Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 6 août 2002, sous le n°02MA01524, présentée pour Mme Elisabeth veuve Y, M. Patrice Y, M. Frédéric Y, demeurant n° ..., par la SCP Camps et Guillermou, avocats à la Cour ;
L'hoirie Y demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n°01 2358 en date du 14 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser à Mme veuve Elisabeth Y la somme de 539.261,88 F et à MM. Patrice et Frédéric Y la somme de 100.000 F chacun ;
2°/ de déclarer l'Etat (ministère de la défense) entièrement responsable de l'accident à l'issue duquel M. André Y, leur mari et père, a trouvé la mort et de le condamner à verser à Mme veuve Elisabeth Y les sommes de 51.270,14 euros et de 30.489,80 euros, à MM Patrice et Frédéric Y la somme de 15.244,90 euros chacun, en réparation du préjudice qu'ils ont subi, et à leur verser une somme de 4.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Classement CNIJ : 67-02-02-02
C
Elle soutient que la chute mortelle de M. André Y est due au basculement d'une plaque de caniveau technique déboîtée de son logement et située à proximité du chantier sur lequel travaillait la victime ; que, la plaque en cause étant complètement dissociable de l'ouvrage public constitué par la chaudière sur laquelle travaillait la victime, celle-ci a la qualité de tiers par rapport au dit ouvrage, et non pas de participant au travail public comme l'ont retenu les premiers juges ; que la responsabilité sans faute de l'Etat doit ainsi être engagée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 octobre 2002, présenté pour la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (C.P.A.M) du Var, représentée par son directeur en exercice, par Me Depieds, avocat à la Cour ;
La C.P.A.M demande à la Cour l'annulation du jugement attaqué et la condamnation de l'Etat à lui rembourser les prestations versées à la suite de l'accident mortel dont a été victime M. André Y ;
Elle soutient qu'elle a été amenée à prendre en charge l'intéressé à la suite de l'accident survenu le 8 mars 1999 et qu'elle a servi des prestations dont le décompte n'est pas établi à ce jour ;
Vu la télécopie du mémoire en défense enregistrée le 19 mai 2003, présentée pour le ministre de la défense ;
Le ministre demande à la Cour le rejet de la requête ;
Il soutient que les décisions de jurisprudence citées par les requérants sont totalement étrangères aux faits de l'espèce ; que la plaque métallique sur laquelle a glissé la victime faisait partie intégrante du chantier de remplacement de la chaudière ; que la pause prise par l'intéressé est inséparable du travail public à l'égard duquel il avait bien la qualité de participant ; que les requérants n'apportent pas la preuve ni de la faute commise par le maître d'ouvrage ni du lien de cause à effet entre les circonstances alléguées et le décès ; que la demande de la C.P.A.M n'est pas davantage fondée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2003 ;
- le rapport de M. Pocheron, premier conseiller ;
- les observations de Me Guillermou, de la SCP Camps Guillermou pour Mme Y , M. Y Patrice et M. Y Frédéric ;
- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en exécution du marché de travaux conclu entre le ministère de la défense et la société Thermindus, M. André Y, employé de cette société, avait été chargé le 8 mars 1999 du démontage en vue de son remplacement de la chaudière n° 1 du hangar 3 de la base aéronavale d'Hyères (Var) ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des témoignages de MM. Ouari et Rousset, collègues de l'intéressé, recueillis par la brigade de gendarmerie d'Hyères et du rapport de l'inspecteur du travail dans les armées, que vers 14H15 ce jour-là, alors qu'il se dirigeait vers la sortie du local pour fumer une cigarette à l'extérieur, M. Y faisait une chute mortelle après avoir été déséquilibré par le basculement d'une plaque technique cédant sous son pied droit ;
Considérant que la responsabilité d'un maître d'ouvrage public ne peut être engagée qu'à la condition qu'un lien direct de causalité entre la présence ou le fonctionnement de cet ouvrage et le dommage allégué soit établi ; qu'en l'espèce, s'il est constant, comme il vient d'être dit, que M. Y en quittant le lieu de son travail, a trébuché après avoir posé le pied sur une plaque métallique recouvrant un caniveau technique laquelle a basculé sous ses pas, il ne résulte pas formellement de l'instruction que cette circonstance ait constitué l'origine directe et certaine de son décès ; que le rapport d'autopsie n'indique notamment aucune anomalie d'ordre pathologique, organique ou traumatique ayant pu expliquer la mort, les résultats de l'analyse toxicologique des prélèvements effectués n'ayant pas été produits et le médecin légiste ayant confirmé avoir conclu à une mort naturelle ; qu'en outre, les témoignages versés au dossier, s'ils attestent des circonstances susrelatées, révèlent également la relative absence de réaction appropriée de la victime pour amortir sa chute et ne permettent nullement de déterminer si son décès est imputable à cette chute, M. Y étant apparu comme étant sans force dès avant d'avoir heurté le sol ou un quelconque obstacle ; que, dans ces conditions, le lien direct de causalité entre le dommage et l'ouvrage incriminé ne saurait être regardé comme établi ; qu'il s'ensuit dès lors, sans qu'il y ait même lieu de s'interroger sur la qualité de la victime à l'égard dudit ouvrage, que l'hoirie Y et la CPAM du Var ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes ;
SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE L.761-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer la hoirie Y la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme Elisabeth veuve Y, et de MM. Patrice et Frédéric Y, ainsi que les conclusions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme veuve Elisabeth Y, à M. Patrice Y, à M. Frédéric Y, au directeur de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var et au ministre de la défense ;
Délibéré à l'issue de l'audience du 23 septembre 2003, où siégeaient :
Mme Bonmati, président de chambre,
M. Moussaron, président assesseur,
M. Pocheron, premier conseiller,
assistés de Mlle Ranvier, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 20 octobre 2003.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Dominique Bonmati Michel Pocheron
Le greffier,
Signé
Patricia Ranvier
La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N° 02MA01524 2