Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ;
Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 24 juillet 1996 sous le n 96LY01742, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ;
Le ministre demande à la Cour :
1 / d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n 91-1944 du 4 avril 1996 par lequel le Tribunal administratif de Nice a accordé à M. X... la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu établies en son nom au titre des années 1982 et 1984, ainsi que, dans la limite du dégrèvement correspondant aux salaires et revenus de traduction dont il reconnaît avoir eu la disposition au cours de l'année 1983, une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu établie à son nom au titre de ladite année ;
2 / de rétablir M. X... au rôle de l'impôt sur le revenu des années 1982, 1983 et 1984 à raison des droits et pénalités au taux de 25 % pour les années 1982 et 1984 et de 50 % pour l'année 1983, correspondant aux bases imposables respectivement de 449.140 F, 133.650 F et 377.510 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 1998 :
- le rapport de M. LUZI, président assesseur ;
- et les conclusions de M. BENOIT, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des termes de la notification de redressement du 7 avril 1986 adressée à M. X..., que l'administration l'a taxé d'office à l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 1983, sur le fondement des dispositions de l'article L.69 du livre des procédures fiscales pour défaut de réponse à une demande de justification et, au titre des années 1982 et 1984, sur le fondement de l'article L.66 du livre des procédures fiscales pour défaut de souscription des déclarations de revenus relatives à ces dites années ; qu'il est constant que cette notification de redressement ne mentionne pas explicitement la qualification catégorielle de ces revenus taxés d'office et que dans les avis d'imposition adressés à M. X... à l'issue de la procédure de redressement précitée, les revenus imposés ont été portés dans la colonne réservée aux revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant que l'administration est tenue de qualifier dans quelle catégorie de revenus elle entend classer les sommes imposées à l'issue d'une procédure de redressement ; que cette qualification catégorielle doit être explicitement mentionnée dans la notification de redressement ; qu'en l'absence, dans la notification de redressement, de la qualification catégorielle des revenus imposés, ces revenus doivent être regardés comme ayant été imposés dans la catégorie mentionnée dans les avis d'imposition ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la circonstance que les revenus ont été portés, dans les avis d'imposition, dans la colonne réservée aux revenus de capitaux mobiliers relèverait d'une erreur matérielle sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant, cependant, que l'administration demande qu'à la qualification primitive de capitaux de revenus mobiliers soit substituée celle de revenus d'origine indéterminée ; que, pour justifier des impositions litigieuses, l'administration est en droit de demander à tout moment de la procédure contentieuse qu'une nouvelle base légale, substituée à celle qu'elle avait primitivement retenue, soit donnée à ces impositions à la condition que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune des garanties prévues par la loi relative à la procédure d'imposition ; qu'aucune disposition ne s'oppose à ce que cette substitution soit demandée lorsque, comme en l'espèce, les revenus ont été primitivement imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant qu'en vertu de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements, elle peut, en outre, lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui ont été déclarés ; qu'aux termes de l'article L.69 du livre des procédures fiscales, "sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L.16." ;
Considérant qu'au titre de l'année 1983 M. X... avait déclaré un revenu de 58.436 F ; que le 3 mars 1986 l'administration lui a envoyé une demande de justification portant sur les crédits constatés sur ses comptes bancaires s'élevant à 150.013 F ; qu'eu égard à la discordance existant entre le montant des revenus déclarés et le montant des crédits bancaires constatés, l'administration était en droit de mettre en oeuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article L.16 précité ; que si M. X... soutient qu'il n'a pas reçu cette demande de justification, il résulte de l'instruction que le pli contenant cette demande a été envoyé en recommandé avec accusé de réception à l'adresse du contribuable connue de l'administration ; que ce pli a été retourné au service avec les mentions, "n'habite pas à l'adresse indiquée", "parti sans laisser d'adresse" ; que le receveur de la poste de Beausoleil a attesté par lettre du 6 juin 1986 que ce pli avait été présenté à l'adresse du contribuable ; que, par suite, l'administration établit que la demande de justifications dont s'agit a été régulièrement notifiée au contribuable ; que, dès lors, à défaut de réponse à ladite demande de justification M. X... s'est placé en situation d'être taxé d'office à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1983 ;
