Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'institut de cancérologie Lucien Neuwirth (ICLN) à lui verser la somme de 7 326,77 euros, assortie des intérêts au taux légal à la date de réception de sa requête et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation de son préjudice, à raison de la privation de la monétisation de son compte épargne temps (CET) à son départ de l'établissement.
Par un jugement n° 1805332 du 24 juin 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Par une décision n° 443148 du 14 décembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a attribué à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de la requête de M. B....
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 20 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et à la cour sous le n° 21LY04100, et par des mémoires, enregistrés les 31 mars et 21 septembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Julien-Boisserand, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'institut de cancérologie Lucien Neuwirth (ICLN) à lui verser la somme de 7 326,77 euros, assortie des intérêts au taux légal à la date de réception de sa requête et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation de son préjudice ;
3°) de mettre à la charge de l'ICLN la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il ne pouvait pas se prévaloir de l'irrégularité entachant la feuille de paie qui lui a été adressée en mars 2015 ; ce document révèle l'existence d'une décision faisant grief, de sorte qu'il pouvait faire valoir que cette décision était illégale en raison de l'incompétence de son auteur ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé à ce titre et entaché d'une omission à statuer ;
- l'ICLN ne pouvait légalement émettre une fiche de paie négative à son égard, dès lors qu'il avait démissionné depuis le 11 octobre 2014 ; l'ICLN n'avait ni qualité ni compétence après cette date ; cet acte inexistant entache de nullité la procédure ;
- le bulletin de paie du mois de décembre 2014 est une décision créatrice de droit consistant en un avantage financier dont le bulletin de paie négatif du mois de mars 2015 procède au retrait ;
- l'ICLN a commis une faute en ne l'informant pas de ses droits relatifs à son compte épargne temps ;
- l'ICLN a fait preuve de déloyauté à son égard.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2022, l'institut de cancérologie Lucien Neuwirth (ICLN), représenté par Me Julien-Boisserand, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par ordonnance du 2 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2002-788 du 3 mai 2002 ;
- le décret n° 2012-1366 du 6 décembre 2012 ;
- l'arrêté du 6 décembre 2012 pris en application des articles 4 à 8 du décret n° 2002-788 du 3 mai 2002 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Bitar pour l'ICLN.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., agent contractuel à l'institut de cancérologie Lucien Neuwirth (ICLN), en a démissionné le 11 octobre 2014 et a perçu à cette date la monétisation de l'ensemble des jours inscrits sur ses comptes épargne-temps. Informé par le comptable public qu'il ne pouvait procéder à une telle monétisation, l'établissement a adressé à M. B... en mars 2015 un bulletin de paie faisant apparaître un montant négatif de 4 326,77 euros et a émis un titre exécutoire à l'encontre de M. B... le 20 avril 2015. M. B... relève appel du jugement du 24 juin 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ICLN à lui verser la somme de 7 326,77 euros en réparation, d'une part, de la privation de la monétisation de son compte épargne-temps à son départ de l'établissement et, d'autre part, du préjudice moral et financier qui en a résulté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Si M. B... reproche à la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon d'avoir commis une erreur de droit en estimant qu'il ne pouvait pas se prévaloir de l'irrégularité entachant la feuille de paie qui lui a été adressée en mars 2015, un tel moyen se rattache au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité. Il ne saurait davantage lui être reproché de ne pas avoir statué sur ce moyen, ni d'avoir insuffisamment motivé son jugement à ce titre.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 3 mai 2002 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique hospitalière : " Il est institué dans la fonction publique hospitalière un compte épargne-temps. / Ce compte est ouvert à la demande de l'agent, qui est informé annuellement des droits épargnés et consommés. ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Lorsque, au terme de l'année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne-temps est inférieur ou égal à un seuil, fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, du budget et de la fonction publique et qui ne saurait être supérieur à vingt jours, l'agent peut utiliser les droits ainsi épargnés sous forme de congés, dans les conditions fixées par le décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 susvisé, à l'exception du premier alinéa de son article 3 et sous réserve des dispositions du présent décret ". Aux termes de son article 12 : " Lorsqu'un agent, quelle que soit sa position au regard du statut qui lui est applicable, quitte définitivement la fonction publique hospitalière, les jours ou heures accumulés sur son compte épargne-temps doivent être soldés avant sa date de cessation d'activités. En pareil cas, l'administration ne peut s'opposer à sa demande de congés. ". Le décret n° 2012-1366 du 6 décembre 2012 modifiant certaines dispositions relatives au compte épargne-temps et aux congés annuels dans la fonction publique hospitalière prévoit en son article dix dernier alinéa : " Toutefois, si l'agent cesse définitivement ses fonctions en application de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, ou en raison de la fin de son contrat, le solde éventuel dû à la cessation de ses fonctions lui est versé à cette date ".
