Vu la requête, enregistrée le 18 février 2005 sous le n° 05MA00393, présentée par Me Rigaud, avocat, pour Mme Bénédicte SOULIE X, élisant domicile ... ; Mme X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2004 en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives au paiement de ses salaires et au versement des cotisations sociales y afférentes durant la période allant du 11 avril 2002, date de son licenciement irrégulier, jusqu'à sa réintégration, ainsi que sa demande indemnitaire à raison du préjudice moral subi ;
2°) d'accueillir l'ensemble de ses demandes, qu'elle réévalue à 30.000 euros en ce qui concerne son préjudice moral, en tenant compte de l'avancement à l'ancienneté en ce qui concerne les salaires et cotisations sociales ;
3°) de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier à lui verser une somme de 4.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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II) Vu l'ordonnance du 5 juillet 2006 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Marseille a ouvert une procédure juridictionnelle, sous le n° 06MA01920, en vue de prescrire les mesures d'exécution du jugement n° 0205274 rendu le 31 décembre 2004 par le Tribunal administratif de Montpellier ;
Vu, enregistré le 27 juillet 2005, le courrier par lequel Mme Béatrice X a saisi la Cour d'une demande en exécution du jugement n° 0205274 du Tribunal administratif de Montpellier ;
Mme X demande à la Cour, sur le fondement de l'article L.911-4 du code de justice administrative et sous réserve des droits qu'elle fait valoir dans le cadre de sa requête d'appel :
- d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de réintégration sur son poste de travail avec horaires réguliers ;
- d'ordonner à la Chambre de commerce et d'industrie, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de procéder à la réintégration demandée ;
- de condamner la Chambre de commerce et d'industrie à lui payer ses rémunérations à compter du 1er janvier 2005 jusqu'à sa réintégration avec versement des cotisations sociales afférentes ;
- de condamner la Chambre de commerce et d'industrie à lui verser une somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2006 :
- le rapport de Mme Gaultier, rapporteur,
- les observations de Me Didier de la SCP Delmas Rigaud Lévy Balzarini pour
Mme X et de Me Reicher substituant Me Pierchon pour la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier,
- et les conclusions de Mme Paix, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement n° 0205274 du 31 décembre 2004, le Tribunal administratif de Montpellier, d'une part, a annulé la décision du directeur des ressources humaines de la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier en date du 11 avril 2002 licenciant Mme X, agent titulaire, pour inaptitude physique, au motif d'un vice dans la consultation du comité médical prévue par l'article 33 du statut du personnel administratif des Chambres de commerce et d'industrie, d'autre part, a rejeté les conclusions de Mme X tendant à ce que la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier soit condamnée à lui payer ses salaires jusqu'à la date de sa réintégration sur un emploi conforme à sa formation, ses capacités et son état de santé, avec versement des cotisations sociales afférentes, ainsi que les conclusions indemnitaires présentées par Mme X pour un montant de 20.000 euros à raison du préjudice moral subi ;
Considérant que par la requête enregistrée sous le n° 05MA00393, Mme X fait appel du jugement susmentionné en tant qu'il a rejeté les conclusions relatives à ses salaires, ainsi que les conclusions indemnitaires ; que par mémoire enregistré le 11 mai 2005, la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier conclut au rejet de la requête d'appel et demande, en outre, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision de licenciement de Mme X ;
Considérant que par demande ayant fait l'objet d'une procédure juridictionnelle enregistrée sous le n° 06MA01920, Mme X a saisi la Cour pour assurer l'exécution du jugement déféré en appel au tribunal, en enjoignant à la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier de procéder à sa réintégration sur son poste ou tout poste adapté à son état de santé, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de dix jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
Sur la requête d'appel n° 05MA00393 :
En ce qui concerne les conclusions incidentes présentées par la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier :
Considérant que dans son mémoire en défense enregistré au greffe de la Cour le 11 mai 2005, la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier a présenté des conclusions tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision de licenciement litigieuse, en soutenant que la procédure suivie était régulière ; que de telles conclusions sont dépourvues de lien avec l'appel principal de Mme X et sont, par suite, irrecevables ; qu'il résulte par ailleurs des pièces du dossier que la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier a reçu notification du jugement attaqué le 13 janvier 2005 ; qu'à la date du 11 mai 2005, à laquelle ces conclusions ont été présentées, le délai d'appel de deux mois était expiré ; qu'il suit de là qu'à supposer même que les dites conclusions soient regardées comme des conclusions d'appel principal, elles seraient, en tout état de cause, tardives et par suite irrecevables ;
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant que Mme X soutient que le tribunal administratif, d'une part, aurait commis une omission à statuer en n'examinant pas le moyen tiré du caractère insuffisant des efforts de reclassement consentis par l'employeur, d'autre part, aurait insuffisamment motivé le rejet de ses conclusions tendant au paiement de ses salaires et cotisations sociales à compter du 11 avril 2002 jusqu'à sa réintégration, ainsi que sa demande indemnitaire ;
Considérant que l'article 33 du statut du personnel des Chambre de commerce et d'industrie dispose que : «La cessation de fonctions de tout agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes : …3 - par licenciement pour inaptitude physique, après avis d'un comité médical qui doit être désigné par la commission paritaire locale…» ; que l'article 34 bis relatif au licenciement pour inaptitude physique précise : «Avant tout licenciement pour inaptitude physique, il est recherché une adaptation possible du poste ou un reclassement éventuel...» ;
