Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1900893 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 février 2022, M. B... et Mme A... C..., représentés par Me Cordeiro, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est fondé sur des documents qui sont étrangers à l'EURL Le Tremplin n° 22 et qui ne permettent pas d'avoir une vision globale du montage auquel a eu recours cette EURL ;
- l'EURL Le Tremplin n° 22 a exercé une activité professionnelle au sens des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts ; l'administration fiscale ne peut pas se fonder sur le paragraphe n° 180 de la documentation de base référencée BOI-BIC-PVMV-40-10-10-10, qui est dépourvu de toute valeur normative, pour en conclure que le fait de confier par mandat la gestion d'une activité à un tiers est de nature à priver celle-ci de son caractère professionnel ;
- le paragraphe n° 190 de la documentation de base référencée BOI-BIC-DEF-10 est opposable à l'administration ;
- à titre subsidiaire, la plus-value réalisée ne peut pas être imposée sur le fondement des articles 39 duodecies et suivants du code général des impôts ; l'activité doit être qualifiée de loueur en meublé non professionnel ; la plus-value n'a pas de caractère professionnel et ainsi elle ne peut relever que du régime de plus-value des particuliers ;
- l'instruction administrative n° 8 M-11-79 du 7 septembre 1979 et le paragraphe n° 70 de la documentation de base référencée BOI-RFPI-PVI-10-20 est opposable à l'administration.
Par un mémoire, enregistré le 26 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Le Tremplin n° 22, société soumise pour l'imposition de ses résultats au régime des sociétés de personnes de l'article 8 du code général des impôts, radiée du registre du commerce et des sociétés le 29 juillet 2015 et dont M. C... était l'unique associé, a déclaré un résultat imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux de 9 177 euros au titre de l'exercice clos en 2014 au cours duquel elle a cédé, d'une part, trois lots ainsi que des biens mobiliers d'un ensemble immobilier à Méribel-les-Allues (Savoie) dénommé Chalet Hôtel le Tremplin auparavant affecté à une activité d'hôtellerie, et, d'autre part, la participation qu'elle détenait dans une société en participation, la Société hôtelière du Tremplin. Dans sa déclaration de résultats, elle a mentionné une plus-value de 290 764 euros qu'elle a déclarée être exonérée. A la suite d'un contrôle, l'administration a soumis à l'impôt sur le revenu, selon le régime des plus-values professionnelles, la plus-value résultant de la cession des lots et des meubles et a rapporté au résultat imposable de l'exercice 2014 les plus-values à court terme, d'un montant de 170 456 euros, sous déduction d'une moins-value à long terme de 1 832 euros, en indiquant que l'exonération de l'article 151 septies du code général des impôts n'était pas applicable faute pour l'EURL Le Tremplin n° 22 de satisfaire à la condition d'avoir exercé l'activité professionnelle d'exploitation des chambres. En conséquence de cette rectification du résultat de l'EURL Le Tremplin n° 22, M. et Mme C... ont été assujettis, au titre de l'année 2014, à un complément d'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, impositions auxquelles ont été appliqués les intérêts de retard et la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 7 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande de décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. et Mme C... relèvent que le jugement se fonde sur un contrat de société en participation conclu le 23 décembre 1993 entre la SNC Société hôtelière du Tremplin et l'EURL Le Tremplin n° 21 et sur un contrat de mandat de gestion de fonds de commerce conclu le 30 décembre 1993 entre cette SNC et l'EURL Le Tremplin n° 5, contrats qui ne concernent pas l'EURL Le Tremplin n° 22 en cause dans la présente instance et ne permettent pas d'avoir une vision globale du montage auquel a eu recours cette EURL, un tel moyen ne relève pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé. Par suite, le moyen tiré d'une prétendue irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.
Sur l'exonération prévue à l'article 151 septies du code général des impôts :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts : " I. Les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel. II. - Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées pour : 1° La totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à : a) 250 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, ou s'il s'agit d'entreprises exerçant une activité agricole ; b) 90 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou de titulaires de bénéfices non commerciaux (...) ". Aux termes du IV de l'article 155 du même code : " 1. (...) l'exercice à titre professionnel implique la participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. (...) ".
4. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., l'administration a fondé la remise en cause de l'exonération en litige sur l'article 151 septies précité du code général des impôts et non sur le paragraphe n° 180 de la documentation de base BOI-BIC-PVMV-40-10-10-10. Le moyen tiré de la documentation administrative serait inapplicable est dès lors inopérant.
5. Si tout membre d'une société en participation qui a pour objet une activité imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles ou des bénéfices non commerciaux, doit, en principe, être présumé y exercer une telle activité, fût-ce sans l'avoir révélé aux tiers, il en va, en revanche, différemment lorsqu'une ou plusieurs personnes autres que l'intéressé, qu'il s'agisse des associés ou non, ont été désignées pour gérer la société. Dans ce cas, il ne peut être regardé comme exerçant personnellement l'activité mise en société que si sa participation effective à cette activité est établie.
6. Il n'est pas contesté par M. et Mme C... que le contrat de société en participation signé en 1993 entre l'EURL Le Tremplin n° 22 et la SNC Société hôtelière du Tremplin, qui a construit le bâtiment en vue de l'exploitation commerciale de l'ensemble immobilier à usage d'hôtel et du partage des résultats, stipule que les associés investisseurs apportent en jouissance les lots de copropriété et des parties communes ainsi qu'une somme en numéraire rémunérés par l'attribution de droits dans les résultats. Il est constant que ce contrat, identique à celui conclu avec un autre investisseur, l'EURL Le Tremplin n° 21, versé à l'instance d'appel par le ministre, stipule que les biens restent la propriété de l'apporteur et ne sont pas inscrits à l'actif du bilan de la société en participation et que les apporteurs s'engagent à ne pas céder les lots sans l'apport en jouissance. Il est constant enfin que ce contrat prévoit, dans son article 5, que la société en participation a pour gérante la SNC Société hôtelière du Tremplin de sorte que l'EURL Le Tremplin n° 22, en tant qu'associée non dirigeante de la société en participation, ne peut être présumée avoir exercé personnellement l'activité mise en société.
7. M. et Mme C... ne contestent pas que l'EURL Le Tremplin n° 22 a donné à la SNC Société hôtelière du Tremplin un mandat pour gérer et exploiter le fonds de commerce créé à compter de l'ouverture de l'hôtel dans les locaux dont elle est co-propriétaire en 1993. Selon l'acte de vente des lots du 7 mai 2014, le mandat de gestion en vertu duquel le fonds de commerce était exploité par la SNC Société hôtelière du Tremplin, a pris fin le 30 avril 2014. Si M. et Mme C... soutiennent en appel que le mandat confié par l'EURL Le Tremplin n° 22 à la SNC Société hôtelière du Tremplin constitue une délégation de l'exploitation commerciale de l'hôtel, le ministre fait valoir, en s'appuyant sur un contrat identique conclu par la SNC Société hôtelière du Tremplin avec un autre investisseur, l'EURL Le Tremplin n° 5, que la convention stipule que le mandataire aura le contrôle absolu de la gestion de l'hôtel et qu'aucune clause de la convention ne pourra être interprétée comme créant une association entre le mandataire et le mandant, que ce dernier pourra faire des suggestions au mandataire au sujet de la politique générale à mettre en œuvre et que le mandataire assurera la totalité des fonctions administratives et financières, la commercialisation, la gestion des ressources humaines et les approvisionnements, le mandant se limitant à exercer ses prérogatives d'associé de la société en participation (participation aux assemblée générale et contrôle a posteriori de la gestion). Il en résulte que la SNC Société hôtelière du Tremplin était investie, en tant que gérante et mandataire, des pouvoirs les plus étendus, ayant seule qualité pour assurer l'exploitation commerciale de l'ensemble immobilier en assurant les fonctions administrative (notamment la tenue de la comptabilité et l'établissement des déclarations fiscales et sociales), financière (la gestion de la trésorerie et les relations avec les établissements financiers), de commercialisation (prospection des clients et production des services), de gestion des ressources humaines et d'approvisionnement (achats des marchandises et gestion des sous-traitants éventuels) et que l'EURL Le Tremplin n° 22 ne peut être regardée comme ayant participé effectivement à l'activité quand bien même elle assumait les risques de l'exploitation dès lors que ses recettes étaient corrélées aux résultats de l'exploitation sans application d'un loyer fixe, cette circonstance ne caractérisant pas une participation effective à l'activité. C'est dès lors à bon droit que l'administration a estimé que l'EURL Le Tremplin n° 22, qui n'exerçait pas une activité professionnelle au sens de l'article 151 septies précité du code général des impôts ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue à cet article sans que le fait qu'une société en participation est dépourvue de toute personnalité morale n'ait d'incidence sur la solution du litige.
