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07/04/2022 | FRANCE | N°20LY01625

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 07 avril 2022, 20LY01625


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... et C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, à titre principal, la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1802156 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistr

s le 18 juin 2020 et le 30 juillet 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Mourot, demandent à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... et C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, à titre principal, la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1802156 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juin 2020 et le 30 juillet 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Mourot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge ou, à tout le moins, la réduction de ces impositions ;

3°) de statuer sur les dépens.

Ils soutiennent que :

- la rémunération perçue par M. D... en sa qualité de dirigeant d'une société anonyme de droit suisse ne peut être regardée comme une rémunération reçue " au titre d'un emploi salarié ", au sens du 1 de l'article 17 de la convention fiscale franco-suisse ;

- à supposer ces stipulations applicables, il n'a travaillé en France que six jours en 2013 et huit jours en 2014 ;

- il est proposé de retenir pour l'assiette de l'imposition à l'impôt sur le revenu en France, non pas la rémunération perçue par M. D... en fonction du nombre de jours figurant sur les formulaires E 101 mais en tenant compte du travail réalisé au sein de la SA Art Décor, c'est-à-dire en fonction du chiffre d'affaires réalisé sur le chantier français par rapport au chiffre d'affaires réalisé globalement par cette société ; par suite, l'assiette de taxation devra être réduite à 6 593 euros au titre de l'année 2013 et 5 675 euros au titre de l'année 2014.

Par un mémoire, enregistré le 16 février 2021 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 22 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions relatives aux dépens sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 6 décembre 2021 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 9 septembre 1966 modifiée, conclue entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matières d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... ont souscrit, au titre des années 2013 et 2014, des déclarations de revenus comprenant des salaires de, respectivement, 155 022 euros et 136 602 euros versés à M. D... en provenance de Suisse. Ces sommes ont donc été soumises à l'impôt sur le revenu au barème progressif en tant que revenus étrangers avec application d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SAS Haute Finition, société de droit français dont M. D... était le président non salarié, l'administration a considéré que les rémunérations versées par la SA Art Décor, société de droit suisse dont il était également le dirigeant, pendant les périodes de soixante-et-onze jours en 2013 et cent-soixante-et-un jours en 2014 au cours desquelles il a été détaché par cette société auprès de la SAS Haute Finition, étaient des revenus de source française. M. et Mme D... ont, en conséquence de ce redressement, été assujettis, selon la procédure contradictoire, à des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2013 et 2014, qui ont été assortis de pénalités. Par un jugement du 16 mars 2020, dont M. et Mme D... relèvent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le principe de l'imposition en France :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient toutefois ensuite, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

3. D'une part, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes de l'article 4 B de ce code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) ". Pour l'application de ces dispositions, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux et le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

4. Il n'est pas contesté que M. et Mme D... ont leur foyer en France et qu'ils y sont à ce titre, en application de la loi fiscale française, passibles de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de leurs revenus.

5. D'autre part, aux termes du 1. de l'article 17 de la convention fiscale conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 : " (...) les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat ". Aux termes du 2 de l'article 3 de la convention fiscale franco-suisse : " Pour l'application de la convention par un Etat contractant, tout terme ou expression qui n'y est pas défini a le sens que lui attribue le droit de cet Etat concernant les impôts auxquels s'applique la convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente. Le sens attribué à un terme ou expression par le droit fiscal de cet Etat prévaut sur le sens attribué à ce terme ou expression par les autres branches du droit de cet Etat ".

