Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 février 2003, présentée par Me d'X..., avocat, pour la SARL RE.GE.BAT SUD, dont le siège est ... ;
La société demande à la Cour :
1) de réformer le jugement n° 99-1168 du 19 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a partiellement fait droit à sa demande indemnitaire dirigée contre la collectivité territoriale de Corse, en condamnant celle-ci à lui verser la somme de 9.322 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 1999 et du produit de leur capitalisation au 8 novembre 2002, en réparation du préjudice subi du fait de l'interruption des travaux du marché conclu pour le ravalement et le parement des façades de l'hôtel de région ;
2) de condamner la collectivité territoriale de Corse à lui verser la somme totale de 186.451,20 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 1999, date d'enregistrement de sa requête de première instance, et du produit de leur capitalisation au titre des années 1999, 2000, 2001 et 2002 ;
3) de condamner ladite collectivité aux dépens et au versement de la somme de 6.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2006 :
- le rapport de M. Brossier, premier conseiller ,
- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société appelante RE.GE.BAT SUD a conclu le 26 février 1997 avec la collectivité territoriale de Corse un marché public de travaux relatif au ravalement et au parement des façades de l'hôtel de région ; qu'à la suite de la mise en demeure du préfet de Corse de cesser les travaux en raison de leur non-conformité au plan d'occupation des sols d'Ajaccio et au permis de construire délivré, le président du conseil exécutif de Corse a interrompu l'exécution des travaux confiés à l'appelante par un ordre de service du 3 avril 1998 ; que par jugement avant-dire-droit du 25 avril 2002, le Tribunal administratif de Bastia a condamné la collectivité territoriale de Corse à indemniser la société RE.GE.BAT SUD des préjudices qu'elle a subis du fait de cette interruption et a décidé de procéder à une expertise pour en évaluer le montant ; que par le jugement attaqué du 19 décembre 2002, le Tribunal a fixé le montant de la réparation à la somme de 9.322 euros, que par sa requête d'appel la société RE.GE.BAT SUD demande à la Cour de porter à 186.451,18 euros ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 48-1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux et au marché en litige : « L'ajournement des travaux peut être décidé. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. L'entrepreneur qui conserve la garde de chantier a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement (…) » ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient à la société appelante, l'ordre de service du 3 avril 1998 n'a pas résilié le marché public de travaux en litige, mais a interrompu son exécution du fait d'un ajournement, au sens des stipulations de l'article 48-1 précité, nécessité par des contraintes urbanistiques ; qu'en application de ces stipulations, l'appelante a droit d'être indemnisée des frais que lui impose la garde du chantier et des préjudices éventuellement subis du fait de cet ajournement ;
Sur les préjudices :
Considérant, en premier lieu, que l'appelante réclame la somme de 87.851,34 euros au titre d'une perte de marge sur coûts variables ; que cette perte doit être entendue comme le manque à gagner que la société espérait dégager, en termes de bénéfices, de l'exécution de l'intégralité du marché ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le taux d'exécution du marché au 24 mars 1999 avait atteint 72,88 %, après la reprise en octobre 1998 des travaux sur le bâtiment B ; que, pour la proportion restante de 27,12 % , il n'est pas contesté que l'appelante n'a pas donné suite, de son chef, à l'ordre de reprise des travaux portant sur le bâtiment A qui lui a été transmis le 9 novembre 1999 ; que, dans ces conditions, elle ne peut prétendre à être indemnisée d'un manque à gagner correspondant à cette inexécution partielle du marché ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'appelante réclame la somme de 24.858,24 euros (163.059,35 F) au titre des pertes de matières consommables ; qu'il résulte de l'instruction que l'expert a retenu un tel montant en additionnant toutes les factures d'achat de ces matières pour une surface totale à réaliser de 3200 m2, puis a appliqué un taux de réalisation de 62%, pour obtenir un montant de pertes de 61.147 F (9.322 euros) au titre des 1200 m2 restant à réaliser ; qu'en se contentant de produire l'analyse de son expert comptable indiquant que les factures retenues pour un total de 163.059,35 F ne concernaient que des matières non posées et par suite perdues, et en ne produisant pas ces factures ou des éléments comptables probants relatifs, notamment, à ses stocks durant la période en litige, la société RE.GE.BAT SUD, à qui incombe la charge de la preuve en sa qualité de requérante, ne peut être regardée comme contestant sérieusement la méthode retenue par l'expert ; qu'il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient sous-évalué ses pertes de matières consommables en ne retenant qu'un montant de 9.322 euros (61.147 F) ;
Considérant, en troisième lieu, que l'appelante réclame la somme de 53.923,25 euros au titre du coût engendré par le paiement de salaires et charges sociales au cours de la période d'ajournement du chantier ; que si elle soutient qu'elle a dû maintenir un personnel inactif pour pouvoir faire face à la reprise du chantier qu'elle estimait imminente et qu'elle n'aurait pu s'engager ainsi sur d'autres chantiers, une telle circonstance n'est pas sérieusement établie par les pièces versées au dossier et, en tout état de cause, ne présente pas un lien de causalité suffisamment direct avec l'ajournement du chantier de l'hôtel de région, compte-tenu des choix de gestion possibles pour une entreprise du bâtiment confrontée à un retard de chantier ; qu'il appartenait à l'appelante de réclamer à la Collectivité territoriale de Corse une indemnité d'attente de reprise des travaux, en justifiant du coût des charges de structure ou de trésorerie provoquées par l'ajournement et la garde du seul chantier de l'hôtel de ville ; qu'elle ne justifie ni devant le Tribunal, ni devant la Cour, avoir sollicité une telle indemnité d'attente ;
Considérant, en quatrième et dernier lieu, que si l'appelante réclame la somme de 19.818,37 euros au titre d'un préjudice né de l'atteinte à son image, elle ne peut être regardée, pas plus en appel que devant les premiers juges, comme justifiant sérieusement d'un tel préjudice ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Bastia aurait, à tort, évalué à la somme de 9.322 euros le montant des préjudices qu'elle a subis du fait de l'ajournement du chantier litigieux ;
Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis aux juges ; que les conclusions présentées à ce titre par la société RE.GE.BAT SUD doivent dès lors être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : La requête de la société RE.GE.BAT SUD est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société RE.GE.BAT SUD, à la Collectivité territoriale de Corse et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
N° 03MA0366 2
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