5. Il n'est pas sérieusement contesté que, d'une part, M. B... ne pouvait prétendre, en application des dispositions des articles 4 et 12 du décret susvisé du 3 mai 2002, à la monétisation des 18 jours, inférieurs au seuil de 20 jours fixé par l'arrêté du 6 décembre 2012 susvisé, figurant sur son CET pérenne à la date de sa démission, et devait ainsi les prendre sous forme de congés avant son départ d'autre part, que l'ICLN lui a versé une indemnité correspondant à la monétisation des 31,5 jours restants inscrits sur son compte épargne-temps historique, alors qu'il n'avait opté pour la monétisation que de 23,5 jours, dont 12 avaient été d'ores et déjà réglés à la date de sa démission. Seuls 11,5 jours restaient ainsi à régler. M. B... ne conteste ni le principe ni le montant de la créance mise à sa charge pour une somme de 4 326,77 euros par le titre de perception en litige.
6. En premier lieu, si M. B... soutient qu'ayant cessé ses fonctions, aucune fiche de paie négative ne pouvait être émise à son égard, il est constant qu'il n'a exercé aucun recours pour excès de pouvoir contre la décision ainsi révélée le privant de la monétisation de l'ensemble des jours inscrits sur ses comptes épargne-temps. L'ICLN avait compétence pour prendre une telle décision. L'irrégularité du bulletin de paie dont se prévaut le requérant reste, en tout état de cause, sans effet sur la régularité du titre exécutoire émis pour le recouvrement des sommes qu'il a indument perçues, contrairement à ce qu'il soutient.
7. En deuxième lieu, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. Il en va de même, dès lors que le bénéfice de l'avantage en cause ne résulte pas d'une simple erreur de liquidation ou de paiement, de la décision de l'administration accordant un avantage financier qui, sans avoir été formalisée, est révélée par les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la situation du bénéficiaire et au comportement de l'administration.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 et de ce qui précède que M. B... ne peut se prévaloir d'une décision créatrice de droit manifestant la volonté de l'administration de lui accorder un avantage financier, alors que les sommes payées à tort trouvent leur origine dans une erreur de liquidation lors de la monétisation de son CET.
9. En troisième lieu, comme l'ont relevé les premiers juges, l'ICLN n'était pas tenu d'avertir spontanément M. B... des modalités de prise de congés qu'il lui incombait de mettre en œuvre pour ne pas perdre le bénéfice de jours épargnés sur son CET. Le requérant ne peut se prévaloir à ce titre d'aucun manquement fautif à un prétendu devoir d'information.
10. En quatrième lieu, et quand bien la conclusion d'un protocole d'accord transactionnel régularisant le versement de la somme indûment versée aurait été un temps envisagé, le requérant n'établit pas que l'ICLN aurait adopté un comportement déloyal et fautif à son égard.
11. En dernier lieu, en se bornant à produire l'unique attestation d'un agent qui déclare avoir bénéficié à son départ d'une monétisation des jours épargnés sur son CET, le requérant n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pouvant faire présumer la discrimination dont il se prétend victime.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le requérant demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de l'ICLN, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que l'ICLN présente au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'ICLN au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'institut de cancérologie Lucien Neuwirth.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2022.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Gilles Fédi
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne à la préfète de la Loire en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY04100