Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge partielle de la cotisation primitive à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 et d'ordonner le remboursement du trop-perçu assorti de l'intérêt de retard.
Par un jugement n° 1606207 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Vercruysse, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la réduction de cette imposition et d'ordonner le remboursement du trop-perçu d'impôt assorti de l'intérêt de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en application de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 septembre 2019, il y a lieu d'appliquer un abattement pour durée de détention sur la plus-value en report devenue imposable ;
- la détermination des gains nets obtenus soumis au barème progressif dans les conditions prévues à l'article 150-0 A induit nécessairement la prise en compte d'un abattement pour durée de détention selon les termes du 2ème alinéa de l'article 150-0 D du code général des impôts ;
- il y a lieu de transmettre, à titre préjudiciel, à la Cour de justice de l'Union européenne la question de savoir si les Etats membres peuvent appliquer aux opérations internes des solutions moins favorables à celles contenues dans la directive n° 90/434/CEE du 23 juillet 1990 pour les opérations transfrontalières ;
- la doctrine administrative BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10-20160613 publiée au BOFI du 13 juin 2016 et BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10 § 370 publiée au BOFIP le 2 juillet 2015 selon laquelle l'abattement ne s'appliquerait pas aux plus-values en report devenue imposables à compter du 1er janvier 2013 est illégale ;
- cette doctrine est contraire à l'article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 telle qu'interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
Par un mémoire, enregistré le 2 avril 2014, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 ;
- la décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 ;
- la décision n° 2019-832/833 QPC du 3 avril 2020 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Au titre de l'année 2014, M. et Mme C... ont été imposés conformément aux éléments qu'ils ont déclaré lesquels incluait une plus-value de 1 825 490 euros correspondant, à concurrence de 608 284 euros, à la plus-value de cession des titres de la SA Grenoble Logistique Distribution à la société Financière GLD constatée à l'occasion du départ à la retraite de M. C..., directeur général de cette société, et, à concurrence de 1 217 135 euros, à une plus-value en report d'imposition depuis 1997 dont le report est venu à expiration en 2014 du fait de la cession des titres. Par une réclamation du 21 juin 2016, M. et Mme C... ont demandé l'application d'un abattement de 85 % sur cette plus-value en report d'imposition. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettie au titre de l'année 2014.
2. Aux termes du II de l'article 92 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2000 : " 1. A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus lors de l'échange. (...) ". Aux termes du I ter de l'article 160 du même code, dans sa rédaction applicable aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2000 : " 4. L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission, d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B. ".
3. Ces dispositions ont pour seul effet de permettre, par dérogation à la règle selon laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, de constater et de liquider la plus-value d'échange l'année de sa réalisation et de l'imposer l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être la cession des titres reçus au moment de l'échange. Le montant de la plus-value est ainsi calculé en appliquant les règles d'assiette en vigueur l'année de sa réalisation, mais son imposition obéit, s'agissant d'un report optionnel, aux règles de calcul de l'impôt en vigueur l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition.
4. En vertu du 2 de l'article 200 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2013 et résultant de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A sont pris en compte pour la détermination du revenu net global soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu. L'article 150-0 D du code général des impôts dispose, dans sa version issue de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, au deuxième alinéa de son 1, que : " Les gains nets de cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés, de droits portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés au I de l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7, 7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. " Ce même article définit, à son 1 ter, l'abattement pour durée de détention de droit commun et, à son 1 quater, l'abattement pour durée de détention renforcé applicable à certaines situations. Le III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 prévoit que ces dispositions s'appliquent aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013.
5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'abattement pour durée de détention prévu par l'article 150-0 D du code général des impôts ne peut s'appliquer aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application du II de l'article 92 B et du I ter de l'article 160 de ce même code. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la détermination des gains nets obtenus soumis au barème progressif dans les conditions prévues à l'article 150-0 A induit nécessairement la prise en compte d'un abattement pour durée de détention selon les termes du 2ème alinéa de l'article 150-0 D du code général des impôts.
6. Par sa décision n° 2019-832/833 QPC du 3 avril 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution, après avoir visé la directive 2009/133/CEE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents ainsi qu'au transfert du siège statutaire d'une SE ou d'une SCE d'un Etat membre à un autre et l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 septembre 2019 n° D-662/18 et C-672/18, le renvoi opéré par la première phrase du paragraphe III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 au b du 1° du F du paragraphe I du même article en écartant le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi au motif que la différence de traitement s'agissant de l'application de l'abattement pour durée de détention aux plus-values placées en report d'imposition selon que cette opération a été réalisée dans le cadre de l'Union européenne ou qu'elle l'a été dans le cadre national est fondée sur une différence de situation et est en rapport direct avec l'objet de la loi. Pour le même motif, les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à faire valoir que les commentaires administratifs méconnaîtraient la portée des dispositions législatives qu'ils ont pour objet d'interpréter.
7. Si les requérants font valoir que les commentaires administratifs sont contraires à l'article 8 de la directive 2009/133/CE dite " fusions " du 19 octobre 2009, qui reprend l'article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 18 septembre 2019, il ne résulte pas de l'instruction que la plus-value réalisée par M. C... est afférente à une opération intéressant des sociétés d'Etats membres différents lesquelles sont seules susceptibles d'entrer dans le champ de la directive " fusions ".
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme et M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2022.
La rapporteure,
R. B...
Le président,
D. PruvostLa greffière,
M.Th Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY02584