Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le
28 mars 2002 sous le n° 02MA00551 présentée pour la société anonyme BUROMAG-UGOLINI, dont le siège social est situé R.N. ..., par Me Jean-Michel Y..., avocat ;
Classement CNIJ : 39-05-01-03
C
La société anonyme BUROMAG-UGOLINI demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement du 20 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Haute-Corse à lui verser la somme de 328.491,75 F représentant le montant des pénalités de retard que le département lui a infligé à tort à la suite du retard qui a affecté la réalisation du nouvel Hôtel du département ;
2°/ de condamner le département de la Haute-Corse à lui verser la dite somme ;
3°/ de condamner le département de la Haute-Corse à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
Elle soutient qu'un certain nombre d'éléments factuels n'ont pas été pris en compte par le jugement dont il est fait appel ; qu'ainsi certaines prestations du marché dont elle était titulaire n'avaient pas été définies précisément par la collectivité à la date du 14 novembre 1996 alors que le délai d'achèvement des travaux était écoulé ; qu'ainsi aucun délai ne pouvait courir pour les prestations non définies ; que les différents contrordres émanant de la maîtrise d'oeuvre et de la maîtrise d'ouvrage ont considérablement perturbé le calendrier des travaux ; qu'il en est de même des retards accumulés par les travaux d'autres entreprises adjudicataires ; qu'ainsi le délai contractuel initial n'a pas été dépassé ; qu'il ressort des comptes rendus de réunions de chantier que le maître d'ouvrage comme le maître d'oeuvre avaient parfaitement conscience de ce que les retards ne lui étaient pas imputables ; que dans ces conditions il ne pouvait lui être fait reproche de ne pas avoir sollicité de délais supplémentaires ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 8 juillet 2002, présenté pour le département de la Haute-Corse, représenté par son président en exercice, par
Me Josette X..., avocate ;
Le département de la Haute-Corse demande à la Cour, d'une part, de rejeter la requête et, d'autre part, de condamner la société requérante à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le juge ne peut annuler les sanctions prises par l'Administration à l'encontre de son cocontractant mais seulement la condamner en cas de sanction irrégulière à des dommages intérêts ; que le retard constaté incombe exclusivement à la société requérante ; que le délai contractuel de livraison courait à compter de l'ordre de service de commencer les travaux notifié le 26 août 1996 ; qu'il n'était pas tenu de procéder à une mise en demeure avant d'appliquer des pénalités ; qu'il appartenait à la S.A. BUROMAG-UGOLINI de solliciter une prolongation de délai conformément à l'article 10-3 du cahier des clauses administratives générales dès lors qu'elle estimait que le dépassement du délai contractuel n'engageait pas sa responsabilité ; que faute de prolongation du délai, il était tenu d'appliquer les pénalités de retard ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe le 20 septembre 2002, présenté pour la S.A. BUROMAG-UGOLINI ; celle-ci conclut aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens ; elle demande, en outre, que la somme que le département de Haute-Corse doit être condamné à lui payer produise intérêts à compter du 25 juin 1999, date de la demande initiale ; que les intérêts échus à compter du 25 juin 2000 soient capitalisés annuellement pour produire eux-mêmes intérêts ;
Elle soutient que de toutes les entreprises intervenantes dans cette opération elle est la seule à faire l'objet d'une mesure quasi discriminatoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2004 :
- le rapport de M. FIRMIN, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;
Considérant que, par un marché négocié conclu le 23 août 1996 après appel d'offres restreint, le département de la Haute-Corse a confié aux sociétés BUROMAG-UGOLINI et Z... France, entrepreneurs groupés solidaires, la réalisation du lot n° 2 - équipements de la salle des séances - de l'opération de reconstruction de l'Hôtel du département ; que le département de la Haute-Corse ayant infligé des pénalités de retard à son cocontractant, la société anonyme BUROMAG-UGOLINI relève appel du jugement du 20 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Haute-Corse à lui verser la somme de 328.491,75 F représentant le montant des pénalités de retard que le département lui aurait infligé à tort à la suite du retard qui a affecté la réalisation du nouvel Hôtel du département ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'acte d'engagement du marché précité, ainsi que l'ordre d'engager les