Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par une ordonnance n° 2205057 du 31 août 2022, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 novembre 2022 et 13 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Chetail, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le délai spécial de réclamation expirait le 31 décembre 2016 ; en revanche, le délai général de réclamation a continué à courir en l'absence d'un avis de mise en recouvrement régulièrement notifié ;
- l'administration n'a pas interrompu le délai de reprise avant le 31 décembre 2016 par un avis de mis en recouvrement régulièrement notifié ;
- il se prévaut des paragraphes n° 1 de la documentation administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-20 du 12 septembre 2012, n° 190 de la documentation de base référencée BOI-CTX-PREA-10-80 du 12 septembre 2012, n° 130 et 150 de la documentation administrative référencée BOI-CTX-ADM-10-20-20 du 12 septembre 2012, n° 20 de la documentation de base référencée BOI-CTX-PREA-10-40 du 25 juin 2014, n° 30 de la documentation administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-30 du 25 juin 2014, n° 270 et 390 de la documentation de base référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 du 18 février 2019.
Par un mémoire, enregistré le 28 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 décembre 2023.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de M. B... en raison du caractère tardif de sa réclamation préalable du 18 mars 2022 exercée au-delà d'un délai raisonnable.
Par un mémoire, en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 26 janvier 2024, M. B... conclut aux mêmes fins que précédemment.
Il soutient en outre qu'il justifie de circonstances particulières entraînant une prolongation du délai de réclamation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mesnier, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a exercé, à titre individuel, une activité de plâtrerie, carrelage, revêtement de sols et murs à Gilly-sur-Isère (Savoie), jusqu'au 31 décembre 2011, date à laquelle il a cessé cette activité. Il a fait l'objet, à partir du 6 août 2012, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 7 octobre 2010 au 31 décembre 2011 au terme de laquelle il a été assujetti, d'une part, au titre de l'année 2010, à un complément d'impôt sur le revenu résultant du rehaussement de son bénéfice commercial ainsi qu'à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, notifiés suivant la procédure contradictoire, et, d'autre part, au titre de l'année 2011, à des impositions à l'impôt sur le revenu et à la taxe sur la valeur ajoutée établies selon, respectivement, la procédure d'évaluation d'office s'agissant du bénéfice industriel et commercial et la procédure de taxation d'office s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée. Les droits de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à la charge de M. B... au moyen d'un avis de mise en recouvrement du 14 mai 2013. Après avoir formé les 4 juin 2013, 20 avril 2015 et 24 novembre 2017 des réclamations contre ces impositions, M. B... a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de décharge de ces impositions, le 6 août 2018, en joignant à l'instance la décision de rejet du 30 mai 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques a rejeté sa dernière réclamation. Par une ordonnance du 9 février 2021, le président du tribunal administratif de Grenoble a pris acte du désistement de sa demande en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative. Par une décision du 29 octobre 2021, l'administration a prononcé, à titre gracieux, le dégrèvement d'une partie des impositions à l'impôt sur le revenu et des pénalités établies au titre des années 2010 et 2011. Le 18 mars 2022, M. B... a présenté une nouvelle réclamation tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée visés par l'avis de mise en recouvrement du 14 mai 2013. Il relève appel de l'ordonnance du 31 août 2022 par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande comme irrecevable.
Sur l'application du délai général de réclamation :
2. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) ". Aux termes de l'article R. 256-6 de ce livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Selon les termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable qui désire contester tout ou partie d'une imposition doit d'abord adresser une réclamation au service territorial de l'administration fiscale dont dépend le lieu d'imposition.
4. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'avis de mise en recouvrement par lequel l'administration porte les impositions à la connaissance du contribuable doit mentionner l'existence et le caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation prévue à l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que les délais de forclusion dans lesquels le contribuable doit présenter cette réclamation et, d'autre part, que le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus par les articles R. 196-1 et R. 196-2 du livre des procédures fiscales lui soient opposables.
5. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable. Le recours administratif préalable doit être présenté dans le délai prévu par les articles R. 196-1 ou R. 196-2 du livre des procédures fiscales, prolongé, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, d'un an. Dans cette hypothèse, le délai de réclamation court à compter de l'année au cours de laquelle il est établi que le contribuable a eu connaissance de l'existence de l'imposition.
