Vu 1°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 janvier 2000 sous le n° 00MA00003, présentée pour la commune de CARPENTRAS, par la SCP PENARD-MARIN, avocat ;
La commune de CARPENTRAS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 novembre 1999 rendu dans les instances n° 98.6225/6299, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, à la demande de X... Arlette TRINIDAD :
- annulé l'arrêté du maire du 29 juin 1998 l'ayant licenciée pour insuffisance professionnelle ;
- ordonné la réintégration de l'intéressée à compter du 1er juillet 1998 ;
- condamné la commune à lui verser une indemnité représentative des salaires non perçus et 10.000 F au titre du préjudice moral ;
- condamné la commune à lui verser 5.000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
- prononcé le non-lieu sur les conclusions à fin de sursis à exécution de l'arrêté du 29 juin 1998 ;
2°) de rejeter la demande de Mme TRINIDAD ;
3°) de condamner Mme Z... à verser à la commune la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille les 30 mars 2000 et 21 avril 2000, présentés par X... Arlette TRINIDAD qui conclut :
1°) au rejet de la requête de la commune de CARPENTRAS ;
2°) à l'exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2000 :
- le rapport de Mme NAKACHE, premier conseiller;
- les observations de Me Y... pour la commune de CARPENTRAS ;
- les observations de Mme TRINIDAD ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Sur la légalité de l'arrêté du 29 juin 1998 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 93 de la loi du 26 janvier 1984 :
"Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire" ;
Considérant que si l'article 91 du même texte prévoit que les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire des 2°, 3° et 4° groupe peuvent saisir le conseil de discipline de recours et que l'autorité territoriale ne peut alors prononcer de sanction plus sévère que celle prononcée par ledit conseil, cette dernière règle, liée à l'existence en matière disciplinaire d'une échelle de sanctions entre lesquelles les autorités qualifiées peuvent choisir, n'est pas transposable dans le cas d'insuffisance professionnelle où la seule mesure qui peut intervenir est l'éviction de l'intéressée ; qu'ainsi cette disposition est au nombre de celles qui ne sont pas applicables au licenciement pour insuffisance professionnelle , que lors de sa séance du 5 novembre 1998, le conseil de discipline de recours n'a émis qu'un avis défavorable au licenciement de Mme TRINIDAD, lequel ne liait pas l'autorité communale, qu'il s'ensuit que la commune de CARPENTRAS est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait référence, dans les motifs du jugement attaqué, audit avis défavorable du conseil de discipline de recours en estimant que le maire était tenu de s'y conformer ;
Considérant, toutefois, que le tribunal administratif a également, pour fonder le jugement attaqué, examiné l'appréciation faite par l'autorité communale des compétences professionnelles de Mme TRINIDAD au regard des rapports d'inspection sur lesquels elle s'est fondée et des divers témoignages et documents fournis par l'intéressée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme TRINIDAD a rencontré des difficultés dans l'exercice de ses fonctions à partir de 1993-1994 ; qu'elle a fait l'objet en janvier 1996 d'une inspection dans le cadre de la procédure de maintien de l'agrément dont bénéficie l'école municipale de musique où elle exerce les fonctions d'adjointe d'enseignement titulaire depuis 1985, puis d'une seconde inspection technique en mai 1997 par deux professeurs de chant et le même inspecteur régional de la création et des enseignements artistiques ; que même si les témoignages de satisfaction d'élèves ou de parents d'élèves de Mme TRINIDAD ne sont pas suffisants, en raison de l'absence de qualification de ces personnes, pour remettre en cause les appréciations défavorables concordantes des deux rapports d'inspection, Mme TRINIDAD justifie posséder des diplômes de chant lyrique et avoir effectué divers stages de musique ou de chant choral depuis son recrutement comme vacataire en 1979, avoir organisé des spectacles avec ses élèves et effectué des remplacements satisfaisants dans d'autres conservatoires ; qu'en outre, elle justifie de qualités vocales non contestées ; qu'enfin, compte tenu du niveau de son grade d'adjointe, la commune ne pouvait exiger d'elle des qualités techniques et pédagogiques comparables à celles requises d'un professeur de chant ; qu'il s'ensuit que, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la décision de la licencier pour insuffisance professionnelle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il y a lieu de confirmer, en conséquence, l'annulation de l'arrêté du 29 juin 1998 laquelle implique nécessairement que la commune procède à la réintégration de Mme TRINIDAD dans ses fonctions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de CARPENTRAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par les articles 1 et 2 du jugement attaqué du 10 novembre 1999 le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 29 juin 1998 et enjoint au maire de CARPENTRAS de réintégrer Mme TRINIDAD dans ses fonctions dans les deux mois de la notification dudit jugement ;
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnités ;
Considérant, en premier lieu, que, ainsi que l'ont relevé les premiers juges Mme TRINIDAD ne peut, en l'absence de service fait, prétendre au versement des salaires correspondant à la période courant entre le 1er juillet 1998 et sa date de réintégration ; qu'elle est, toutefois, fondée à obtenir réparation du préjudice matériel né de la perte de revenus subi du fait de son éviction illégale du service pendant la période considérée ; que ce préjudice est constitué par la différence entre les traitements qu'elle aurait perçus en situation d'activité et les diverses sommes perçues par elle pendant ladite période y compris l'indemnité de licenciement qui lui a été versée ainsi que l'avait prévu la décision litigieuse du 29 mars 1988 (soit 115.410,93 F), les allocations de chômage dégressives qui lui ont été versées par la commune (soit 202,01 F brut par jour pendant 609 jours à compter du 11 août 1998) et l'allocation à taux dégressif (0,85 par tranche de 182 jours pendant les 25 mois suivants ou le cas échéant jusqu'à sa réintégration), ainsi que tout autre revenu qu'elle aurait perçu du fait de sa situation au cours de cette période ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de chiffrer exactement les indemnités dues à ce titre ; qu'il y a lieu de renvoyer Mme TRINIDAD devant la commune aux fins de liquidation, comme l'a fait le tribunal administratif, selon les modalités de calcul ci-dessus définies ;
Considérant, en second lieu, que la commune n'apporte aucun élément de nature à établir que les premiers juges auraient fait une excessive appréciation du préjudice moral subi par Mme TRINIDAD en lui allouant de ce chef une indemnité de 10.000 F ; qu'il s'ensuit que la commune, qui ne développe d'ailleurs aucun moyen précis sur ce point, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a mis à sa charge lesdites condamnations ;
Sur les conclusions incidentes de Mme TRINIDAD :
Considérant que dans le dernier état de ses écritures Mme TRINIDAD demande à la Cour la liquidation des astreintes dues depuis le 18 janvier 2000, date d'expiration du délai imparti à la commune de CARPENTRAS par le tribunal administratif pour l'exécution du jugement attaqué ;
Considérant, toutefois, qu'une telle demande doit être présentée devant le tribunal qui a prononcé l'astreinte, même si son jugement est frappé d'appel ; que dans ces conditions la demande de Mme TRINIDAD, présentée directement devant la Cour est irrecevable et doit être rejetée ;
Sur l'application de l'article L. 8-1, du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la commune de CARPENTRAS, partie perdante, bénéficie du remboursement de ses frais d'instance ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'allouer à Mme TRINIDAD, qui ne justifie pas avoir exposé de frais d'instance, la somme réclamée sur le fondement dudit article L. 8-1 ;
Article 1er : La requête de la commune de CARPENTRAS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme TRINIDAD tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par le tribunal administratif et à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de CARPENTRAS, à Mme TRINIDAD et au ministre de l'intérieur.