6. M. D... soutient que les sommes qu'il a perçues en contrepartie de l'exercice de ses fonctions de mandataire social de la SA Art Décor, en particulier à l'occasion de son détachement auprès de la SAS Haute Finition, ne peuvent être considérées comme des rémunérations reçues " au titre d'un emploi salarié " au sens et pour l'application du paragraphe 1 de l'article 17 de la convention fiscale franco-suisse, en l'absence de conclusion d'un contrat de travail et de tout lien de subordination avec la société qu'il dirige. Il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressé, qui se présente comme " dirigeant salarié ", a lui-même déclaré en France ses revenus perçus de la SA Art Décor au titre des années 2013 et 2014 dans la catégorie des traitements et salaires et a bénéficié à ce titre d'un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français en application de l'article 25 de la convention fiscale franco-suisse. En vertu de la loi fiscale française, les rémunérations perçues par les présidents ou directeurs généraux de sociétés anonymes ainsi que les membres du directoire, au titre de leur mandat social, relèvent, pour leur soumission à l'impôt sur le revenu, de la catégorie des traitements et salaires. Il découle de la règle énoncée par les stipulations précitées du 2 de l'article 3 de la convention fiscale franco-suisse que ces rémunérations doivent, pour l'application des clauses de la convention répartissant le pouvoir d'imposer entre les deux Etats, être regardées comme reçues au titre d'un emploi salarié au sens du 1 de l'article 17 de la même convention. La circonstance que M. D... n'a pas conclu de contrat de travail avec la société de droit suisse et qu'il n'existe aucun rapport de subordination avec cette société qu'il dirige est sans incidence sur cette qualification. C'est donc à bon droit que l'administration fiscale a, en application de la convention fiscale franco-suisse, imposé en France la quote-part des rémunérations perçues par M. D..., correspondant aux périodes au cours desquelles son emploi a été exercé en France, en 2013 et 2014, à l'occasion de son détachement auprès de la SAS Haute Finition.

Sur le montant des impositions :

7. M. D..., qui admet avoir exécuté des chantiers en France au cours des années 2013 et 2014, conteste la durée d'emploi en France retenue par l'administration fiscale ainsi que les modalités de calcul de l'assiette de l'imposition.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, pour considérer que M. D... avait exercé son activité professionnelle en France pendant soixante-et-onze jours en 2013 et cent-soixante-et-un jours en 2014, l'administration fiscale s'est fondée sur les formulaires E 101, établis par la caisse de compensation de la société suisse des entrepreneurs pour attester de la législation applicable à un travailleur détaché qui n'est pas affilié au régime de sécurité sociale du pays d'emploi. Ces formulaires, qui lient les seules institutions de sécurité sociale de l'Etat dans lequel le travail est effectué, peuvent néanmoins attester de l'exercice effectif d'une activité professionnelle dans cet Etat si le travailleur concerné n'apporte pas d'éléments contraires de nature à justifier d'un lieu d'exercice de ses activités professionnelles différent. Pour justifier qu'il n'a exercé son activité professionnelle en France que pendant, respectivement, six et huit jours en 2013 et 2014, M. D... se borne à produire à l'instance des tableaux récapitulatifs de sa présence en Suisse, en France ou en Italie au cours des périodes du 1er octobre 2013 au 15 décembre 2013 et du 21 janvier 2014 au 29 juin 2014, rédigés par ses soins et assortis de seulement quelques pièces justificatives. Ces éléments sont, en l'espèce, insuffisamment probants pour justifier le nombre de jours au cours desquelles M. D... a exercé son activité professionnelle en France au cours des années en litige. Ainsi, compte tenu des éléments fournis par chacune des parties, c'est à bon droit que l'administration fiscale a retenu que M. D... avait exercé son activité professionnelle en France pendant soixante-et-onze jours en 2013 et cent-soixante-et-un jours en 2014.

9. En second lieu, M. D... soutient que l'assiette de l'imposition en litige doit être déterminée en appliquant à ses rémunérations, le rapport existant, au titre des années 2013 et 2014, entre le chiffre d'affaires résultant du chantier auquel il a participé en France en sa qualité de travailleur détaché auprès de la SAS Haute Finition et le chiffre d'affaires total de la SA Art Décor. Il ne résulte cependant pas de l'instruction, d'une part, que la rémunération de l'intéressé serait calculé au prorata du chiffre d'affaires de la SA Art Décor ni, d'autre part, que le chiffre d'affaires résultant du chantier auquel il a participé en France pour le compte de la SAS Haute Finition aurait été intégré dans celui de la SA Art Décor.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D..., qui n'ont au demeurant été assujettis en France qu'à l'impôt sur le revenu à l'exclusion de toute imposition au titre des contributions sociales, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Leur requête doit donc être rejetée en toutes leurs conclusions y compris, en tout état de cause, celles présentées au titre des dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.

La rapporteure,

S. LesieuxLe président,

D. Pruvost

La greffière,

M.-A.... Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY01625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01625
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Traitements - salaires et rentes viagères - Personnes et revenus imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : ARCANE JURIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-07;20ly01625 ?
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