Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Gibiers Viandes Volailles Sud (GIVVOL Sud) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des amendes mises à sa charge sur le fondement des articles 1737-I-1 et 1840 J du code général des impôts, au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1605359 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance des amendes mises à la charge de la SARL GIVVOL Sud sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 février 2019, le 30 septembre 2019, le 16 mars 2020 et le 10 septembre 2021, ainsi qu'un mémoire, enregistré le 18 janvier 2022, qui n'a pas été communiqué, la SARL Gibiers Viandes Volailles Sud, représentée par Me Bonnet, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de l'amende de 213 939 euros mise à sa charge sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts au titre des exercice clos en 2012, 2013 et 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière dès lors que les fichiers comptables ne lui ont été restitués que le 9 décembre 2015, après l'envoi de la proposition de rectification et peu avant la mise en recouvrement des amendes le 31 décembre 2015 ; elle n'a dès lors pas bénéficié du délai effectif de trente jours prévu par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, pour présenter utilement ses observations ;
- les fichiers comptables lui ayant été restitués après la notification de la proposition de rectification, elle n'a pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire qui lui aurait permis de vérifier les discordances prétendument relevées entre les factures et les bons de livraison établis à l'encontre des clients concernés ;
- le vérificateur a méconnu le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales en ne l'informant pas de la nature des traitements informatiques qu'il souhaitait effectuer tant sur les fichiers issus de la comptabilité que sur ceux issus de la gestion commerciale ; en outre, elle n'a pas été informée des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées ; il n'est pas établi que la lettre du 28 avril 2015 lui a été remise ;
- elle a remis au vérificateur, les 27 mai et 4 juin 2015, deux clés USB contenant des copies de fichiers relatives à ses exercices 2012, 2013 et 2014 ; ces copies auraient dû, en application du c) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, lui être restituées sur deux cédéroms non réinscriptibles ainsi que le prévoit le § 330 de la doctrine administrative référence BOI-CF-IOR-60-40-30 du 13 décembre 2013 ; seul un cédérom lui a été restitué ;
- l'avis de mise en recouvrement, daté du 31 décembre 2015, n'indique pas clairement la nature de l'imposition mise en recouvrement en méconnaissance de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales et du § 50 de la doctrine administrative référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 du 17 juillet 2015 ;
- la sanction est insuffisamment motivée ; l'administration n'établit pas le caractère intentionnel des inexactitudes que comportent les factures ; en l'espèce, elle n'a pas cherché à dissimuler ou travestir l'identité de ses clients ; les modifications de comptes invoquées ne sont qu'une conséquence du changement des logiciels comptable et de gestion commerciale ; la plupart des clients professionnels ont pu être identifiés lors du contrôle grâce aux mentions figurant sur les bons de commande ; il ne saurait lui être reproché de simples négligences ; par ailleurs, l'article 1737 du code général des impôts ne s'applique pas aux ventes au détail à des particuliers ;
- en application du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts, seules les sommes effectivement versées ou reçues entraînent l'application de l'amende égale à 50 % de leur montant ; l'administration fiscale ne pouvaient donc retenir, pour l'assiette de l'amende contestée, le montant des factures émises ;
- le 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts sur lequel se fonde l'administration fiscale est contraire aux principes de proportionnalité des peines découlant de l'article 1er du Premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et également à l'article 49-3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par des mémoires, enregistrés le 30 août 2019 et le 30 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL appelante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 19 janvier 2022 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
La SARL GIVVOL a présenté un mémoire, enregistré après la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Delly Bonnet, représentant de la SARL Gibiers Viandes Volailles Sud ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Gibiers Viandes Volailles Sud (GIVVOL Sud), qui exerce une activité de grossiste en volailles et gibiers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Dans le cadre des opérations de contrôle, l'administration fiscale ayant constaté au cours de ces exercices, des manquements aux règles de facturation de nature à dissimuler ou travestir l'identité de certains clients, une amende de 213 939 euros a été mise à la charge de la SARL GIVVOL Sud sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts. L'administration ayant constaté des infractions au seuil de paiement en espèces fixé par le code monétaire et financier, lui a également infligé l'amende prévue à l'article 1840 J du même code. Par un jugement du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la SARL GIVVOL Sud dirigées contre l'amende prévue à l'article 1840 J du même code dégrevée en cours d'instance, a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de l'amende infligée sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code. La SARL GIVVOL Sud relève appel de ce jugement dans cette mesure.
Sur la procédure d'établissement de la sanction :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la procédure de sanction en litige : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Il résulte de ces dispositions seules applicables en ce qui concerne les amendes et pénalités fiscales à l'exclusion des dispositions de l'article L. 57 du même livre, que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de pénalités visées par le second alinéa de ce texte, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations.
