Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a interdite de retour pour une durée d'un an et a désigné le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2200005 du 8 février 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Gillioen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer, dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;
- l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;
Sur l'interdiction de retour :
- la décision est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2022, le préfet de la Haute-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Mme A... n'ayant présenté, en première instance, que des moyens de légalité externe à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle n'est pas recevable, en appel, à invoquer des moyens de légalité interne à l'encontre de cette décision, reposant sur une cause juridique différente de celle qui fondait ses moyens de première instance ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante malgache née en 1984, entrée en France le 23 novembre 2018, a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié, qui lui a été refusée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 juillet 2021. Par un arrêté du 9 décembre 2021, le préfet de la Haute-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a interdite de retour pour une durée d'un an, a désigné le pays de renvoi et l'a informée de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Mme A... relève appel du jugement du 8 février 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. Mme A... soulève, pour la première fois en appel, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, de la méconnaissance des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle. Il ressort de la demande de première instance que l'intéressée s'était bornée à soulever devant le tribunal des moyens de légalité externe à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, ces moyens de légalité interne, fondés sur une cause juridique distincte, nouvelle en appel, qui ne sont pas d'ordre public, doivent être écartés comme irrecevables.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
3. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
4. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... aurait été, à un moment de la procédure, informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français ou mise à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité. Dans ces conditions le préfet de la Haute-Loire a entaché sa décision d'irrégularité. Toutefois, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un tel moyen, d'apprécier si l'intéressée a été, en l'espèce, privée de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision.
6. Mme A... fait valoir qu'elle a épousé, le 8 mai 2021, un ressortissant français, soit depuis sept mois à la date de la décision attaquée. Les pièces versées au dossier attestent d'une vie commune entre les époux à compter de la date du mariage. L'intéressée, qui n'a pas été entendue ni mise à même de présenter des observations, a ainsi été privée de communiquer avec l'autorité préfectorale, en particulier sur son mariage avec un ressortissant français, alors que, si elle avait été entendue, la procédure était susceptible d'aboutir à un résultat différent. Il suit de là que Mme A... est fondée à se prévaloir du principe de bonne administration et à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est intervenue en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu et qu'elle est, par suite, entachée d'illégalité.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande en ce qu'elle tendait à l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Loire du 9 décembre 2021 interdisant son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de Mme A... à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du préfet de la Haute-Loire du 9 décembre 2021 interdisant le retour de Mme A... sur le territoire français pour une durée d'un an est annulée.
Article 2 : Le jugement n° 2200005 du 8 février 2022 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00725