Vu le recours, enregistré le 20 septembre 2004, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0004116 du 4 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nice a accordé à la société Summerhouse Invest la décharge, d'une part, de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1994, 1995 et 1996, d'autre part de la contribution de 10 % mise à sa charge au titre des exercices clos en 1995 et 1996, enfin de la taxe professionnelle afférente à l'année 1998 ;
2°) de décider que la société Summerhouse Invest sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1994, 1995 et 1996 et de la contribution de 10 % au titre des exercices clos en 1995 et 1996 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966, modifiée par avenant en date du 3 décembre 1969 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2007,
- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Marcovici, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Summerhouse Invest, société anonyme de droit suisse, propriétaire à Vallauris d'un bien immobilier mis gratuitement à la disposition de son actionnaire principal, a été assujettie d'une part, au titre des années 1994, 1995 et 1996, à l'impôt sur les sociétés sur la base du loyer qu'elle aurait dû normalement percevoir dans le cadre d'une gestion commerciale normale, sous déduction d'un montant forfaitaire de charges déductibles, d'autre part, au titre des années 1995, 1996 à la contribution de 10 % prévue par les dispositions de l'article ter ZA du code général des impôts ; que pour demander l'annulation du jugement en date du 4 mai 2004 par lequel le tribunal administratif de Nice lui a accordé la décharge de l'ensemble de ces impositions, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la société Summerhouse Invest n'était pas passible de l'impôt sur les sociétés au regard des dispositions de l'article 206-1 du code général des impôts ; que le ministre ne conteste pas le bien fondé de la décharge de la taxe professionnelle accordée par le Tribunal au titre de l'année 1998 ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 206-1 du code général des impôts : « Sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes…, les sociétés coopératives et leurs unions, ainsi que, sous réserve des dispositions de l'article 207-1-6° et 6° bis, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif » ; qu'en application de ces dispositions et sous réserve de l'application des conventions internationales, une société de droit étranger est imposable à l'impôt sur les sociétés en France lorsque, d'une part, elle peut être de par sa forme assimilée à l'une des catégories de sociétés visées par les dispositions précitées, ou, d'autre part, elle réalise sur le territoire français des opérations à caractère lucratif ;
Considérant que les sociétés anonymes de droit Suisse sont des sociétés à responsabilité limitée inscrites obligatoirement au registre du commerce ; qu'ainsi, la société Summerhouse Invest doit, pour l'application des dispositions de l'article 206 du code général des impôts, être assimilée à une société de capitaux française dès lors que la convention internationale franco-suisse n'exclut pas cette assimilation ; qu' elle est, de par sa forme et quel que soit son objet, passible de l'impôt sur les sociétés en France ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la société Summerhouse Invest n'était pas passible de l'impôt sur les sociétés au sens des dispositions de l'article 206-1 du code général des impôts et par voie de conséquence à la contribution de 10 % prévue par les dispositions de l'article 235 ter ZA du code général des impôts ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Summerhouse Invest ;
Sur l'application de la convention franco-suisse :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée, « 1. les revenus provenant de biens immobiliers sont imposables dans l'Etat contractant où ses biens sont situés …4. Les dispositions des paragraphes 1 et 3 s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise… » ; que si l'article 7-1 de la même convention prévoit que les bénéfices d'une société ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel elle dispose d'un établissement stable, l'article 7-7 exclut de l'application de ces dispositions les bénéfices comprenant des éléments de revenus traités par d'autres dispositions de la convention ; que contrairement à ce que soutient la société requérante, ces dispositions sont applicables aux revenus que la société a omis de percevoir à raison de la mise à disposition de la maison dont elle est propriétaire ;
Sur l'application des dispositions de l'article 209-1 du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 209-1 du code général des impôts : « sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 a à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés par les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions » ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, les dispositions de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 attribuent à la France l'imposition des revenus provenant d'un bien immobilier situé en France ; que dès lors, la circonstance que la société Summerhouse Invest ne puisse être regardée comme exploitant une entreprise en France au sens des dispositions précitées de l'article 209-1 et qu'elle ne dispose pas d'un établissement stable en France ne permet pas d'exclure l'imposition des revenus litigieux en France ;
Sur l'application de la doctrine administrative :
Considérant qu'aux termes de la doctrine administrative 4 H-1161 n° 24 du 30 avril 1988 invoquée par la société requérante : « l'exploitation ou les opérations de caractère lucratif correspondent à l'accomplissement d'actes payants semblables à ceux effectués par les travailleurs indépendants dans le cadre de leur activité professionnelle. Il s'agit donc de ceux des artisans, commerçants, industriels et non commerciaux visés par les articles 34, 35 et 92 du code général des impôts » ; que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'exclure du champ d'application de l'impôt sur les sociétés en France les sociétés étrangères qui mettent à la disposition gratuite de leurs associés un bien immobilier ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice attaqué en tant qu'il accorde à la société Summerhouse Invest la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés afférentes aux années 1994, 1995 et 1996 et la décharge de la contribution de 10 % mise à sa charge au titre des années 1995 et 1996 ;
Sur les conclusions de la société Summerhouse Invest tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante soit condamné à payer à la société Summerhouse Invest la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 4 mai 2004 est annulé en tant qu'il accorde à la société Summerhouse Invest la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés afférentes aux années 1994, 1995 et 1996 et la décharge de la contribution de 10 % mise à sa charge au titre des années 1995 et 1996.
Article 2 : La demande présentée par la société Summerhouse Invest au Tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : La société Summerhouse Invest est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre des années 1994, 1995 et 1996 et au rôle de la contribution de 10 % au titre des années 1995 et 1996.
Article 4: Les conclusions de la société Summerhouse Invest tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Summerhouse Invest.
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N° 04MA02133