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20/06/2024 | FRANCE | N°23LY02551

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 20 juin 2024, 23LY02551


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SAS Chicherit Immobilier Investissements (C2I) a demandé au tribunal administratif de Grenoble le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 700 000 euros constaté au titre de la période du 1er au 29 février 2020.



Par un jugement n° 2007109 du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, la SAS Chi

cherit Immobilier Investissements (C2I), représentée par Me Houriez, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Chicherit Immobilier Investissements (C2I) a demandé au tribunal administratif de Grenoble le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 700 000 euros constaté au titre de la période du 1er au 29 février 2020.

Par un jugement n° 2007109 du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, la SAS Chicherit Immobilier Investissements (C2I), représentée par Me Houriez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens.

Elle soutient que :

- la relation entre le service rendu et le prix perçu est incontestable lorsque le prix est fixé dans le cadre d'un contrat ; les parties se sont mises d'accord sur les modalités de fixation et de paiement du prix à hauteur de 3 080 000 euros dans l'acte de résolution de contrat de vente en l'état futur d'achèvement du 21 février 2020, et ainsi la différence entre le prix de vente initial à la société MMG et le prix de rachat du bien immobilier suite à la résolution de la vente résulte d'un accord synallagmatique entre les parties à cet acte de résolution ;

- le complément de prix de 1 181 195 euros trouve sa contrepartie dans la possibilité de récupérer le chalet pour son usage personnel et exploiter l'ensemble immobilier dans lequel le lot revendu est situé, ainsi que dans le remboursement des aménagements réalisés par la société MMG entraînant une prise de valeur du bien immobilier ;

- le prix de 3 080 000 euros correspond à la valeur de marché du chalet à la date de la résolution de l'acte de vente à la société MMG ;

- la somme de 3 080 000 euros versée à la société MMG ne correspond pas à la réparation d'un préjudice.

Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande est irrecevable à hauteur de la somme de 501 134 euros qui a été remboursée à la suite de la décision d'acceptation partielle de la réclamation ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte notarié du 28 juillet 2016, la SAS C2I a acquis des parcelles de terrain à bâtir à Tignes (Savoie) en vue de faire construire un ensemble immobilier comprenant cinq chalets à usage d'hébergement touristique dans le cadre de courts séjours. Par acte notarié du même jour, elle a vendu à la société MMG, en l'état futur d'achèvement, le lot n° 15 correspondant à un appartement meublé, le lot n° 14 correspondant à une réserve à usage de skiroom et le lot n° 3 correspondant à un garage, moyennant un prix de 1 898 804,78 euros incluant la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 316 467 euros. Par acte notarié du 21 février 2020, les sociétés ont procédé à la résolution amiable de la vente moyennant le versement par la SAS C2I à la société MMG d'une " indemnité " de 3 080 000 euros incluant, selon l'acte, une taxe sur la valeur ajoutée de 513 333 euros. La SAS C2I a porté ce montant en déduction de la taxe collectée dans sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée souscrite au titre de février 2020. Compte tenu de la taxe déductible de 51 586 euros dont elle disposait par ailleurs et d'un crédit de taxe reporté de sa précédente déclaration de 149 611 euros, la SAS C2I a ainsi déclaré être titulaire d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 714 530 euros dont elle a demandé le remboursement à hauteur de 700 000 euros. Par une décision du 9 septembre 2020, le directeur départemental des finances publiques de la Savoie a fait partiellement droit à sa demande, à concurrence de 501 134 euros, en admettant que la partie de la somme de 3 080 000 euros payée par la SAS C2I, correspondant à la restitution du prix de vente était taxable à la taxe sur la valeur ajoutée, limitant ainsi à 316 467 euros le remboursement de taxe à ce titre. La SAS C2I relève appel du jugement du 31 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 700 000 euros.

2. Aux termes du I. de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...). ".

3. Il résulte de ces dispositions que le versement d'une somme par un débiteur à son créancier ne peut être regardé comme la contrepartie d'une livraison de bien ou d'une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée qu'à la condition qu'il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable. N'est, en revanche, pas soumis à cette taxe le versement d'une indemnité qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi par le créancier du fait du débiteur.

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée.

5. La SAS C2I soutient que, nonobstant la mention portée dans l'acte de résolution de la vente qualifiant d'indemnité la somme versée à la SARL MMG, que la partie de la somme excédant le prix payé en 2016 par la SARL MMG pour l'acquisition des lots, n'a pas pour objet de réparer un préjudice subi par cette société mais constitue un complément de prix rémunérant un service rendu par celle-ci consistant, d'une part, à libérer les lieux afin de lui permettre d'exploiter elle-même le bien dans des conditions différentes, et d'autre part, à avoir réalisé divers aménagements dans les locaux dont elle était propriétaire. Toutefois, la libération des locaux qu'implique en principe la résolution de la vente et la restitution du prix à l'acquéreur, ne peut, par elle-même, être regardée comme une prestation de service à titre onéreux rendue au vendeur. Et la SAS C2I ne justifie, pas plus en appel qu'en première instance, la nécessité pour elle de reprendre l'exploitation du bien en 2020 alors qu'il ressort des énonciations du protocole d'accord conclu avec la SARL MMG le 12 juin 2019, qu'elle a produit, pour la première fois, en appel, qu'elle avait l'intention de commercialiser le bien dès l'achèvement de la construction. Il ne ressort ni de ce protocole, ni de l'avenant conclu à ce protocole, ni des actes notariés ni d'aucune autre pièce du dossier que la société MMG aurait réalisé des aménagements dans les lots acquis en l'état futur d'achèvement en 2016 et dont le prix incluait d'ailleurs un montant de 245 024 euros identifié comme se rapportant aux meubles et objets mobiliers. La circonstance que la différence entre le prix de vente et le prix de rachat résulte d'un accord synallagmatique entre les parties au protocole est à cet égard sans incidence, de même que la circonstance que la valeur vénale du bien serait de 3 700 000 euros à la date de la résolution. Il suit de là que la partie de la somme versée par la société requérante excédant le montant du prix restitué à la suite de la résolution de la vente ne peut être regardée comme entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la SAS Chicherit Immobilier Investissements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux dépens de l'instance doivent en tout état de cause être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Chicherit Immobilier Investissements est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Chicherit Immobilier Investissements (C2I) et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02551


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02551
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARMAND - CHAT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23ly02551 ?
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