Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2005, présentée pour la société KP1 BATIMENTS, dont le siège est MIN Bâtiment D, 135 avenue Pierre Sémard à Avignon (84000), par Me Alliaume ;
La société KP1 BATIMENTS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0401340 en date du 7 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de M. X, salarié protégé, la décision en date du 6 août 2003 par laquelle l'inspecteur du travail l'a autorisé à licencier M. X pour inaptitude physique et la décision en date du 12 janvier 2004 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité confirmant cette autorisation ;
2°) de rejeter la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision en date du 6 août 2003 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour inaptitude physique et la décision en date du 12 janvier 2004 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité confirmant cette autorisation ;
3°) de condamner M. X à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2006 :
- le rapport de Mme Fernandez, premier conseiller ;
- les observations de Me Alliaume pour la société KP1 BATIMENTS et de Me Mouret pour M. X ;
- et les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué:
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.425-1 du code du travail et des dispositions combinées des articles L.122-14-16 et L.412-18 du même code, respectivement les salariés investis d'un mandat de délégué du personnel, même suppléant et les salariés investis d'un mandat de conseiller du salarié ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de douze mois, lorsque celles-ci ont été exercées pendant un an au moins, bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.122-24-4 du code du travail : « A l'issue de périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles mutations ou transformations de postes de travail. Si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Les dispositions prévues à l'alinéa précédent s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail » ; qu'aux termes de l'article L.241-10-1 du même code : « Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé des travailleurs. Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail. » ; qu'aux termes de l'article R.241-51 dudit code : « Les salariés doivent bénéficier d'un examen par le médecin du travail (…) après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel (…). Cet examen a pour seul objet d'apprécier l'aptitude de l'intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures… » ; qu'aux termes de l'article R.241-51-1 de ce code : « Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines … » ;
Considérant que M. X, salarié de la société KP1 BATIMENTS, délégué du personnel suppléant et ancien conseiller du salarié a bénéficié d'un congé de maladie à compter du 22 janvier 2002 ; que le 25 avril 2003, il a fait l'objet d'un avis du médecin du travail déclarant son inaptitude temporaire à son poste de travail ; que conformément à cet avis, il a été vu quinze jours plus tard par le médecin du travail, lequel, en réservant son avis définitif à la demande de l'employeur pour recherche de reclassement, l'a déclaré « inapte à tout poste de l'entreprise BDI (KP1) où il existerait une pression psychologique de la part de la hiérarchie » ; qu'après avoir reçu un dossier de l'employeur concernant neuf postes possibles de reclassement de M.X, compte tenu des qualifications professionnelles de celui-ci, le médecin du travail, par un courrier en date du 2 juin 2003 a précisé que compte tenu du ressentiment du salarié intéressé, concentré sur le seul directeur des ressources humaines de l'entreprise et de la compétence nationale de ce dernier, ledit salarié était inapte à l'ensemble des postes proposés par l'employeur dès lors qu'il n'était pas en état « de recevoir directement ou indirectement des ordres dudit directeur des ressources humaines » ; que sur la demande de la société KP1 BATIMENTS, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. X pour inaptitude par décision du 6 août 2003 ; que sur recours hiérarchique de M. X, le ministre de l'emploi et de la solidarité, par l'article 1er de sa décision en date du 12 janvier 2004 a annulé la décision du 6 août 2003 de l'inspecteur du travail et par l'article 2 de celle-ci, a autorisé le licenciement de M. X pour inaptitude physique ; qu'à défaut d'intérêt à agir de M. X contre l'article 1er de la décision ministérielle contre lequel, au demeurant, il n'invoquait aucun moyen et du fait de la disparition de l'ordonnancement juridique de la décision de l'inspecteur du travail avant l'enregistrement de son recours devant le Tribunal administratif de Montpellier, sa demande devait être regardée comme uniquement dirigée contre la décision ministérielle en tant qu'elle autorisait son licenciement dans son article 2 ; que par suite, les conclusions d'appel de la société KP1 BATIMENTS, contestant le bien fondé du jugement attaqué, ne peuvent être regardées que comme concluant au rejet de la demande de M. X tendant à l'annulation de la seule décision en date du 12 janvier 2004 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en tant qu'elle a autorisé son licenciement ;
Considérant que si, en vertu des dispositions précitées des dispositions de l'article L.122-24-4 et de l'article L.241-10-1 du code du travail, il appartenait au médecin du travail d'apprécier l'aptitude de M. X à reprendre son emploi, la nécessité d'une adaptation de ses conditions de travail ou de sa réadaptation ou encore de formuler des indications sur son aptitude à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, il ne pouvait pas, sans excéder ses compétences, se livrer à un examen des relations hiérarchiques des emplois que l'employeur envisageait de proposer à son salarié pour en déduire que ce dernier était inapte à ces postes ; que si les dispositions précitées de l'article L.241-10-1 du code du travail ouvrent notamment au salarié concerné un recours contre l'avis du médecin du travail devant l'inspecteur du travail qui prend, en cas de désaccord, la décision, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis définitif du médecin du travail a été notifié à M. X ; que dans ces conditions, l'inspecteur du travail, et le cas échéant comme en l'espèce, le ministre chargé de l'emploi, saisis de la demande de licenciement de M. X pour inaptitude physique ne pouvaient légalement se fonder, pour autoriser le licenciement de ce salarié, sur cet avis qui n'avait pas revêtu un caractère définitif et avait été illégalement rendu par le médecin du travail ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société KP1 BATIMENTS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de M. X, la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité autorisant son licenciement pour inaptitude physique ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la société KP1 BATIMENTS doivent, dès lors, être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société KP1 BATIMENTS à payer à M. X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société KP1 BATIMENTS est rejetée.
Article 2 : La société KP1 BATIMENTS versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société KP1 BATIMENTS, au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et à M. X.
N° 05022470 2