Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 avril 2020 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la cessation de l'état d'urgence et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2005397 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 avril 2021, M. B..., représenté par Me Faivre, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ain du 23 avril 2020 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocate d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- son appel est recevable ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 janvier 2022, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Il expose que :
- il aurait pris la même décision en se fondant, non sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais sur l'article 3 de l'accord franco-tunisien et dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation exceptionnelle ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2021.
Par une ordonnance du 4 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain du 23 avril 2020 rejetant sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la cessation de l'état d'urgence.
2. En premier lieu, il est constant que M. B... n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'a pas été examiné d'office par le préfet de l'Ain. Par suite, il ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions pour contester le refus de titre de séjour en litige.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
4. M. B..., ressortissant tunisien né le 2 janvier 1992, est entré, d'après ses écritures, le 5 mai 2019 sur le territoire français. A la date de l'arrêté litigieux, il y résidait ainsi depuis moins d'un an et ne pouvait s'y prévaloir d'aucune attache familiale, eu égard au caractère particulièrement récent de la relation qu'il expose entretenir avec une ressortissante française. Les quelques attestations qu'il produit ne sauraient par ailleurs suffire à démontrer qu'il y avait établi le centre de ses intérêts privés. Il ne peut davantage se prévaloir d'aucune insertion particulière en France, la formation en langue française à laquelle il était inscrit n'ayant pas même débuté à la date du refus de titre de séjour litigieux et la promesse d'embauche qu'il produit étant postérieure à celui-ci. Il est, à l'inverse, constant que M. B... n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales en Tunisie, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans et où demeurent, à tout le moins, ses parents. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Ain a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.
7. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. Il ressort du refus de titre de séjour litigieux que, pour rejeter, au titre du travail, la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. B..., le préfet de l'Ain s'est, à tort, fondé sur l'article L. 313-14. Toutefois, motivée par la circonstance qu'aucun motif exceptionnel ne justifiait la délivrance d'un tel titre de séjour, cette décision trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation discrétionnaire, ainsi qu'il a été indiqué au point 7 ci-dessus. L'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de ce pouvoir que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de l'activité professionnelle présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et ainsi que le demande le préfet de l'Ain en défense, ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu dans la décision litigieuse, cette substitution n'ayant pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie.
9. D'une part, et compte tenu de ce qui a été indiqué au point 4, M. B... ne se prévaut manifestement d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, M. B... se prévalant uniquement d'expériences professionnelles limitées en Tunisie, ainsi que de son inscription à une formation en langue française, qui n'avait pas même débuté à la date du refus de titre de séjour en litige et d'une promesse d'embauche postérieure à celui-ci, le préfet de l'Ain n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle au vu de sa situation professionnelle.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
11. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Gilles Fédi
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01263