Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, des cotisations de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, des contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2013, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1907686 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des impositions supplémentaires auxquelles M. C... a été assujetti au titre de l'année 2014, dont l'administration a prononcé le dégrèvement en cours d'instance, a déchargé M. C... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013 et des majorations correspondantes et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juin 2022 et 28 novembre 2023, M. C..., représenté par Me Obadia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012 et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- le jugement est irrégulier, en l'absence de réponse au moyen tiré du caractère professionnel de l'activité de la SNC SDF C..., afférente à la réalisation de travaux de rénovation de l'hôtel-restaurant " La Chaudanne " en 2012 ;
- pour cette année, le jugement n'infirmant pas le caractère professionnel de cette activité liée aux travaux de rénovation de l'hôtel-restaurant " La Chaudanne ", la remise en cause des déficits doit être diminuée à due proportion ;
- au titre de l'année 2012, la gestion des travaux de rénovation de l'hôtel-restaurant " La Chaudanne ", ainsi que la construction de l'hôtel " Le Kaila " impliquaient, de sa part, une participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à leur réalisation et présentaient le caractère d'une activité exercée à titre professionnel, justifiant l'imputation des déficits sur son revenu global ;
- au titre des années 2012 et 2013, la location-gérance du fonds de commerce de l'hôtel-restaurant " La Chaudanne " caractérise une activité commerciale relevant d'un ensemble économique intégré avec les activités du locataire, la SNC L'Eterlou, aux résultats de laquelle la SNC SDF C... participe et dont il est le gérant et le principal associé ;
- la location des murs de l'hôtel " Le Kaila " en 2013 doit également être regardée comme une activité professionnelle en tant que prolongement d'une activité commerciale relevant d'un ensemble économique intégré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laval, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... détient 98,75 % du capital de SNC SDF C... qui possède un ensemble immobilier à usage d'hôtels dans la station de sports d'hiver de Méribel (Savoie) et qui relevait, jusqu'au 30 septembre 2013, de l'article 8 du code général des impôts. Au cours de l'exercice ouvert le 1er décembre 2011 et clos le 30 novembre 2012, cette société a exercé une activité de location-gérance du fonds de commerce de l'hôtel-restaurant " La Chaudanne ", exploité par la SNC L'Eterlou et a procédé à des travaux de rénovation de cet établissement et à la construction d'un nouvel hôtel, " Le Kaila ". Au cours de l'exercice suivant, ouvert le 1er décembre 2012 et clos le 30 septembre 2013, la SNC SDF C... a eu pour activité la location des murs de l'hôtel-restaurant " Le Kaila " à la SARL Le Kaila, dont elle détient 25,33 % des parts, et la location gérance du fonds de commerce de l'hôtel-restaurant " La Chaudanne " à la SNC L'Eterlou. La SNC SDF C... a déclaré des déficits industriels et commerciaux au titre des exercices clos en 2012 et 2013, respectivement, de 374 761 euros et 299 253 euros. M. C... a imputé ces déficits sur son revenu global à hauteur de la quote-part qu'il détient du capital social de cette société et déclaré un déficit brut global de 56 470 euros en 2012, de 46 160 euros en 2013 et reporté un déficit de 102 630 euros sur son revenu global de l'année 2014.