3. Il résulte de l'instruction que la SARL GIVVOL Sud a été informée, par la proposition de rectification du 14 septembre 2015, de l'intention de l'administration de lui appliquer, au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, la sanction prévue par le 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts. Ce document précisait, de manière détaillée, les motifs de l'application de cette sanction et indiquait que la société disposait d'un délai de trente jours pour adresser ses observations. La SARL GIVVOL Sud soutient qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire ainsi que de la possibilité de faire valoir utilement ses observations, et que l'administration fiscale n'a pas respecté le délai de trente jours prévu par le second alinéa de l'article L. 80 D précité, dès lors qu'elle ne lui a restitué ses fichiers comptables que le 9 décembre 2015, soit après la fin des opérations de vérification, alors que les amendes ont été mises en recouvrement le 31 décembre suivant. Toutefois, il ne résulte des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales précitées, aucune obligation pour l'administration d'organiser un débat oral et contradictoire sur les sanctions qu'elle envisage de mettre à la charge d'un redevable. En outre, et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que la SARL GIVVOL Sud, qui tient une comptabilité au moyen de systèmes informatisés, n'a remis au vérificateur qu'une copie de ses fichiers informatiques dont elle a conservé par ailleurs la disposition. Enfin, il résulte de l'instruction que la SARL GIVVOL Sud a accusé réception, le 16 septembre 2015, de l'envoi de la proposition de rectification du 14 septembre 2015, laquelle lui a laissé un délai supérieur à trente jours pour présenter ses observations. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de la méconnaissance de la procédure contradictoire préalable prévue par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales doivent être écartés.
4. En second lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2015 indique un montant global mis en recouvrement de 230 086 euros et différencie quatre créances réclamées, de montants respectifs de 73 036, 93 964, 46 939 et 6 800 euros correspondant à des " amendes " portant chacune sur les années 2012, 2013, 2014 et 2012. S'il est vrai que l'avis de mise en recouvrement ne mentionne pas qu'il s'agit, pour les trois premières, de l'amende prévue par au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts, cet avis de mise en recouvrement renvoie expressément à la proposition de rectification du 14 septembre 2015, laquelle fait référence à ces dispositions et mentionne que les sanctions dues à ce titre s'élèvent à 73 036 euros pour 2012, 93 964 euros pour 2013 et 46 939 euros pour 2014. Par suite, il ne pouvait y avoir aucune confusion sur la nature des amendes mentionnées dans l'avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2015 adressé à la SARL GIVVOL Sud, qui pouvait utilement, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs fait, contester les sommes mises en recouvrement à ce titre. La SARL GIVVOL Sud n'est donc pas fondée à soutenir que l'avis de mise en recouvrement n'indique pas précisément la nature des sommes mises à sa charge, en méconnaissance de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. Elle ne peut par ailleurs, pour contester la régularité de la procédure d'établissement des pénalités fiscales, se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 qui portent sur les mentions devant figurer sur l'avis de mise en recouvrement.
Sur le bien-fondé de l'amende fiscale :
6. Aux termes du I de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom (...) Les dispositions des 1 à 3 ne s'appliquent pas aux ventes au détail et aux prestations de services faites ou fournies à des particuliers. ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut mettre l'amende ainsi prévue à la charge de la personne qui a délivré la facture ou à la charge de la personne destinataire de la facture si elle établit que la personne concernée a soit travesti ou dissimulé l'identité, l'adresse ou les éléments d'identification de son client ou de son fournisseur, soit accepté l'utilisation, en toute connaissance de cause, d'une identité fictive ou d'un prête-nom.
7. En premier lieu, la SARL GIVVOL Sud soutient que le taux de 50 % du montant des sommes versées ou reçues, prévu par les dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts, est disproportionné par rapport à la gravité du manquement que ces dispositions répriment et que la sanction prévue par ces dispositions méconnaît ainsi le paragraphe 3 de l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens tel que garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Toutefois, en déterminant le montant de cette amende en proportion du montant des sommes versées ou reçues au titre d'une facture irrégulière, les dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts ont retenu une assiette en rapport avec l'infraction commise tenant au fait, pour l'émetteur ou le destinataire d'une facture, de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, certains éléments d'identification obligatoires ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom. Par ailleurs, en appliquant au montant des sommes versées ou reçues, un taux de 50 %, les dispositions contestées ont retenu un montant d'amende qui n'est pas disproportionné par rapport à la gravité des manquements que ces dispositions répriment, dès lors que ces manquements, réalisés par des professionnels dans le cadre de leur activité, font obstacle au contrôle des comptabilités tant du vendeur que de l'acquéreur d'un produit ou d'une prestation de service ainsi qu'au recouvrement des impositions dont ils sont le cas échéant redevables. Par suite, la SARL GIVVOL Sud n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts portent une atteinte disproportionnée, au regard de l'objectif poursuivi, au droit au respect des biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elles méconnaissent le paragraphe 3 de l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 14 septembre 2015, que le vérificateur a constaté, au titre des exercices contrôlés, l'enregistrement en comptabilité d'un certain nombre de factures, sans identification précise des clients et se rapportant à des paiements en espèces.