Considérant qu'en vertu des articles L.66 et L.67 du livre des procédures fiscales, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration d'ensemble de leurs revenus sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu s'ils n'ont pas régularisé leur situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure ;
Considérant qu'au titre des années 1982 et 1984 M. X... n'avait pas souscrit de déclarations de revenus ; que par lettre recommandée, avec accusé de réception, du 26 août 1985 l'administration l'a mis en demeure de souscrire les déclarations de revenu desdites années ; qu'il résulte de l'avis de réception postal joint au dossier que ce pli a été réceptionné le 29 août 1985 ; que M. X... n'établit pas que la personne qui a porté sa signature sur l'avis de réception n'aurait pas eu qualité pour recevoir le pli ; qu'en outre il résulte des termes mêmes de la lettre en date du 27 septembre 1985 qu'il a adressée à l'administration des impôts qu'à cette date il avait pris connaissance depuis "seulement quelques jours" de la mise en demeure du 26 août 1985 ; qu'il ne saurait donc prétendre ni qu'il n'a pas eu connaissance de cette mise en demeure ni qu'elle a été irrégulièrement notifiée ; que, dès lors, M. X... qui n'a pas déféré à la mise en demeure d'avoir à souscrire ses déclarations de revenus s'est placé en situation d'être taxé d'office à l'impôt sur le revenu au titre des années 1982 et 1984 ;
Considérant que, pour établir le montant des impositions des années 1982 et 1984, l'administration a demandé au contribuable par lettre en date du 4 mars 1986 de justifier des crédits constatés sur ses comptes bancaires ; qu'il résulte de l'instruction que le pli contenant cette demande a été envoyé en recommandé avec accusé de réception à l'adresse du contribuable connue de l'administration ; que ce pli a été retourné au service avec les mentions, "n'habite pas à l'adresse indiquée," "parti sans laisser d'adresse" ; que le receveur de la poste de Beausoleil a attesté par lettre du 6 juin 1986 que ce pli avait été présenté à l'adresse du contribuable ; que M. X... ne peut prétendre que ce pli lui a été irrégulièrement notifié ;
Considérant que la notification de redressement portant sur les années 1982, 1983 et 1984 a été envoyée par lettre en date du 7 avril 1986 en recommandée avec accusé de réception, à l'adresse du contribuable connue de l'administration ; qu'il résulte des mentions portées sur le pli contenant cette notification de redressement et de l'attestation produite par le receveur de la poste de Beausoleil que ce pli a été renvoyé à l'administration après avoir fait l'objet de deux présentations au contribuable ; que M. X... ne peut prétendre que la notification de redressement n'a pas fait l'objet d'une notification régulière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'ayant été privé d'aucune des garanties de procédure dont bénéficient les contribuables taxés d'office, il ne peut utilement soutenir que la demande de substitution de base légale aurait dû être précédée d'un dégrèvement des impositions litigieuses et de la mise en oeuvre de la procédure de redressement afférente au nouveau fondement légal ; qu'à les supposer mêmes établis, les moyens tirés d'une part, de ce que les impositions en cause seraient prescrites et qu'ainsi les garanties dont bénéficie le contribuable en matière de recouvrement auraient été méconnues, et d'autre part, que l'administration n'aurait pas exécuté le jugement attaqué du Tribunal administratif sont inopérants ; que l'administration est, dès lors, fondée à demander la substitution de base légale précitée ;
Considérant, par ailleurs, que M. X... qui supporte la charge de la preuve, en vertu des dispositions de l'article L.193 du livre des procédures fiscales, n'apporte aucun élément de nature à établir que les impositions auxquelles il a été assujetti seraient exagérées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander le rétablissement au rôle de l'impôt sur le revenu de M. X... au titre des années 1982,1983 et 1984 à raison des droits résultant de la réintégration dans les bases imposables respectivement de 449.140 F, 133.650 F et 377.510 F ;