6. Il est constant qu'à la date du 14 mai 2013 à laquelle a été établi l'avis de mise en recouvrement en litige, l'adresse personnelle déclarée par M. B... à l'administration fiscale était celle du 461 avenue de Bassens à Chambéry (73000). Il résulte toutefois de l'instruction, comme le rappelle la décision du directeur départemental des finances publiques du 9 juin 2022 rejetant la réclamation de M. B... jointe au dossier de première instance, que l'avis de mise en recouvrement du 14 mai 2013 a été notifié au 17 rue du Vallon Torey à Tassin-La-Demi-Lune (69160), adresse des beaux-parents de M. B... où celui-ci affirme n'avoir jamais résidé et dont il soutient qu'il ne l'a jamais déclarée à l'administration fiscale, ce que le ministre ne conteste pas. Si le ministre affirme, dans ses écritures d'appel, que l'avis de mise en recouvrement du 14 mai 2013 a été également notifié, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'adresse personnelle de Chambéry de M. B... avant que le contribuable ne signale un changement d'adresse à Lyon et que le pli a été retourné au service avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ", il verse à l'instance, pour en justifier, un avis de passage portant un numéro de dossier (311701) différent de celui de l'avis de mise en recouvrement (316809). Au demeurant, la décision du 9 juin 2022 rejetant la réclamation de M. B..., évoquée ci-dessus, indique que le service comptable des impôts d'Albertville n'a adressé qu'un seul avis de mise en recouvrement le 24 mai 2013, concernant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée à M. B... à l'adresse du 17 rue du Vallon Torey à Tassin-La-Demi-Lune, à cette date. Dans ces conditions, eu égard aux discordances de référence relevées ci-dessus, l'avis de mise en recouvrement du 14 mai 2013 ne peut être regardé comme ayant été régulièrement notifié à l'adresse personnelle de M. B... à Chambéry et le délai général de réclamation n'a pas commencé à courir le 18 mai 2013, date à laquelle le pli recommandé a été présenté à cette adresse.
7. M. B..., qui indique avoir résidé à Chambéry jusqu'au 16 avril 2023, date à laquelle il a quitté son logement pour s'installer provisoirement chez sa mère à Lyon et avoir signalé son changement d'adresse à l'administration, soutient toutefois avoir reçu à la nouvelle adresse qu'il a indiquée à Lyon, d'une part, un commandement valant mise en demeure du 28 mai 2013 et, d'autre part, le 8 juillet 2013 un avis à tiers détenteur portant sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée mise en recouvrement le 14 mai 2013. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, l'intéressé a contesté l'imposition et les pénalités visées par ces actes de poursuites par une réclamation présentée le 4 juin 2013, réitérée le 29 avril 2015 puis le 30 novembre 2017, avant de saisir le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de décharge de cette imposition, le 6 août 2018. Par une ordonnance du 9 février 2021, le président de la formation de jugement lui a donné acte d'un désistement d'office en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative faute pour l'intéressé d'avoir répondu à la demande l'invitant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. M. B..., qui n'a pas contesté cette ordonnance, a présenté une nouvelle réclamation le 18 mars 2022, laquelle a donné lieu à la décision de rejet, déjà évoquée, du 9 juin 2022. Il résulte de l'instruction que le commandement valant mise en demeure se réfère à l'avis de mise en recouvrement du 14 mai 2013 identifié par son numéro 13 04 05036, que l'avis à tiers détenteur vise le numéro de dossier 316809 et que ces deux actes portent sur un montant identique à celui de cet avis de mise en recouvrement. Il en résulte que M. B... doit être regardé comme ayant eu connaissance, en 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et que le délai raisonnable, évoqué au point 5 ci-dessus, imparti au contribuable pour contester l'avis de mise en recouvrement du 14 mai 2013 a expiré le 31 décembre 2016, aucune circonstance particulière ne justifiant qu'il fut prolongé, le fait que le requérant a présenté ses réclamations sans l'assistance d'un conseil et qu'il aurait ignoré l'existence de l'ordonnance du 9 février 2021 étant à cet égard sans incidence sur la computation du délai de réclamation.
Sur l'application du délai spécial de réclamation :
8. Aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. ". Aux termes de l'article L. 176 de ce livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. (...) ".
9. Il résulte des articles R. 196-3 et L. 176 et du premier alinéa de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales qu'un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt. Ce délai expire, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée.
10. M. B..., qui se borne à indiquer, dans ses dernières écritures, avoir pris attache le 11 juillet 2013 avec l'administration afin d'obtenir une copie de la proposition de rectification du 28 février 2013 qui ne lui avait pas été notifiée, ne conteste pas que le délai spécial de réclamation ouvert par ces dispositions expirait également le 31 décembre 2016.
11. Il suit de là que c'est à bon droit que le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a considéré que la réclamation du 18 mars 2022 étant tardive, la demande de décharge de M. B... était irrecevable sans que M. B... puisse utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative relatives à la procédure contentieuse pour faire échec à l'irrecevabilité encourue.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY03226