10. S'agissant du compte 4 " clients divers pris à quai ", devenu à compter d'octobre 2012, le compte " C187 John " du fait du changement des logiciels comptable et de gestion commerciale, le vérificateur a relevé l'inscription en comptabilité de montants de 66 990,10 euros au titre de la période de janvier à octobre 2012 et de 3 473,89 euros, 93 746,52 euros et 93 878,15 euros, au titre de la période d'octobre à décembre 2012 et des exercices clos en 2013 et 2014, correspondant à des factures sans identification précise du client ni adresse du destinataire dès lors qu'il n'y ait fait mention que de la seule commune de Châteauneuf-sur-Rhône où la société vérifiée a son siège. La SARL GIVVOL Sud soutient que, depuis janvier 2012, ces factures ne concernent qu'un seul client, " John ", ainsi qu'il résulte des mentions manuscrites portées sur les bons de livraison, qu'il ne peut lui être reproché une simple mention erronée d'adresse sur les factures d'autant que ce client venait prendre directement livraison des marchandises dans ses locaux et que ce client était parfaitement identifiable grâce au numéro SIREN figurant dans son fichier client. S'il résulte de l'instruction que l'analyse du fichier clients, remis par la SARL GIVVOL au vérificateur, a permis de déterminer que le numéro SIREN inscrit dans le fichier clients de la SARL GIVVOL Sud correspondait à un éleveur de volailles établi à Mérindol (Vaucluse), cette circonstance n'est pas suffisante, en l'absence de production de tout autre élément probant, pour justifier de l'identité du ou des véritables destinataires des factures en cause et ce alors qu'elles ont fait l'objet de règlement en espèces.
11. S'agissant du compte client 5 " Particuliers ", le vérificateur a identifié plusieurs factures émises entre janvier et octobre 2012, d'un montant de 75 608,36 euros, payées en espèces, ne faisant apparaître aucune identité, mentionnant comme adresse du client celle de la SARL vérifiée et dont les montants, supérieurs à 500 euros, excèdent manifestement les besoins normaux d'un particulier. La SARL GIVVOL Sud reconnaît que ces factures correspondent à des livraisons de marchandises à des professionnels. Elle soutient cependant qu'elle n'a jamais eu l'intention de dissimuler ou de travestir la véritable identité de ses clients, qui étaient identifiables à partir de ces fichiers clients. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'identification des véritables clients de la SARL appelante nécessitait un recoupement des informations figurant sur les factures, les bons de livraison et le fichier clients, la SARL GIVVOL Sud faisant usage d'anagrammes rendant plus difficile cette identification. Par ailleurs, ces factures, à destination de professionnels, ont été comptabilisées au compte 5 " Particuliers " et ont été réglées en espèces, de sorte que la SARL GIVVOL Sud doit être regardée comme ayant intentionnellement travesti l'identité et l'adresse de ses clients.
12. Il résulte de l'instruction qu'à compter d'octobre 2012, en raison du changement de logiciels comptable et de gestion commerciale, le compte client 5 " Particuliers " est devenu le compte C185. Le vérificateur y a identifié trente-deux factures d'un montant total de 8 504,90 euros, émises entre janvier et septembre 2013 au nom de " MEZIEU ANNE ", réglées en espèces, dont il a considéré qu'elles étaient incompatibles, eu égard à leur montant, avec la consommation d'un particulier. Compte tenu de la quantité de volailles vendue, qui se compte en centaines de kilogrammes, sur une période limitée à neuf mois, l'administration fiscale doit être regardée, contrairement aux allégations de la SARL appelante, comme apportant la preuve qui lui incombe que les factures en litige ne pouvaient se rapporter à des ventes au détail faites à un particulier. La SARL GIVVOL Sud n'est dès lors pas fondée à soutenir que ces factures seraient exclues du champ d'application du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts.
13. S'agissant du compte C259 " Le Cousin ", le vérificateur a identifié des factures d'un montant total de 85 676,17 euros, émises par la SARL GIVVOL Sud au cours de l'exercice 2013, et payées en espèces, ne comportant qu'un simple code postal. La société appelante soutient que ces factures correspondent à la vente de produits à un cousin d'un client habituel, la Boucherie Abo, et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir, par simple négligence dans la création du dossier client, enregistré les coordonnées de ce client dans la mesure où le contact se ferait par l'intermédiaire de ce dernier. Elle soutient également qu'une dissimulation de son véritable client aurait consisté à comptabiliser, sur un seul et même compte, les factures de son client habituel et celles du cousin de celui-ci. Toutefois, elle ne produit aucune pièce de nature à justifier la véritable identité du destinataire de ces factures et ne peut dès lors sérieusement soutenir que l'administration fiscale n'établit pas la dissimulation intentionnelle de l'identité de ce client.
