Vu la requête, enregistrée le 28 février 2005, présentée pour la SCA COVIAL, dont le siège est route de Bellegarde à Mandel (30129), par la FIDAL, société d'avocats ;
La SCA COVIAL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0205971 en date du 17 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de Mme X, salariée protégée, la décision en date du 22 janvier 2002 par laquelle l'inspecteur du travail l'a autorisée à licencier Mme X pour inaptitude physique et ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES sur le recours hiérarchique formée par Mme X ;
2°) de condamner Mme X à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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2°) Vu le recours, enregistré le 4 mars 2005 en télécopie, confirmé le 30 mars 2005 par l'original, présenté par LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0205971 en date du 17 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de Mme X, salariée protégée, la décision en date du 22 janvier 2002 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société COVIAL à licencier Mme X pour inaptitude physique et ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES sur le recours hiérarchique formé par Mme X ;
2°) de rejeter la demande de Mme X tendant à l'annulation de la décision en date du 22 janvier 2002 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société COVIAL à la licencier pour inaptitude physique et, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES sur son recours hiérarchique ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2006 :
- le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées n° 05MA00496 et n° 05MA00526 sont relatives au même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu d'y statuer par un même arrêt ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué:
Considérant qu'en vertu de l'article L. 412-18 du code du travail, les salariés investis d'un mandat de délégué syndical expiré depuis moins de douze mois, lorsqu'ils ont exercé leurs fonctions pendant un an au moins, bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.122-32-5 du code du travail applicable aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle : « Si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités, et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles mutations ou transformations de postes de travail. (…) s'il ne peut proposer un autre emploi, l'employeur est tenu de faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. (…) l'employeur ne peut prononcer le licenciement que s'il justifie soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi dans les conditions prévues ci-dessus, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions » ; qu'aux termes de l'article L.241-10-1 du même code : « Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé des travailleurs. Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail. » ; qu'aux termes de l'article R.241-51 dudit code : « Les salariés doivent bénéficier d'un examen par le médecin du travail (…) après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel (…). Cet examen a pour seul objet d'apprécier l'aptitude de l'intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures… » ; qu'aux termes de l'article R.241-51-1 de ce code : « Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines … » ;
Considérant que Mme X, salariée de la SCA COVIAL, en qualité de cariste puis de contremaîtresse, a été victime en 1995 d'un accident du travail et a été reclassée à un poste de contrôle pré-calibrage ; qu'elle a eu la qualité de déléguée syndicale du 26 janvier 1999 au 18 juin 2001 ; qu'après la seconde rechute de son accident de travail en mars 2001, elle a fait l'objet, à l'issue de la visite médicale de reprise, d'un avis du médecin du travail indiquant pour l'intéressée « pas de port de charge, pas de station debout, pas de rotation du tronc » et « qu'un nouveau poste aménagé devait être envisagé » ; que cet avis a été complété par un courrier en date du 20 novembre 2001 du médecin du travail adressé à l'employeur, précisant que devaient être évités à Mme X, le port de charges lourdes ou répétitives, la station débout prolongée, la position assise prolongée et les mouvements de rotation du tronc et le fait que cette dernière était devenue inapte au poste de pré-calibrage ; que lors de la seconde visite le 30 novembre 2001, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Mme X à exercer le poste de travail « contrôle pré-calibrage » ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L.122-32-5 du code du travail, que l'employeur doit, au besoin en les sollicitant, prendre en considération les propositions du médecin du travail en vue d'un reclassement du salarié ; qu'en l'espèce, le médecin du travail s'est borné, dans ses conclusions écrites prises à l'issue des deux visites réglementaires, à constater l'inaptitude physique de Mme X au poste de travail qu'elle
occupait précédemment et n'a émis aucune proposition écrite sur l'aptitude de la salariée intéressée à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ; que l'employeur n'a pas davantage sollicité ce dernier à cette fin ; que dans ces conditions, alors que le médecin n'avait pas conclu à l'inaptitude de Mme X à tout poste de travail dans l'entreprise ou à toute activité professionnelle et alors même que le médecin du travail se serait prononcé oralement sur l'aptitude de la salariée intéressée à occuper certains emplois dans l'entreprise lors de la réunion ayant eu lieu le 18 janvier 2002 dans le cadre de l'enquête contradictoire menée par l'inspectrice du travail saisie de la demande tendant à l'autorisation de licencier de Mme X formulée par la SCA COVIAL, cette dernière ne peut être regardée comme ayant rempli régulièrement les obligations mises à sa charge par les dispositions de l'article L.122-32-5 du code du travail ; que, par suite, c'est à tort que l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de Mme X pour inaptitude physique par décision du 6 août 2003 et que le ministre, sur le recours hiérarchique formé le 26 février 2002 par la salariée, a confirmé implicitement cette autorisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCA COVIAL et le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de Mme X, ces décisions ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la SCA COVIAL, doivent dès lors être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SCA COVIAL à payer à Mme X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCA COVIAL et le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE sont rejetés.
Article 2 : La SCA COVIAL versera à Mme X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA COVIAL, au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ET DE LA RURALITE et à Mme X.
N° 05MA00496 05MA00526 2