Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 16 août 2021 par lesquels le préfet du Rhône leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel ils étaient susceptibles d'être reconduits d'office.
Par un jugement n° 2107035-2107037 du 15 décembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Delbes, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une carte de séjour portant la mention " vie prive et familiale " ou, à tout le moins, de réexaminer leur situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à leur conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;
- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;
- l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des risques qu'ils courent en cas de retour dans leur pays d'origine.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants arméniens nés en 1981 et 1984, sont entrés en France le 23 octobre 2020, accompagnés de leurs deux filles mineures, nées en 2007 et 2012, et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 décembre 2020, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 16 juillet 2021. Par deux arrêtés du 16 août 2021, le préfet du Rhône, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 15 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
3. Si M. et Mme C... font valoir qu'ils ont noué de nombreux liens personnels sur le territoire français à raison des fonctions de pasteur exercées par le requérant au sein de l'église évangélique arménienne et qu'ils maîtrisent la langue française, il ressort des pièces du dossier que les intéressés, âgés respectivement de quarante et trente-sept ans, sont entrés en France moins de dix mois avant l'intervention des mesures d'éloignement dont ils ont fait l'objet. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés, de même nationalité, et leurs deux enfants mineures, ne pourraient pas reconstituer leur cellule familiale dans leur pays d'origine ou en Turquie, où ils vivaient depuis 2005, et où ils n'établissent pas être dénués d'attaches, ni que les enfants, âgées de treize et neuf ans à la date des décisions, ne pourraient poursuivre une existence et une scolarité normales hors de France. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elles poursuivent. Dès lors, ces décisions n'ont pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
4. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de cet article : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. Si M. et Mme C... soutiennent qu'ils ont dû fuir la Turquie après avoir reçu des menaces de la part des services de renseignement de leur pays d'origine avec lesquels le requérant aurait refusé de collaborer et qu'ils craignent de retourner en Arménie où M. C... indique être considéré comme un traître à la nation, les pièces qu'ils produisent sont insuffisantes pour établir qu'ils courent personnellement des risques en cas de retour dans leur pays d'origine, alors, d'ailleurs, que leur demande d'asile a été rejetée par les autorités compétentes ainsi qu'il a été dit au point 1. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement aux arrêtés attaqués, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté le réexamen de leur demande d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01208