Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.
Par un jugement n° 2002358 du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2021, Mme B..., représentée par la SCP Bernard Southon et Anne Amet-Dussap, agissant par Me Amet-Dussap, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est illégale, faute pour la préfète de l'Allier d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait en ce que la préfète retient qu'elle n'a pas de liens suffisamment stables, anciens et intenses sur le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est illégale, dès lors qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2022, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par décision du 2 septembre 2021, la demande d'aide juridictionnelle de Mme B... a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, fait à Rabat le 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante marocaine née en 1970, relève appel du jugement du 23 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.
Sur la légalité de l'arrêté du 3 décembre 2020 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Pour contester le refus de délivrance de titre de séjour qui lui a été opposé, Mme B... fait valoir qu'elle réside en France depuis trois ans et huit mois, que ses attaches affectives se trouvent sur le territoire français, où elle vit avec son concubin, de nationalité tunisienne, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2031. Toutefois, la déclaration de vie commune souscrite par les deux concubins et n'identifiant pas le domicile familial, ne saurait, à elle seule, justifier de la réalité d'une communauté de vie des concubins ancrée dans la durée, à la date de la décision en litige. Quand bien même elle vivrait maritalement avec son compagnon, comme elle le soutient depuis le 3 juillet 2018, elle a un enfant issu d'une autre union, de nationalité marocaine, né le 24 mai 2012 en Italie, où elle dispose d'un permis de séjour longue durée. Elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où vivent ses parents et ses huit frères et sœurs. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus qui lui a été opposé. Cette décision, qui n'est pas entachée d'erreur de fait, n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....
4. En deuxième lieu, alors que le fils de la requérante n'est scolarisé en France que depuis deux ans à la date de la décision attaquée et que Mme B... dispose d'un titre de séjour à validité permanente en Italie où il est né et a vécu la majeure partie de son existence, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porterait atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. En troisième lieu, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est, en vertu de l'article R. 312-2 de ce code, tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre. Il résulte des motifs énoncés au point 3 que Mme B... ne remplit pas ces conditions. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de séjour en litige aurait dû être précédé de la consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Mme B... réitère en appel ses moyens de première instance, tirés de l'insuffisante motivation de la mesure d'éloignement en litige, de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour, de ce qu'elle ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement, pouvant prétendre de plein droit à l'obtention d'un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
8. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2022.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Gilles Fédi
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02393