2. La SNC-SDF C... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2012 à 2014, à l'issue de laquelle l'administration a, notamment, estimé que l'activité de location de murs de l'hôtel " Le Kaila " exercée en 2013 relevait de la catégorie des revenus fonciers. Elle a, en conséquence, extourné de son bénéfice industriel et commercial de l'exercice clos en 2013 la différence entre les charges et les produits tirés de cette location, soit 401 938 euros, pour constater un bénéfice taxable dans cette catégorie de 102 685 euros, au lieu du déficit de 299 253 euros initialement déclaré, et procédé à un rehaussement en matière de revenus fonciers de 480 041 euros, au titre de l'année 2013. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration, estimant que les activités exercées en 2012 et 2013 par la SNC SDF C... ne l'étaient pas, par M. C..., à titre professionnel, a considéré que les bénéfices tirés par l'intéressé de ces activités relevaient soit des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels, soit, s'agissant de la location des murs de l'hôtel " Le Kaila ", des revenus fonciers et qu'ils n'étaient, dès lors, pas déductibles de son revenu global en application de l'article 156 du code général des impôts. Elle a, en conséquence, réintégré aux revenus imposables de M. C... les sommes de 370 077 euros et 295 513 euros qu'il avait déduites de son revenu global des années 2012 et 2013 en tant que déficits industriels et commerciaux professionnels, lui a notifié un rehaussement de 474 040 euros de ses revenus fonciers de l'année 2013 et réintégré à ses revenus imposables de 2013 et 2014 les déficits reportés des années précédentes, soit respectivement 56 470 euros et 102 630 euros. M. C... a, ainsi, été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012, 2013 et 2014 et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre des années 2013 et 2014, impositions assorties de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts, ainsi qu'à des contributions sociales au titre de l'année 2013, assorties d'intérêts de retard.
3. Par un jugement du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, constaté un non-lieu à statuer sur la demande de décharge présentée par M. C... s'agissant de l'année 2014, dont les impositions ont été entièrement dégrevées en cours d'instance, d'autre part, déchargé M. C... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013 et des majorations correspondantes, et, enfin, rejeté le surplus de sa demande. M. C... relève appel du jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande.
Sur la régularité du jugement :
4. M. C... soutient que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré du caractère professionnel de l'activité de rénovation de l'hôtel-restaurant " La Chaudanne ", exercée par la SNC SDF C... en 2012. Il ressort, toutefois, de ses écritures de première instance, qu'il a soulevé un moyen visant à faire reconnaître le caractère professionnel de l'ensemble des activités qu'il exerçait dans cette société en 2012, sans distinguer selon les différentes composantes de celles-ci, moyen auquel le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés à son appui, a répondu au point 8 de son jugement, pour l'écarter. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut être accueilli.
Sur les conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu afférente à l'année 2012 :
5. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / I. - Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : / (...) 1° bis : des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. Il en est ainsi, notamment, lorsque la gestion de l'activité est confiée en droit ou en fait à une personne qui n'est pas un membre du foyer fiscal par l'effet d'un mandat, d'un contrat de travail ou de toute autre convention. Les déficits non déductibles pour ces motifs peuvent cependant être imputés sur les bénéfices tirés d'activités de même nature exercées dans les mêmes conditions, durant la même année ou les six années suivantes. Ces modalités d'imputation ne sont pas applicables aux déficits provenant de l'activité de location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés. (...) ".
6. Il ressort des travaux parlementaires relatifs à l'article 72 de la loi du 30 décembre 1995 de finances pour 1996, dont est issu le 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts, que le législateur a entendu exclure du bénéfice de l'imputation sur le revenu global du déficit issu d'une activité relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, les contribuables qui n'étaient pas effectivement et personnellement impliqués dans la gestion de l'entreprise.
7. M. C... soutient que, contrairement à ce qu'a estimé l'administration, les déficits résultant des frais financiers liés à la construction de l'hôtel-restaurant " Le Kaila ", d'une part, et les déficits résultant de l'activité de location gérance de l'hôtel-restaurant " La Chaudanne ", confiée à la SNC L'Eterlou et des travaux de rénovation de ce même hôtel, d'autre part, doivent être imputés sur son revenu global, en raison de sa participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à ces opérations, au titre de l'exercice de la SNC SDF C... ouvert le 1er décembre 2011 et clos le 30 novembre 2012.