Sur les pénalités :
Considérant que les majorations de droit qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher le réitération des agissements qu'elles visent et qui n'ont pas pour objet la réparation d'un préjudice pécuniaire doivent être établies selon les dispositions légales en vigueur à la date à laquelle le juge de l'impôt statue lorsque ces dispositions prévoient des sanctions plus douces que celles qui étaient en vigueur à la date à laquelle les infractions ont été commises ; qu'aux termes de l'article 2-1-a de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987 codifié à l'article 1727 du code général des impôts : "Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droit, taxes, redevances ou sommes établies ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions." ; que le II du même article, codifié à l'article 1728 du code précité dispose que : "Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes visées au paragraphe I s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti : de l'intérêt de retard visé au paragraphe I ... 2 et d'une majoration ... Cette majoration est portée : à 40 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à la produire dans ce délai ; ... " ; que le III du même article codifié à l'article 1729-1 du code précité dispose : "Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés au paragraphe II font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis la charge du contribuable est assorti : 1 De l'intérêt de retard visé au paragraphe I ... 2 Et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que les intérêts de retard n'ayant pas le caractère d'une sanction mais celui d'une réparation du préjudice pécuniaire subi par le Trésor en cas défaut de paiement ou de paiement tardif ou insuffisant, il convient pour apprécier si les sanctions de la loi précitée du 8 juillet 1987 sont plus douces que celles prévues par la législation antérieure de ne prendre en compte que les taux de majorations à l'exclusion des intérêts de retard ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 1733 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987 le taux de majoration applicable aux droits mis à la charge du contribuable en cas de défaut de déclaration dans les délais prescrits était fixé à 25 % lorsque la déclaration, comme en l'espèce, n'était pas parvenue à l'administration dans un délai de trente jours à partir de la notification d'une mise en demeure d'avoir à la produire dans ce délai ; que le taux de majoration prévu par l'article II - 2 précité de la loi du 8 juillet 1987 étant fixé à 40 %, il convient d'assortir les droits réclamés à M. X... au titre des années 1982 et 1984 de la majoration prévue par les dispositions antérieures à la loi précitée du 8 juillet 1987 ;
Considérant, en second lieu, qu'en vertu l'article 1729 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987, lorsque la mauvaise foi du contribuable était établie le taux de majoration applicable aux droits éludés était fixé à 50 % lorsque, comme en l'espèce, le montant de ces droits était supérieur à la moitié des droits réellement dus ; que le taux de majoration prévu par l'article III - 2 précité de la loi du 8 juillet 1987 étant fixé à 40 %, il convient de faire bénéficier M. X... de ces dispositions et d'assortir les droits supplémentaires qui lui ont été réclamés au titre de l'année 1983 d'une majoration au taux de 40 % ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les droits réclamés à M. X... seront assortis des intérêts de retard et des majorations au taux de 25 % au titre des années 1982 et 1984 et de 40 % au titre de l'année 1983 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article l. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L.8-1 que la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que, les conclusions présentées à ce titre par M. X... doivent, dès lors, être rejetées ;
Article 1er : M. X... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1982, 1983 et 1984 à raison des droits résultant de la réintégration dans les bases imposables des sommes respectivement de 449.140 F (quatre cent quarante neuf mille cent quarante francs), 133.650 F (cent trente trois mille six cent cinquante francs) et 377.510 F (trois cent soixante dix sept mille cinq cent dix francs).
Article 2 : Les droits visés à l'article précédent seront assortis des intérêts de retard et des majorations au taux de 25 % au titre des années 1982 et 1984 et de 40 % au titre de l'année 1983.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 4 avril 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions de M. X... sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.