Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 21 août 1998 sous le n° 98MA01429, présentée pour la SOCIETE BORDELAISE DE CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC), dont le siège social est situé ..., par la S.C.P. BRUGUES SARRIC, avocat ;
La SOCIETE BORDELAISE DE CIC demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 11 juin 1998 rendu dans l'instance n° 93-706 rejetant sa requête tendant à la condamnation de la commune de MARSEILLAN à lui payer la somme en principal de 753.917,74 F due au titre de la cession de créance opérée à son bénéfice par la S.A.R.L. Catala Boixados, titulaire du lot gros oeuvre du marché conclu le 7 mai 1991 pour la construction d'un groupe scolaire
2°) de condamner la commune de MARSEILLAN et la société ETEC à lui payer la somme de 753.917,74 F dont s'agit ;
3°) de lui donner acte de ce qu'elle entend solliciter une capitalisation des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour, de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2000 :
- le rapport de Mme NAKACHE, premier conseiller ;
- les observations de Me X... de la S.C.P. COULOMBIE-GRAS pour la commune de MARSEILLAN ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Sur la recevabilité des conclusions à fin de condamnation dirigées contre le maître d'oeuvre ETEC :
Considérant que la SOCIETE BORDELAISE DE CIC demande la condamnation de la commune de MARSEILLAN et de la société ETEC à lui payer la somme réclamée ; que devant les premiers juges, elle ne dirigeait ses conclusions que contre la commune ; que ses conclusions tendant à la condamnation du maître d'oeuvre, présentées pour la première fois devant la Cour, ont le caractère d'une demande nouvelle et sont, par suite, irrecevables ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi susvisée du 2 janvier 1981 : "La cession ... prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau. A compter de cette date, le client de l'établissement de crédit bénéficiaire du bordereau ne peut sans l'accord de cet établissement, modifier l'étendue des droits attachés aux créances représentées par ce bordereau" ; qu'aux termes de l'article 5 : "L'établissement de crédit peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ... de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, dont les formes seront fixées par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 13, le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit" ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret : "La notification prévue à l'article 5 de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 peut être faite par tout moyen... En cas de litige, l'établissement qui a notifié doit apporter la preuve de la connaissance par le débiteur de la notification selon les règles de preuve applicables au débiteur de la créance cédée ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article 189 du code des marchés publics : "En cas de notification, l'exemplaire unique du marché prévu à l'article 188 doit être remis au comptable assignataire en tant que pièce justificative pour le paiement" ; et qu'aux termes de l'article 6 du décret du 3 décembre 1985 : "La notification prévue à l'article 5 de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 est adressée au comptable public assignataire ..." ;
Considérant, en premier lieu, que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont, seul, le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties ; que les dispositions de la loi du 2 janvier 1981 précitées, qui ne sauraient conférer au cessionnaire à l'égard du maître d'ouvrage plus de droits que n'en a le cédant, n'ont eu ni pour objet, ni pour effet, de rendre inapplicable au cessionnaire d'une créance née de l'exécution d'un marché de travaux publics le principe ci-dessus énoncé; que, par suite, la SOCIETE BORDELAISE DE CIC qui ne saurait avoir plus de droits que l'entreprise Catala Boixados qui lui a cédé sa créance fondée sur un état d'acompte provisoire ne pouvait se prévaloir à l'encontre de la commune de MARSEILLAN d'une créance qui ne pouvait naître que d'un décompte définitif ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la S.A.R.L. Catala Boixados, titulaire du lot n° 1 gros oeuvre du marché passé le 7 mai 1991 par la commune de MARSEILLAN en vue de la construction du groupe scolaire, a présenté le 15 novembre 1991, un décompte pour l'acompte mensuel n° 4 correspondant