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17/03/2022 | FRANCE | N°19LY03772

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 17 mars 2022, 19LY03772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Butterfield et Robinson France a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802776 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société mis à la charge de l'EURL ainsi que des pénalités correspondante

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Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2019, le ministr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Butterfield et Robinson France a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802776 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société mis à la charge de l'EURL ainsi que des pénalités correspondantes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SARL Butterfield et Robinson France ;

3°) de remettre à sa charge ces impositions et les pénalités correspondantes.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la société a disposé d'un délai suffisant pour saisir l'interlocuteur départemental avant l'édition de l'avis de mise en recouvrement et en tout état de cause, avant la notification de cet avis ; or, elle n'a effectué aucune diligence pour faire appel à l'interlocuteur départemental ; dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de la charte de contribuable vérifié ont été méconnues ;

- la société Butterfield et Robinson France est redevable de la taxe sur les véhicules de société pour les véhicules qu'elle prend en location et qui sont utilisés par ses personnels pour les besoins de son activité de prestataire de services pour la société Butterfield et Robinson Inc.

Par un mémoire, enregistré le 3 décembre 2019, l'EURL Butterfield et Robinson France conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Dijon, elle a été privée de la possibilité de saisir l'interlocuteur départemental ;

- c'est la société Butterfield et Robinson Inc. qui loue les véhicules neuf places en cause et les utilise pour les besoins de son activité de voyagiste ; elle n'est donc pas redevable de la taxe sur les véhicules de société en ce qui concerne ces véhicules.

Par une ordonnance du 13 juillet 2021 la clôture d'instruction a été fixée au 17 septembre 2021 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jaricot, représentant l'EURL Butterfield et Robinson France ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Butterfield et Robinson France, qui exerce une activité de prestataire de services pour le compte de sa société mère, la société canadienne Butterfield et Robinson Inc, laquelle conçoit et commercialise auprès d'une clientèle anglophone des circuits touristiques en bicyclette en France, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 novembre 2014, 2015 et 2016, à l'issue de laquelle l'administration lui a notamment réclamé, selon la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 7 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge de ces impositions et des intérêts de retard correspondants.

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Le paragraphe de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa version applicable au litige, intitulé " En cas de désaccord avec le vérificateur vous pouvez saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal " indique que " si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal " et le paragraphe intitulé " Vous pouvez faire appel à l'interlocuteur " mentionne que " si, après ces contacts, des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ".

3. Les dispositions citées au point 2 assurent au contribuable qui en fait la demande la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l'interlocuteur départemental dans les conditions qu'elles précisent. La mise en œuvre de cette garantie doit être demandée par le contribuable avant la décision d'imposition, c'est-à-dire la date de mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire résultant des opérations de contrôle entrant dans le champ de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

4. Pour prononcer la décharge des impositions en litige, le tribunal administratif de Dijon a jugé que c'est au plus tôt le 6 décembre 2017, date à laquelle l'EURL Butterfield et Robinson France a reçu notification du compte-rendu d'entretien avec le supérieur hiérarchique de la vérificatrice que pouvait être regardée comme acquise la persistance d'un désaccord entre l'administration et le contribuable de nature à autoriser ce dernier à demander la saisine de l'interlocuteur, de sorte que la mise en recouvrement de la taxe sur les véhicules de société, le 15 décembre 2017, est intervenue dans un délai trop bref pour lui permettre d'exercer utilement son droit au recours à l'interlocuteur départemental.

5. Toutefois, outre qu'il appartient au contribuable de faire diligence pour demander la saisine de l'interlocuteur départemental avant la mise en recouvrement des impositions contestées, les dispositions précitées de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'imposent pas que le supérieur hiérarchique du vérificateur prenne expressément position après son entretien avec le contribuable. En l'absence d'une telle prise de position, les divergences avec l'administration fiscale doivent être regardées comme persistantes. Il en résulte que l'EURL Butterfield et Robinson France pouvait, dès l'issue de l'entretien avec le supérieur hiérarchique de la vérificatrice, le 28 novembre 2017, et sans attendre la notification d'un compte-rendu écrit de cet entretien, demander la saisine de l'interlocuteur départemental.