Considérant que le tribunal administratif a annulé la décision de licenciement litigieuse au motif d'une irrégularité de procédure dans la consultation du comité médical, en estimant que ses membres ne pouvaient être consultés séparément, sauf à méconnaître la portée de l'obligation de consultation d'un organisme collégial ; qu'il a jugé ensuite que si le vice de procédure commis constituait une faute de nature à engager la responsabilité de la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier, il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'eu égard à l'état physique de l'intéressée, l'établissement aurait pris une décision différente de celle prononçant le licenciement pour inaptitude physique et que l'illégalité ainsi commise n'était pas de nature à ouvrir droit à réparation au profit de Mme X au titre du préjudice subi ; qu'enfin, il a rejeté les conclusions tendant au versement par la chambre des salaires et cotisations sociales jusqu'à la date de la réintégration de Mme X sur un emploi conforme à sa formation, ses capacités et son état de santé, au motif de l'absence de service fait ;
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré du vice de la procédure suivie étant de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée, le tribunal administratif n'était pas tenu de statuer sur les autres moyens présentés à l'appui de la demande d'annulation et, notamment, sur celui tiré du caractère insuffisant des efforts de reclassement consentis par l'employeur ;
Considérant, en second lieu, qu'en se bornant à rejeter la demande de versement des salaires et cotisations sociales au motif de l'absence de service de fait et en se bornant à prendre en compte l'état de santé de l'intéressé sans examiner les efforts de reclassement faits par l'employeur, dont la requérante soutenait qu'ils étaient insuffisants, avant d'en conclure que le licenciement pour inaptitude physique était justifié au fond et que l'irrégularité commise n'était dès lors pas de nature à ouvrir droit à réparation au profit de Mme X, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son rejet du surplus des conclusions présentées ; que cette insuffisance de motivation est de nature à entacher d'irrégularité la partie du jugement attaqué qui traîte des conclusions tendant au paiement des salaires et cotisations sociales et au versement d'indemnités ; qu'il suit de là que le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 31 décembre 2004 doit être annulé en tant qu'il a rejeté lesdites conclusions de la requête de Mme X ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions susmentionnées présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant que l'exécution de la décision juridictionnelle d'annulation pour vice de procédure de la décision de licenciement pour inaptitude physique prise le 11 avril 2002 à l'encontre de Mme X implique la réintégration juridique de l'intéressée dans l'emploi d'hôtesse d'accueil titulaire qu'elle occupait à la date de son éviction illégale, la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux ; qu'en l'absence de service fait, cette annulation n'a pas pour effet de lui donner droit au rappel de ses traitements ; que la requérante est toutefois fondée à demander à la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier la réparation des préjudices qu'elle a réellement subis du fait de son licenciement irrégulier ; qu'il convient, pour fixer l'indemnité à laquelle la requérante a droit, de tenir compte notamment de l'importance respective des irrégularités entachant l'acte annulé et des circonstances de fait à l'origine de la décision annulée ; qu'en l'espèce, il est constant que l'état de santé de Mme X la rendait inapte à l'emploi d'hôtesse d'accueil avec horaires décalés qu'elle occupait antérieurement ; que toutefois, eu égard aux contraintes de fonctionnement d'un aéroport, le poste d'hôtesse d'accueil détenu par l'intéressée pouvait difficilement être adapté à l'état de santé de Mme X ; que, par ailleurs, la Chambre de commerce et d'industrie justifie de trois tentatives de reclassement, dont deux ont été refusées par l'intéressée et l'autre a été estimée inappropriée à l'état de santé de l'intéressée par le médecin du travail ; que dans ces conditions, la Chambre de commerce et d'industrie doit être regardée comme ayant satisfait à son obligation de recherche de possibilités de reclassement et n'encourt aucune responsabilité de ce chef ; qu'en revanche, l'éviction illégale de Mme X lui a causé un préjudice moral dont il sera fait une juste réparation, dans les circonstances de l'espèce, en condamnant la Chambre de commerce et d'industrie à lui verser une indemnité de 5.000 euros ;
Sur la requête à fin d'exécution n° 06MA01920 :
Considérant que l'article L.911-4 du code de justice administrative prévoit que : «En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution ou prononcer une astreinte…» ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'exécution de la décision juridictionnelle d'annulation, pour vice de procédure, de la décision de licenciement pour inaptitude physique de Mme X implique la réintégration juridique de l'intéressée dans l'emploi qu'elle occupait à la date de son éviction irrégulière, la reconstitution de sa carrière et la reconstitution de ses droits sociaux, sans préjudice de la possibilité pour la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier de reprendre la procédure de licenciement pour inaptitude physique de l'intéressée selon une procédure régulière, si elle s'y croit fondée ; que Mme X demande toutefois à la Cour, dans le cadre de la présente requête en exécution, d'enjoindre à la Chambre de commerce et d'industrie de procéder à sa réintégration effective sur un poste adapté à son état de santé et dont elle définit elle-même les caractéristiques ; que cette demande excède la réintégration juridique à laquelle est tenue la Chambre de commerce et d'industrie en exécution du jugement attaqué ; qu'au surplus, ainsi qu'il a été dit plus haut, ladite chambre doit être regardée comme ayant satisfait à son obligation de recherche de possibilités de reclassement ; qu'il suit de là que la demande formulée par Mme X ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier à verser à Mme X une indemnité de 1.500 euros au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, soit condamnée à verser à la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier une indemnité au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 0205274 du Tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme X tendant au paiement de salaires et cotisations sociales et au versement d'indemnités.
Article 2 : La Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier est condamnée à verser à Mme X une indemnité de 5.000 euros (cinq mille euros) au titre du préjudice subi ainsi qu'une indemnité de 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens .
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme X est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Bénédicte X, à la Chambre de commerce et d'industrie de Montpellier et au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.
N° 05MA00393, 06MA01920 2