Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi, l'a assigné à résider dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand avec l'obligation de se présenter aux services de police les mardis, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informé de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2202654 du 17 janvier 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 février 2023, M. B..., représenté par Me Remedem, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer sa situation en l'autorisant à déposer une demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le premier juge a omis de statuer sur les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;
- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;
- l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;
- sa situation n'a pas été instruite au regard de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;
Sur les mesures de surveillance :
- il reprend les moyens soulevés à l'encontre des autres décisions ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- la durée de la mesure de surveillance n'est pas justifiée ;
- il est porté une atteinte excessive à sa liberté individuelle, à sa liberté d'aller et de venir et à sa vie privée et familiale ;
Sur l'interdiction de retour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'est pas justifiée.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été classée sans suite par une décision du 11 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant nigérian né le 12 octobre 1995, est entré en France le 5 octobre 2019 et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 septembre 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 juillet 2022. Par un arrêté du 16 novembre 2022, le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, l'a assigné à résidence et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 17 janvier 2023, dont M. B... relève appel, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué qu'après avoir visé les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation, le premier juge y a répondu respectivement aux points 3 et 8 du jugement attaqué. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait omis de se prononcer sur les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Entré en France en 2019 à l'âge de vingt-trois ans, M. B... est célibataire et sans charge de famille. Il n'établit pas, ni même ne soutient, être démuni d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a lui-même vécu pour l'essentiel. Il ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance, par la seule production d'un document non nominatif, avoir exercé une activité professionnelle en France, dont il ne précise d'ailleurs pas la nature. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Dès lors, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
5. En deuxième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Le législateur n'a ainsi pas entendu imposer à l'administration d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ni, le cas échéant, de consulter d'office la commission du titre de séjour quand l'intéressé est susceptible de justifier d'une présence habituelle en France depuis plus de dix ans. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français alors qu'il n'avait pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de cet article et que l'autorité compétente n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre.
6. En troisième lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, M. B... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.
7. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, la décision vise notamment l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que M. B... n'établit être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour au Nigéria. Par suite, cette décision mentionne les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée, alors même qu'elle ne comporte pas l'exposé des craintes auxquelles le requérant soutient qu'il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine.
9. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de fixer le pays de destination de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
11. Si M. B... fait valoir qu'il a fui le Nigéria en raison d'exactions et de craintes, il n'apporte aucune précision sur la nature des risques personnels qu'il encourrait en retournant dans ce pays, alors, d'ailleurs, que sa demande d'asile a été rejetée par les autorités compétentes ainsi qu'il a été dit au point 1. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur les mesures de surveillance :
12. En premier lieu, la décision prise en application des articles L. 723-6 et L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, astreignant le requérant à résider dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand et l'obligeant à se présenter tous les mardis à la direction départementale de la sécurité publique du Puy-de-Dôme pendant le délai de départ volontaire qui lui a été accordé, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et est, ainsi, suffisamment motivée.
13. En deuxième lieu, si M. B... soutient qu'il entend reprendre, à l'appui de cette décision, l'ensemble des moyens soulevés à l'encontre de la mesure d'éloignement et de la décision fixant le pays de destination, ces moyens doivent, en tout état de cause, être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncées précédemment.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 721-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être contraint de résider dans le lieu qui lui est désigné par l'autorité administrative. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire ". Aux termes de l'article L. 721-7 de ce code : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire ".
15. En précisant dans l'arrêté attaqué que les mesures de surveillance litigieuses, prises sur le fondement des articles L. 721-6 et L. 721-7 cités au point précédent, étaient applicables pendant le délai de départ volontaire accordé à M. B..., le préfet du Puy-de-Dôme a, contrairement à ce qui est soutenu, justifié de la durée d'application de ces mesures.
16. En dernier lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de ce que les mesures de surveillance porteraient une atteinte excessive à sa liberté individuelle, à sa liberté d'aller et de venir et à sa vie privée et familiale, doivent être écartés, en l'absence d'éléments nouveaux et de critique pertinente en appel, par les motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 13 du jugement attaqué et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
17. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
18. En premier lieu, les motifs de l'arrêté contesté attestent de la prise en compte par le préfet du Puy-de-Dôme, au vu de la situation de M. B..., de l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
19. En second lieu, au regard de ces motifs, le préfet du Puy-de-Dôme a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à l'encontre de l'intéressé, qui est célibataire, sans enfant et dépourvu d'attaches familiales en France, et qui ne justifiait ni d'un séjour ancien, ni de liens étroits avec la France, une interdiction de retour sur le territoire français dont la durée est limitée à un an.
20. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2023.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
La présidente,
A. CourbonLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY00571