6. Il ne résulte pas de l'instruction que l'EURL Butterfield et Robinson France aurait exprimé auprès de l'administration son intention de recourir à cette garantie avant le 15 décembre 2017, date de la mise en recouvrement des impositions en litige, ni d'ailleurs au demeurant, ainsi que le soutient le ministre, avant son mémoire en réclamation du 16 février 2018. A cet égard, le courrier électronique du 14 décembre 2017, adressé par l'expert-comptable aux responsables de l'entreprise, évoquant la possibilité de saisir l'interlocuteur, ne saurait tenir lieu de demande explicite de saisine de l'interlocuteur départemental adressée à l'administration, ni révéler l'intention du dirigeant de l'EURL Butterfield et Robinson France de faire usage de cette garantie. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur le moyen tiré de ce que l'EURL Butterfield et Robinson France avait été privée, en méconnaissance des dispositions précitées de la charte du contribuable vérifié, de la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec l'interlocuteur départemental pour prononcer la décharge des impositions en cause.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par l'EURL Butterfield et Robinson France devant le tribunal administratif et repris devant la cour.

8. L'article 1010 du code général des impôts, dans ses rédactions successives applicables au litige, soumet les sociétés à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. Il résulte de ces dispositions que, sauf pour ce qui concerne la taxe exigible en raison de véhicules pris en location qui n'est due que par la seule société locataire en vertu du dernier alinéa du même article, l'administration est tenue d'assujettir tous les redevables qui remplissent l'un des critères alternatifs ainsi définis.

9. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur les véhicules de société ou le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

10. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a estimé que l'EURL Butterfield et Robinson France était soumise à la taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016 à raison des véhicules neuf places pris en location durant cette période et destinés au transport des voyageurs et de leurs bagages dans le cadre des voyages et circuits touristiques en France conçus et commercialisés par la société canadienne Butterfield et Robinson Inc.

11. L'EURL Butterfield et Robinson France soutient qu'elle n'est pas l'utilisatrice de ces véhicules dans la mesure où les contrats de location avec la société Europcar ont été conclus par la société Butterfield et Robinson Inc, que cette dernière procède au paiement des factures de location même si elles ont été, par erreur, libellées à son nom, et que les guides, qui conduisent les véhicules loués pour les besoins des voyages et circuits touristiques, sont employés par la société-mère. Toutefois, il résulte de l'instruction, et en particulier des conventions de mise à disposition conclues entre l'EURL Butterfield et Robinson France et la société Butterfield et Robinson Inc, les 30 décembre 2013 et 22 décembre 2015, que l'EURL a été chargée, à compter du 1er janvier 2014 jusqu'au 29 février 2016, de l'organisation logistique des voyages et circuits touristiques en France pour le compte de sa société-mère, aux moyens de certains de ses salariés, dont elle reste l'employeur, qu'elle met à la disposition de la société Butterfield et Robinson Inc. Elle est ainsi chargée de l'organisation opérationnelle et administrative des voyages et circuits touristiques en France, même si ceux-ci sont conçus et commercialisés par la société canadienne, ainsi que du management des équipes, et en particulier des guides, chargés de conduire les véhicules loués. Par suite, les véhicules neuf places en cause doivent être regardés comme étant utilisés en France par l'EURL Butterfield et Robinson France dans le cadre de son activité de prestataire de services pour le compte de sa société-mère et ce même si ce n'est pas elle qui paie la location de ces véhicules. Elle entre ainsi dans le champ de l'assujettissement de la taxe sur les véhicules de société en application de l'article 1010 du code général des impôts.

12. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a déchargé l'EURL Butterfield et Robinson France des rappels de taxe sur les véhicules de société auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016 et des intérêts de retard correspondants.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'EURL Butterfield et Robinson France à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802776 du tribunal administratif de Dijon du 7 juin 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de l'EURL Butterfield et Robinson France est rejetée de même que ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les impositions dont le tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge sont remises à la charge de l'EURL Butterfield et Robinson France ainsi que les pénalités correspondantes.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Butterfield et Robinson France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

2

N° 19LY03772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03772
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxes sur le chiffre d`affaires et taxes assimilées autres que la TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : MOSSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;19ly03772 ?
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