à sa facture établie le 25 octobre 1991, pour un montant de 811.290,05 F TTC ; que celui-ci a été visé par le maître d'oeuvre, le bureau d'études techniques ETEC ; que la S.A.R.L. Catala Boixados a cédé sa créance conjointement et solidairement à la SOCIETE BORDELAISE DE CIC et à la société de crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) en application de la loi du 2 janvier 1981, selon le bordereau du 20 août 1991 ; qu'il n'est pas contesté que cette cession de créance ait été régulièrement notifiée au comptable assignataire de la commune de MARSEILLAN ; que la commune ne l'a toutefois pas acceptée au sens de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1981 ; qu'elle pouvait donc opposer à la demande de paiement formulée par l'établissement de crédit cessionnaire l'exception tirée de ses rapports avec l'entreprise cédante et notamment la réduction du montant de l'acompte à raison de l'insuffisance des prestations réalisées ;
Considérant qu'à la suite du contrôle effectué sur le chantier, le maître d'oeuvre ETEC a rectifié l'état d'acompte n° 4 qu'il avait visé le 15 novembre 1991 et a adressé le 27 novembre 1991 à la commune maître d'ouvrage, un décompte rectifié à la somme de 57.372,31 F ; que ladite somme a été mandatée et payée par le comptable assignataire au profit du CEPME, cessionnaire solidaire ;
Considérant que la SOCIETE BORDELAISE DU CIC qui réclame le paiement du solde de la créance cédée soit 753.917,74 F n'apporte ni devant les premiers juges, ni devant la Cour d'élément de nature à établir que les constatations opérées par le maître d'oeuvre qui l'ont conduit à évaluer les travaux effectués à la somme de 57.372,31 F pour la situation de travaux n° 4 étaient erronées ; que le maître d'oeuvre était en droit de rectifier le décompte n° 4 aux fins de réduire cette avance, compte tenu des travaux effectivement réalisés ; qu'il s'ensuit que la commune était en droit de réduire ladite avance en l'imputant sur la créance dont la banque était cessionnaire ;
Considérant, en dernier lieu, que la SOCIETE BORDELAISE DE CIC entend rechercher la responsabilité du maître de l'ouvrage à raison de la faute qu'il aurait commise en n'informant pas l'établissement de crédit cessionnaire de la réduction de la créance détenue par sa cliente l'entreprise Catala Boixados ;
Considérant que la délivrance dans les conditions prévues par le code des marchés publics de décomptes des droits constatés entachés d'inexactitude est de nature, le cas échéant, à engager la responsabilité pécuniaire de l'administration envers la banque cessionnaire de la créance de l'entreprise sur le maître de l'ouvrage ; que, toutefois, la SOCIETE BORDELAISE DE CIC a escompté les sommes litigieuses figurant sur la situation de travaux n° 4 au bénéfice de sa cliente, au vu des seules attestations délivrées à l'entreprise par le maître d'oeuvre sans s'informer auprès du maître de l'ouvrage si ce dernier était disposé à régler la situation en question ; que l'erreur commise, dans un premier temps, par le maître d'oeuvre ne saurait engager la responsabilité du maître de l'ouvrage à l'égard de la requérante ; que la commune de MARSEILLAN a informé le 29 novembre 1991, l'entreprise cédante de ce que le montant de l'acompte mensuel n° 4 serait diminué ; que n'ayant pas accepté la cession de créance au sens de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1981, ni le maître de l'ouvrage, ni le comptable assignataire n'avaient l'obligation d'informer l'établissement de crédit de cette modification ; que, par suite, la SOCIETE BORDELAISE DE CIC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a estimé que cette absence d'information en provenance de la commune ne constituait pas une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité envers l'établissement de crédit et a, en conséquence, rejeté sa demande; qu'il s'ensuit que sa demande tendant à la capitalisation des intérêts dont il n'appartient pas à la Cour de donner acte doit également être rejetée ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la commune de MARSEILLAN tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE BORDELAISE DE CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de MARSEILLAN tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE BORDELAISE DE CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, à la commune de MARSEILLAN et au ministre de l'intérieur.