY04330