8. En second lieu, si M. et Mme C... se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 190 de la documentation de base référencée BOI-BIC-DEF-10, selon lequel : " La règle édictée par le 1° bis du I de l'article 156 du CGI concerne les foyers fiscaux dont aucun membre ne s'implique professionnellement dans la poursuite de l'activité qui est à l'origine des déficits. Elle a pour objectif principal de mettre un terme à l'imputation sur le revenu global de déficits qui, sous couvert d'une activité relevant des BIC structurellement déficitaire, proviennent en fait de la réalisation de simples placements dans lesquels l'acquéreur n'assume pas les risques inhérents à l'exploitation. ", ces énonciations de la documentation administrative se rapportent seulement à l'imputation sur le revenu global de déficits, et en tout état de cause, ne visent que le cas de simples placements sans traiter spécifiquement des conséquences juridiques de risques d'exploitation.
Sur l'application du régime d'imposition des plus-values immobilières des particuliers :
9. Aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme (...) ". Aux termes du VII de l'article 151 septies de ce code : " Les articles 150 U à 150 VH sont applicables aux plus-values réalisées lors de la cession de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés et faisant l'objet d'une location directe ou indirecte lorsque cette activité n'est pas exercée à titre professionnel. ". Aux termes du I de l'article 150 U du même code : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. (...) ".
10. M. et Mme C... soutiennent que, si l'activité de l'EURL Le Tremplin n° 22 ne peut être regardée comme exercée à titre professionnel, elle doit être qualifiée d'activité de loueur en meublé non professionnel et que la cession des biens en cause ne relevait plus du régime des plus-values professionnelles, mais de celui des plus-values immobilières des particuliers tel que défini aux articles 150 U à 150 VH du code général des impôts. Toutefois, les requérants indiquent dans leurs propres écritures d'appel que l'EURL Le Tremplin n° 22 assumait les risques de l'exploitation dès lors que ses recettes étaient corrélées aux résultats de l'exploitation, sans application d'un loyer fixe indépendamment des résultats d'exploitation. Dans ces conditions, eu égard à son mode de rémunération, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que l'EURL Le Tremplin n° 22 ne pouvait être regardée comme ayant une activité de loueur de meublé.
11. L'activité de l'EURL Le Tremplin n° 22 étant de nature commerciale, ses revenus relevaient de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et les biens cédés étaient inscrits à son actif immobilisé. Il en résulte que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que la plus-value de cession en cause relevait du régime des plus-values immobilières des particuliers prévu aux articles 150 U à 150 VH du code général des impôts, ni à se prévaloir en tout état de cause de l'instruction administrative n° 8 M-11-79 du 7 septembre 1979 relative à la détermination du montant de la plus-value.
12. Enfin, M. et Mme C... ne peuvent se prévaloir du paragraphe 70 de la documentation administrative référencée BOI-RFPI-PVI-10-20 selon lequel : " Les plus-values réalisées lors de la cession de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés et faisant l'objet d'une location directe ou indirecte par les personnes ne remplissant pas les conditions pour être qualifiées de loueurs professionnels sont soumises aux règles prévues aux articles 150 U à 150 VH pour les plus-values privées (VII de l'article 151 septies du CGI). Elles ne relèvent donc pas du régime des plus-values professionnelles. ", qui, en tout état de cause, ne comporte aucune interprétation contraire de la loi fiscale.
13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00414