Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 20 juin 2001, sous le n° 01MA01382, présentée par Maître Morisson-Lacombe, pour Mme Monia Bent Othmane X, demeurant ... ;
Mme X demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 98 3184 et 98 5211 en date du 16 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 20 février 1998 par laquelle le préfet des Alpes Maritimes a refusé son admission exceptionnelle au séjour ;
2°/ d'annuler cette décision ;
Classement CNIJ : 335-01-03
C
3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3.000 F au titre des frais irrépétibles ;
Elle soutient :
- que l'administration a commis une erreur de fait en indiquant qu'elle était entrée en France de manière irrégulière alors qu'en 1982 l'obligation de visa n'existait pas pour les ressortissants tunisiens ;
- que les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ;
- que, résidant en France de manière habituelle depuis plus de quinze ans, elle relève de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- qu'elle n'a plus de famille en Tunisie, étant mariée en France avec un compatriote en situation régulière , sa soeur vivant en France, et sa mère et son frère vivant en Suisse ;
- que sa présence est nécessaire aux côtés de sa soeur malade élevant seule ses cinq enfants ;
- qu'elle dispose d'une promesse d'embauche ;
- que son mari est père de deux enfants vivant en France ;
- que la décision litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- que le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen ;
- que la décision litigieuse méconnaît la circulaire ministérielle du 24 juin 1997 et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le courrier en date du 13 mars 2003 par lequel le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a été mis en demeure de produire un mémoire en défense ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2004 :
- le rapport de M. Pocheron, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, dans son mémoire de première instance en date du 17 février 2001 dans le cadre de la demande enregistrée sous le n° 98 5211 devant le Tribunal administratif de Nice, Mme X a développé un moyen tiré de la violation par la décision en date du 20 février 1998 par laquelle le préfet des Alpes Maritimes a refusé son admission exceptionnelle au séjour de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le jugement attaqué en date du 16 mars 2001, s'il vise ladite convention, ne répond à ce moyen ni de manière explicite, ni de manière implicite, et doit en conséquence être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Nice ;
Considérant que par un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 17 février 2001, Mme X a pour la première fois invoqué des moyens de légalité externe ; que, cependant, ledit mémoire a été enregistré après l'expiration du délai de recours contentieux contre la décision litigieuse, laquelle a été notifiée le 3 mars 1998 avec la mention des voies et délais de recours ; que, par suite, ces moyens nouveaux, présentés tardivement, ne sont pas recevables ;
Considérant qu'il ressort du passeport de Mme X dont copie est produite au dossier que celle-ci est entrée deux fois en France en 1982 et 1984 sous couvert de visas de visiteur temporaire ; que, selon ses propres déclarations devant les services préfectoraux le 17 novembre 1997, elle a fait l'objet le 14 septembre 1989 d'un premier refus de délivrance de titre de séjour et est alors retournée en Tunisie ; qu'elle n'est revenue en France, en passant par la Suisse, qu'à la fin de l'année 1993, sans visa d'entrée sur le territoire national ; que, par suite, le préfet était fondé à lui opposer l'irrégularité de sa dernière entrée en France en 1993, ainsi que l'absence de résidence habituelle depuis plus de quinze ans dans ce pays, exigée par l'article 10 de l'accord franco-tunisien susvisé du 17 mars 1988 pour pouvoir prétendre à une carte de résident ;
Considérant que la circulaire du ministre de l'intérieur du 24 juin 1997 ne confère aucun droit à la régularisation de la situation administrative des étrangers qui en ont effectué la demande ; que, dés lors, Mme X n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions ;
Considérant qu'à la date de la décision litigieuse, l'intéressée, célibataire, sans enfant, ne vivait en France que depuis moins de cinq ans ; que ses attaches familiales y étaient limitées à sa soeur, dont elle ne justifie pas par le certificat médical produit qu'elle avait besoin de son assistance constante, et aux enfants de celle-ci ; que si Mme X soutient ne plus avoir de famille en Tunisie, elle ne l'établit pas, par des documents probants notamment quant au décès de son père ou à la résidence habituelle de sa mère en Suisse ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision litigieuse et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du préfet des Alpes-Maritimes en date du 20 février 1998 ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 16 mars 2001 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme Monia Bent Othmane X devant le Tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Monia Bent Othmane X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Délibéré à l'issue de l'audience du 29 mars 2004, où siégeaient :
Mme Bonmati, président de chambre,
M. Moussaron, président assesseur,
M. Pocheron, premier conseiller,
assistés de Mme Ranvier, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 3 mai 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Dominique Bonmati Michel Pocheron
Le greffier,
Signé
Patricia Ranvier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 01MA01382