Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 février 2000 sous le n° 00MA00393, présentée pour la Ville de Marseille, agissant par son maire en exercice dûment habilité, domicilié à l'Hôtel de Ville à Marseille (13233), cedex 20, par Me X..., avocat ;
La Ville de Marseille demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 98-2780 en date du 21 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, sur déféré du préfet des Bouches du Rhône, annulé la délibération de son conseil municipal en date du 9 juin 1997 concernant la délégation de service public de la Cité de la musique ;
Classement CNIJ : 39-01-03-02
C+
2°/ de rejeter le déféré du préfet des Bouches du Rhône ;
3°/ de condamner l'Etat à lui payer la somme de 18.090 F TTC en application de l'article L.8-1 du code de justice administrative ;
La requérante soutient que :
- le jugement attaqué encourt l'annulation au motif qu'il est entaché d'insuffisance de motivation, les juges de première instance n'ayant pas répondu à l'intégralité des conclusions soulevées par la Ville et ayant motivé leur décision par des affirmations non étayées par le moindre élément concret du dossier ;
- en l'état, il est impossible de savoir si la part de rémunération du délégataire serait de 10, 30 ou 5 % puisque précisément c'était l'objet de la mise en concurrence organisée par la délibération que de susciter des propositions afin de déterminer quelle serait la part de rémunération tirée par le délégataire des résultats de l'exploitation et quelles seraient les contributions supportées par la Ville ;
- le tribunal n'a pas davantage ni motivé, ni expliqué son choix relatif au pourcentage de 20 % si bien que le jugement est entaché d'inexactitude matérielle et de dénaturation des pièces et documents de la cause ;
- le jugement repose sur une erreur de droit en ce qu'il pose le principe que lorsque la part des recettes perçues par un cocontractant sur les usagers du service n'atteint environ que 20 %, la rémunération du cocontractant ne saurait être regardée comme substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation, ce qui soumet son contrat aux règles régissant les marchés publics ; la part des recettes tirées de l'exploitation doit exister et être significative, mais elle n'a pas à être déterminante, ni principale, par rapport à l'aide financière versée par la collectivité publique ;
- tel est le cas en l'espèce dès lors que le délégataire doit tirer des revenus substantiels auprès des usagers du service ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 19 juillet 2000, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête par les motifs que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- le taux de 20 % a été établi à partir des documents joints par la commune ou transmis par elle ;
- les conditions de rémunération telles qu'elles étaient présentées par la Ville, outre le fait qu'elles n'entraînaient pas une rémunération substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation, n'étaient pas de nature à faire assumer au cocontractant un risque réel lié à l'exploitation du service ;
Vu les lettres de la Ville de Marseille enregistrées au greffe les 26 septembre 2003 et 10 mars 2004 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 et le décret n° 93-471 du 24 mars 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2004 :
- le rapport de M. DUCHON-DORIS, président assesseur ;
- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si la Ville de Marseille soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que les premiers juges se devaient d'expliquer les raisons pour lesquelles le pourcentage de recettes d'exploitation pouvait en l'état du dossier être fixé à 20 % et n'ont ni motivé, ni expliqué le choix qu'ils ont opéré à ce titre, il ressort de la lecture dudit jugement que le tribunal administratif a fixé la part des recettes autres que celles correspondant au prix payé par la commune en se référant expressément aux pièces du dossier ; que, par suite, le moyen qui manque en fait ne peut être que rejeté ;
Sur les conclusions relatives à la délibération du conseil municipal de Marseille en date du 9 juin 1997 et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.1411-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable, issu de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, les délégations de service public des personnes morales relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire ; que ces dispositions n'ont pas eu pour objet et ne sauraient être interprétées comme ayant pour effet de faire échapper au respect des règles régissant les marchés publics, tout ou partie des contrats dans lesquels la rémunération du cocontractant de l'administration n'est pas substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation ;
Considérant que par une délibération en date du 9 juin 1997 le conseil municipal de Marseille a décidé de confier, dans le cadre de la procédure de délégation de service public, pour une durée de 6 ans, les différentes missions culturelles et de gestion de la Cité de la musique de Marseille ; qu'aux termes du titre 5 du cahier des charges annexé à cette délibération : Pour assurer les missions faisant l'objet du présent cahier des charges, la Ville de Marseille s'engage à verser une participation financière. Elle sera fixée par le délégataire en fonction des prestations qui lui seront demandées par la Ville dans l'article 1 du présent cahier des charges et son montant sera déterminé chaque année, après accord amiable, dans le courant du quatrième trimestre civil précédent. La participation annuelle de la Ville sera versée de la façon suivante : - versement d'un acompte au 31 mars au plus tard, représentant 5 % de la dotation de l'exercice précédent - versement du solde au 30 juin ; qu'il ne ressort pas de ces dispositions, en l'état de l'avancement du projet de convention à intervenir, et même en admettant, comme le soutient le préfet des Bouches-du-Rhône et le conteste la Ville de Marseille, que la part des recettes d'exploitation autres que celles correspondant à la participation versée par la commune puisse être d'environ 20 % de l'ensemble des recettes perçues par le cocontractant, que ladite participation, calculée non pas en fonction des résultats d'exploitation du délégataire mais en fonction des prestations demandées à la Ville, ait pour effet de transférer à la collectivité le risque financier du contrat ; que, dans ces conditions, le préfet des Bouches du Rhône n'est pas fondé à soutenir que la rémunération prévue, à ce stade de la procédure, pour le délégataire, n'est pas substantiellement assurée par le résultat de l'exploitation du service ; que par suite, la Ville de Marseille est fondée à demander l'annulation du jugement en date du 21 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, sur déféré du préfet des Bouches du Rhône, annulé, pour ce motif, la délibération de son conseil municipal en date du 9 juin 1997 ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, par application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la Ville de Marseille la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 21 décembre 1999 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la Ville de Marseille une somme de 1.000 euros (mille euros) au titre des frais irrépétibles.
Article 3 : Le déféré du préfet des Bouches du Rhône est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Marseille et au préfet des Bouches du Rhône.
Délibéré à l'issue de l'audience du 16 mars 2004, où siégeaient :
M. BERNAULT, président de chambre,
M. DUCHON-DORIS, président assesseur,
M. DUBOIS, premier conseiller,
assistés de M. AGRY, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 13 avril 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
François BERNAULT Jean-Christophe DUCHON-DORIS
Le greffier,
Signé
Pierre AGRY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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'' 00MA00393