8. Il est constant que l'exploitation de l'hôtel-restaurant " La Chaudanne " a été confiée à la SNC L'Eterlou au moyen d'un contrat de location gérance, tel que prévu à l'article L. 144-1 du code de commerce, lequel implique que l'exploitation du fond de commerce est exercée par le locataire-gérant à ses risques et périls. Les dispositions précitées du 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts excluent, par leurs termes mêmes, toute possibilité d'imputation des déficits provenant d'une telle activité de location-gérance. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction que la SNC SDF C... interviendrait, d'une quelconque manière, dans l'activité de restauration-hôtellerie de sa locataire-gérante, la circonstance que M. C... soit également associé de la SNC l'Eterlou et qu'il supervise la gestion de l'ensemble des hôtels du groupe qu'il a créé, étant, à cet égard, sans incidence. Enfin, si la SNC SDF C... a réalisé, au cours de l'exercice clos en 2012, des travaux de rénovation de l'hôtel-restaurant " La Chaudanne ", cette circonstance ne caractérise pas, en soi, l'exercice d'une activité, mais la réalisation d'actes nécessaires à l'entretien et la rénovation d'un bâtiment inscrit à l'actif de son bilan.
9. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que si la SNC SDF C... a pu, au titre de son exercice clos 2012, pour lequel les dispositions des II, III et IV de l'article 155 du code général des impôts, issues de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, n'étaient pas applicables, affecter l'ensemble des recettes et dépenses réalisées par elle, y compris dans le cadre de l'exercice d'une activité de nature civile, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, il n'en demeure pas moins que la construction de l'hôtel-restaurant " Le Kaila ", à laquelle cette société a procédé, revêt, en principe, un caractère civil et non un caractère commercial. De plus, et en tout état de cause, ni la participation de M. C... à la conception du projet, ni les démarches administratives qu'il a accomplies à cet égard, non plus que le suivi des travaux, réalisés par des tiers, ne permettent de caractériser l'exercice, par l'intéressé, d'une activité à titre professionnel.
10. Il résulte de ce qui précède que c'est par une exacte application des dispositions précitées du 1° bis du I. de l'article 156 du code général des impôts que l'administration fiscale a remis en cause l'imputation, sur le revenu global de M. C..., du déficit industriel et commercial global constaté, en 2012, par la SNC-SDF C....
En ce qui concerne les prélèvements sociaux de l'année 2013 :
11. M. C... soutient que sa participation personnelle, directe et continue découle de son implication dans la gestion de l'ensemble des sociétés et hôtels du groupe familial. Il indique que, dans cette mesure, la location des murs de l'hôtel-restaurant " Le Kaila " doit s'analyser comme la poursuite d'une activité économique intégrée.
12. Toutefois, l'activité de location des murs de l'hôtel " Le Kaila ", à laquelle la SNC SDF C... s'est livrée au titre de son exercice clos en 2013, revêt, par nature, un caractère civil et les revenus qu'elle en a tirés ont, par conséquent, été analysés par le service, à l'issue du contrôle dont elle a fait l'objet, comme des revenus fonciers et imposés, à ce titre, entre les mains de M. C..., à hauteur de sa participation dans le capital social. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que le bail consenti à la SARL Le Kaila ne comporte pas de clause ayant pour objet ou pour effet d'associer le bailleur aux résultats de l'exploitation et que le loyer est fixé indépendamment du chiffre d'affaires et des résultats de la société locataire, la circonstance que la SNC SDF C... détienne 25,33 % des parts de la SARL Le Kaila, dont M. C... est le co-gérant, n'étant pas, à elle seule, de nature à conférer à cette activité de location un caractère commercial. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a imposé M. C..., à raison des bénéfices réalisés dans le cadre de l'activité de location exercée par la SNC SDF C..., dans la catégorie des revenus fonciers et l'a assujetti aux contributions sociales au titre de l'année 2013.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,
M. Porée, premier conseiller,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2024.
Le rapporteur,
J.-S. Laval
La présidente,
A. Courbon
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY01782