travaux, ont été notifiés aux entreprises attributaires le 26 août 1996 ; que l'article 3 de l'acte d'engagement stipulait que le groupement titulaire disposait d'un délai de deux mois et quinze jours pour réaliser ses prestations à l'exception de la fourniture des gradins qui devait intervenir dans un délai de un mois et quinze jours ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte des mentions des différents compte rendus des travaux que, dès les 10 et 11 septembre 1996 les entreprises ont fait remarquer au maître d'oeuvre que la livraison de la salle des séances ne pourrait se faire avant la fin du mois de novembre alors d'ailleurs qu'aux dates précitées aucun planning des travaux n'était encore établi ; qu'à la date du 1er octobre 1996, les sociétés A.V.S., S.C.A.E. et le bureau d'études techniques MAS n'avaient pas fourni à la société Z... France les plans de câblage ainsi que différents éléments à intégrer dans le mobilier ; que différentes modifications du mobilier n'ont pu être précisées par le maître d'oeuvre avant la réunion du 23 et du 24 octobre 1996 ; que le dossier des plans de fabrication des gradins n'a été remis par un autre participant à la société Z... France que lors de la réunion du 15 novembre 1996 soit postérieurement à l'écoulement du délai contractuel de livraison des gradins ; qu'il a d'ailleurs été prévu, lors de la réunion du 2 janvier 1997, que la société BUROMAG-UGOLINI fournirait le planning recalé des différents lots pour la prochaine réunion ; qu'il résulte en revanche des mêmes comptes rendus que la société Z... France n'a remis que tardivement ses plans de fabrication au maître d'oeuvre ; que la même société n'a pas cru devoir, malgré les retards déjà enregistrés et les menaces de se voir infliger des pénalités, se faire représenter à plusieurs réunions de chantier successives ; qu'il résulte de ce qui précède que si les retards ayant affecté l'exécution du marché, confié à la société anonyme BUROMAG-UGOLINI par le département de la Haute-Corse, sont imputables, pour partie, soit à des retards pris dans l'exécution de leurs prestations par d'autres participants à l'opération soit de manquements de la maîtrise d'oeuvre, l'attitude de la requérante et de la société Z... France, à laquelle elle était solidairement liée jusque dans le paiement des pénalités pour retard, a concourue à l'aggravation desdits retards ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à la charge de l'appelante la moitié des pénalités de retard qui lui ont été infligées par le département, soit la somme de 164.245,87 F ;
Considérant que la société BUROMAG-UGOLINI a droit aux intérêts de la somme de 25.039,12 euros (164.245,87 F) à compter du jour de la réception par le département de la Haute-Corse de sa demande, soit le 28 juin 1999 ; que la société requérante a demandé le
20 septembre 2002 la capitalisation des intérêts, à la date du 25 juin 2000 ; que la capitalisation des intérêts n'étant accordée qu'à la date à laquelle elle est demandée, cette demande ne saurait être accueillie en tant qu'elle porte sur une date antérieure à son dépôt ; qu'en revanche une année au moins s'étant écoulée depuis le 28 juin 1999 date de réception de la demande initiale, il y a lieu de faire droit à cette demande, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le département de la Haute-Corse doivent, dès lors, être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la société anonyme BUROMAG-UGOLINI et de condamner le département de la Haute-Corse à lui payer une somme de 1.000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 20 décembre 2001 du Tribunal administratif de Bastia est annulé.
Article 2 : Le département de la Haute-Corse est condamné à payer à la société anonyme BUROMAG-UGOLINI la somme de 25.039,12 euros (vingt-cinq mille trente-neuf euros et douze centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 1999. Les intérêts échus le 20 septembre 2002, puis à chaque date anniversaire, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le département de la Haute-Corse paiera à la société anonyme BUROMAG-UGOLINI une somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme BUROMAG-UGOLINI, au département de la Haute-Corse et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Délibéré à l'issue de l'audience du 2 mars 2004, où siégeaient :
M. BERNAULT, président de chambre,
M. DUCHON-DORIS, président assesseur,
M.FIRMIN, premier conseiller,
assistés de Mme GIORDANO, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 30 mars 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
François BERNAULT Jean-Pierre FIRMIN
Le greffier,
Signé
Danièle GIORDANO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 02MA00551