14. En troisième lieu, si la société GIVVOL Sud soutient qu'elle n'a tiré aucun avantage des dissimulations et travestissements qu'on lui reproche, cette circonstance est sans incidence sur l'application de l'amende prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts.
15. En quatrième lieu, la SARL GIVVOL Sud soutient que l'administration a retenu pour l'assiette de l'amende contestée, le montant des factures et non, ainsi que le prévoient les dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts, le montant des sommes qu'elle a reçues au cours des exercices contrôlés. Toutefois, il ressort des énonciations mêmes de la proposition de rectification du 14 septembre 2015, que l'administration fiscale n'a retenu pour le calcul de l'amende en cause, que les factures ayant fait l'objet d'un règlement en espèces, au cours de la période considérée.
Sur les autres moyens :
16. La SARL GIVVOL Sud, qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2012, 2013 et 2014, n'ayant donné lieu à aucun rehaussement d'imposition, soutient que l'amende fiscale en litige procède néanmoins du contrôle opéré par le service sur ses logiciels de comptabilité et de gestion commerciale et invoque une méconnaissance de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.
17. Selon le II de cet article : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. (...) c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle (...) L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double (...) Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées ".
18. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ses investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions.
19. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a, le 28 avril 2015, adressé à la société appelante, qui tient sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, une demande de traitements informatiques. Ce courrier, qui mentionne en en-tête l'adresse du service, est signé du nom du vérificateur qui précise qu'il souhaite mettre en œuvre des traitements informatiques sur les données issues des logiciels comptable et de gestion commerciale. En outre, il porte en dernière page, la signature manuscrite du responsable légal de la SARL GIVVOL Sud qui a reconnu, le 5 mai 2015, avoir pris connaissance des possibilités proposées par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et décidé de répondre à la demande de traitements informatiques en remettant au service vérificateur les copies de fichiers nécessaires à la réalisation des traitements demandés. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que la SARL GIVVOL Sud n'a pas été destinataire de ce courrier et n'a pas été informée des nom et adresse de l'agent par qui ou sous le contrôle duquel les opérations sont réalisées manquent en fait et doivent être écartés.
20. En deuxième lieu, le courrier du 28 avril 2015 précise que le traitement informatique envisagé a pour but de vérifier le caractère régulier et probant de la comptabilité, de procéder au contrôle des taxes sur le chiffre d'affaires et de contrôler la valorisation des stocks. Il est précisé que la mise à disposition des données issues tant des logiciels comptables que des logiciels de gestion commerciale doit permettre, en particulier, d'apprécier la validité des factures, tant d'un point de vue formel qu'en tant que pièces justificatives de la comptabilité et de vérifier, en rapprochant les données issues de la gestion commerciale et de celles issues de la comptabilité, la correcte intégration des factures dans la comptabilité. Il résulte des énonciations de ce courrier que celui-ci identifie les données, à savoir les fichiers issus de la comptabilité et de la gestion commerciale, sur lesquelles le vérificateur envisageait de conduire ses investigations ainsi que l'objet de celles-ci, précisant ainsi la nature des investigations qu'il estimait nécessaires au contrôle et mettant ainsi la SARL GIVVOL Sud à même de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.
21. En troisième lieu, si la SARL GIVVOL Sud soutient que l'administration fiscale ne lui a pas restitué la copie de ses fichiers comptables et de gestion commerciale avant la mise en recouvrement de la sanction en litige, un tel moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant. En effet, les dispositions du c) du II de l'article L. 47 A précitées, en tant qu'elles imposent à l'administration la restitution des copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, sont, ainsi que cela ressort des travaux préparatoires dont elles sont issues, destinées à garantir au contribuable que des impositions ultérieures ne seront pas établies sur la base des données contenues dans ces fichiers. L'omission de restitution des copies des fichiers en cause, à la supposer avérée, est donc seulement susceptible d'entacher la régularité des impositions qui viendraient à être ultérieurement établies sur la base des données qu'elles contiennent mais est en revanche sans influence sur les impositions et sanctions mises en recouvrement après la consultation et l'exploitation des fichiers.
22. En dernier lieu, la SARL GIVVOL Sud ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des prévisions du paragraphe 330 de la doctrine administrative du 13 décembre 2013, référencée BOI-CF-IOR-60-40-30, dès lors qu'elles sont relatives à la procédure d'imposition.
23. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL GIVVOL Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende prévue par le 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL GIVVOL Sud la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL GIVVOL Sud est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Gibiers Viandes Volailles Sud et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
2
N° 19LY00646